Le principe d’un étiquetage simple apposé sur les aliments pour indiquer leur qualité nutritionnelle est au menu du projet de loi de santé présenté par la ministre Marisol Touraine. Alors que les députés vont commencer à examiner le texte mardi 31 mars, le texte fait l’objet d’une virulente bataille. L’industrie agroalimentaire est vent debout contre le modèle, dit « coloriel », défendu par les autorités de santé et s’inspirant du modèle britannique à trois couleurs, dit « traffic lights », en référence au feu tricolore de la circulation.
- En quoi consiste le projet ?
L’idée est de proposer un système de codes couleur pour donner au consommateur des repères nutritionnels faciles à comprendre.
Le projet a été présenté par Serge Hercberg (directeur de recherche à l’Inserm et professeur de nutrition à l’université de médecine Paris-XIII), il y a quasiment un an, à la demande de Mme Touraine dans le cadre de sa Stratégie nationale de santé.
Ce logo définit une échelle de cinq couleurs (vert, jaune, orange, rose, rouge) établie en prenant en compte quatre paramètres : l’apport calorique pour 100 g, la teneur en sucre, en graisses saturées et en sel.
Cet étiquetage ne serait pas obligatoire mais se ferait sur une base volontaire et ne s’appliquerait qu’aux aliments industriels et non aux produits bruts.
Fin février, l’association UFC-Que choisir a publié le résultat d’une étude appliquée à 300 produits alimentaires commercialisés en grande distribution. Selon l’association, le « modèle coloriel est un antidote fiable, simple et efficace contre le marketing alimentaire ».
Ainsi le « cassoulet mitonné » de William Saurin et le « petit salé aux lentilles » de Fleury Michon décrochent une étiquette verte quand les céréales de petit-déjeuner, qui jouent les codes minceur, comme Special K de Kellogg’s et Fitness de Nestlé, sont en orange.
L’étiquetage permet de différencier des produits d’une même catégorie, sans diaboliser telle ou telle famille d’aliments.
- Pourquoi les industriels contestent-ils ?
L’industrie agroalimentaire, qui s’était déjà opposée au principe d’un tel étiquetage au niveau de Bruxelles, met tout son poids économique dans la balance, pour tenter d’éviter que le gouvernement français ne l’instaure.
« L’Association nationale des industries alimentaires [ANIA] maintient son opposition à tout dispositif d’étiquetage nutritionnel simpliste reposant uniquement sur un code de couleurs et une approche médicalisée de l’alimentation », a redit, jeudi 26 mars, le bras armé de l’industrie agroalimentaire dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion au ministère.
L’ANIA a également dénoncé le « simulacre de dialogue de la ministre de la santé » et « son passage en force pour imposer un étiquetage simpliste et stigmatisant ».
Elle a envoyé en mars une liste d’amendements « clés en main » à des députés de l’opposition qui s’en sont largement inspirés. Une vingtaine d’amendements ont été déposés en commission des affaires sociales mercredi 18 mars, mais ont été rejetés.
- Comment la grande distribution se positionne-t-elle dans ce débat ?
Pour corser le débat, la grande distribution a choisi de sortir de sa manche un autre référentiel. En septembre 2014, Carrefour a dévoilé des pictogrammes de couleur verte, bleue, orange et violette, en forme de pyramide inversée. Chaque couleur est associée à une fréquence d’utilisation, « trois fois par jour », « deux fois par jour », « une fois par jour » et « de temps en temps ». Le rouge est exclu.
Ce système d’étiquetage est revenu dans le débat au moment de la discussion du texte de loi par la commission sociale de l’Assemblée, porté cette fois par la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui regroupe de nombreuses enseignes dont Auchan, Carrefour, Casino, Franprix, Super U… Mêmes couleurs et formes que celui de Carrefour, seules les notions de fréquence ont évolué, avec « tous les jours », « plusieurs fois par semaine », « une à deux fois par semaine », « occasionnellement ».
Marisol Touraine a tranché. Elle avait déjà fait une concession en renonçant à l’idée d’un logo obligatoire. Elle voudrait aboutir à un décret d’application avant l’été.
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