L'ancien président argentin, Carlos Menem (1989-1999), a été condamné jeudi 13 juin à une peine de sept ans de prison pour trafic d'armes à destination de la Croatie et de l'Equateur, devenant le premier ex-président argentin élu démocratiquement puni par la justice. Actuellement sénateur, l'ancien chef d'Etat de 82 ans est protégé par son immunité parlementaire, mais le tribunal a ordonné dans son jugement que cette disposition soit levée afin que la peine soit "effectivement purgée".
"C'est quelque chose d'historique, au-delà de mon désaccord avec le niveau des peines", a déclaré devant la presse locale l'avocat Ricardo Monner Sanz, qui avait saisi la justice en 1995. Le parquet avait requis huit ans de détention contre M. Menem, reconnu coupable de trafic d'armes le 8 mars par un tribunal fédéral de Buenos Aires. Le procureur Marcelo Agüero Vera avait également demandé sa destitution de son poste de sénateur et une interdiction d'exercer une fonction publique pendant 16 ans.
Le coaccusé de l'ancien président, son ex-ministre de la défense Oscar Camilion (1993-1996), âgé de 83 ans, a, quant à lui, été condamné à cinq ans de prison. Une peine similaire à celle de l'ex-militaire et trafiquant d'armes Diego Palleros.
L'ancien chef d'Etat controversé est poursuivi pour avoir ordonné l'envoi clandestin d'armes à l'Equateur et la Croatie pour une valeur d'au moins 400 millions de pesos (76 millions d'euros actuels) entre 1991 et 1995. Buenos Aires a ainsi violé l'embargo des Nations unies sur les ventes d'armes, imposé pendant le conflit qui a ravagé l'ex-Yougoslavie dans les années 1990. Au total, 6 500 tonnes d'équipements – armes, fusils, canons, roquettes antichar et munitions – officiellement destinées au Panama et au Venezuela avaient été détournées de leur destination.
Carlos Menem avait été assigné à résidence dans le cadre de cette affaire pendant cinq mois en 2001, avant que la Cour suprême ne lève la sanction. Dix ans plus tard, le 13 septembre 2011, il avait été acquitté alors que le parquet avait requis une peine de huit ans de prison. L'instruction avait été rouverte en 2003 après l'arrivée au pouvoir de Nestor Kirchner, un péroniste de gauche ennemi juré de Carlos Menem, qu'il avait battu à la présidentielle de 2003.
M. Menem, surnommé "El Turco (le Turc)", homme politique péroniste ultra-libéral d'origine syrienne, est mis en cause dans diverses autres affaires : notamment l'octroi d'un marché public à une filiale de la société française Thalès et pour entrave à l'enquête sur l'attentat contre la mutuelle juive AMIA à Buenos Aires (85 morts en 1994). Elu deux fois à la présidence, il a marqué la décennie 1990 en Argentine par une politique de privatisations à outrance que ses détracteurs jugent aujourd'hui en grande partie responsable de la grave crise économique qui a secoué le pays en 2002.
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