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Mort de Danièle Delorme, actrice et productrice hors normes

Souvent victime à l’écran, chez Allégret, Duvivier ou Le Chanois, elle fut l’une des chevilles ouvrières du cinéma français

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Publié le 19 octobre 2015 à 18h48, modifié le 20 octobre 2015 à 07h23

Temps de Lecture 4 min.

On venait de la revoir, vénéneuse, dans Voici le temps des assassins, de Julien Duvivier (1956), dans lequel elle incarne une jeune fille perdue qui se révèle un monstre décidé à ruiner le brave homme que joue Jean Gabin.

Magnifiquement restauré, le film, présenté au Festival Lumière de Lyon, donnait une idée de l’actrice que fut Danièle Delorme, qui vient de mourir, le 17 octobre, à 89 ans, à Paris. De la profondeur de ce jeu, on pouvait imaginer qu’elle a été l’une des actrices les plus admirées sur les scènes parisiennes de l’immédiat après-guerre.

Mais on ne pouvait deviner en voyant cette jeune femme frêle et élégante, au regard troublé par une légère coquetterie, que Danièle Delorme a été l’un des piliers de la production indépendante française, à la tête des films de La Guéville, la maison qu’elle avait fondée avec son époux Yves Robert, permettant aussi bien à Pierre Richard qu’à Jacques Doillon de tourner les films qu’ils rêvaient.

Danièle Delorme est née Gabrielle Girard le 9 octobre 1926 à Levallois-Perret. Son père est le peintre et affichiste André Girard. Plus tard, Danièle Delorme ouvrira la galerie An-Girard, rue Campagne-Première à Paris pour y perpétuer son œuvre. Sous l’Occupation, alors que sa mère a été déportée et que son père a gagné le Royaume-Uni, la jeune fille rejoint la compagnie de l’acteur Claude Dauphin.

« Gérard Philipe féminin »

Le cinéaste Marc Allégret la remarque et la fait tourner dans trois films d’affilée Félicie Nanteuil (tourné en 1942, sorti en 1945), La Belle Aventure (1942) et Les Petites du quai aux fleurs (1944). Elle enchaîne les tournages jusqu’à ce que la réalisatrice Jacqueline Audry lui propose en 1948 le rôle-titre de Gigi adapté de la nouvelle de Colette parue quatre ans plus tôt. Dans Le Monde, Henri Magnan écrit : « Elle ramasse littéralement tout (…). Voix de bouche à la menthe, moues et lippes impayables, Danièle Delorme est bien l’un des plus sûrs espoirs du cinéma français. Notre Gérard Philipe féminin. » Réalisatrice, actrice et romancière se retrouveront pour Minne, l’ingénue libertine (1950) et Mitsou (1956).

Le succès de Gigi lui vaut une série de premiers rôles dans lesquels elle incarne des jeunes femmes fragiles en proie à la passion et/ou à l’adversité : après être tombée entre les pattes de Bernard Blier dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951), elle est Fantine dans la version des Misérables que le même cinéaste tourne en 1958.

entre-temps, Duvivier lui a permis de s’écarter de cet emploi avec la Catherine de Voici le temps des assassins. Un peu plus tard, elle confie à L’Express : « C’est terrible, moi qui ne pense qu’à me fendre la pipe, je n’ai qu’à paraître en scène pour être tragique. »

Si elle ne trouve pas non plus le chemin de la comédie sur scène, le théâtre lui offre des rôles plus prestigieux. Elle joue Aldous Huxley, Claudel (en 1961 sa Violaine dans L’Annonce faite à Marie est unanimement saluée) ou George Bernard Shaw (Sainte Jeanne, en 1964) ou Camus (Les Justes, 1966). Il lui arrive de produire elle-même les spectacles qu’elle interprète.

En 1956, après s’être séparée de l’acteur Daniel Gélin qui a été son compagnon de 1945 à 1955 (et le père de son fils, Xavier Gélin), Danièle Delorme a épousé le comédien et cinéaste Yves Robert. Au début des années 1960, ils fondent La Guéville, une maison de production qui emprunte son nom à une petite rivière des Yvelines (on dit encore la Seine-et-Oise).

La production plutôt que télévision

Leur premier film, La Guerre des boutons, réalisé par Yves Robert, est un immense succès qui permet à La Guéville de tenir une place importante dans le cinéma français. Danièle Delorme qui s’est d’abord éloignée des plateaux, puis de la scène, est la cheville ouvrière de la société. Celle-ci continue de produire les films d’Yves Robert, destinés à un large public familial, tout en soutenant le travail de cinéastes aussi divers que Jean-Luc Godard (La Chinoise), Pierre Richard (Le Distrait), Bertrand Tavernier (Que la fête commence), Alain Cavalier (Le Plein de super, Martin et Léa) ou Jacques Doillon (La femme qui pleure, La Drôlesse). La Guéville est aussi l’une des premières sociétés françaises à prendre au sérieux le marché de la vidéo, au début des années 1980. Danièle Delorme lance une collection intitulée « Témoins », qui réunit des portraits d’artistes et d’intellectuels édités sur cassettes VHS. Malgré sa qualité l’opération est un échec financier.

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A ce moment, Danièle Delorme qui a pratiquement mis un terme à sa carrière (elle tient tout de même un rôle important dans le diptyque de son époux Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, sorti en 1976 et 1977) devient présidente de la commission de l’avance sur recettes en 1980. Elle reste deux ans à ce poste, qui lui vaut quelques inimitiés.

Quelques mois plus tard, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, elle est pressentie pour diriger une chaîne de télévision. Danièle Delorme refuse, préférant poursuivre son travail de productrice. En 1994, elle revient au théâtre pour Fête Foreign, de Jean-Marie Besset, à la Gaîté-Montparnasse. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 2001, dans La Vie sans secret de Walter Nions, de son petit-fils Hugo Gélin.

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