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Mondial : Hope Solo, un destin à l’américaine

Double championne olympique, la gardienne des Etats-Unis n’a jamais remporté la Coupe du monde. Elle espère prendre sa revanche sur le Japon dimanche en finale à Vancouver.

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Publié le 02 juillet 2015 à 13h17, modifié le 06 juillet 2015 à 10h09

Temps de Lecture 6 min.

Hope Solo est le dernier rempart idéal pour les Etats-Unis.

La scène se joue le mardi 30 juin. Il est 20 h 18. L’heure de jeu est à peine dépassée. Malgré une nette domination, la sélection des Etats-Unis est sur le point d’encaisser un pénalty qui compromettrait ses chances de disputer une deuxième finale mondiale consécutive. L’Allemande Celia Sasic, meilleure buteuse du tournoi, a déjà marqué deux de ses six buts de cette manière. Dans les cages américaines, impossible de faire abstraction de Hope Solo, l’une des meilleures gardiennes au monde. Epaules de déménageuse, mâchoire déterminée, queue-de-cheval au vent, un charisme à toute épreuve, la vedette du soccer féminin n’a même pas besoin de faire un miracle : la tentative passe à côté. Les Etats-Unis s’imposent 2-0 en demi-finales face à l’Allemagne. L’expérimentée Sasic, championne d’Europe sous les couleurs du club de Francfort, a-t-elle été sous l’emprise de Hope Solo ?

La question restera sans réponse, mais à 33 ans, avant d’affronter le Japon en finale dimanche 5 juillet à Vancouver, le dernier rempart des Américaines dégage une sérénité évidente. En six matchs de cette Coupe du monde au Canada, elle n’a encaissé qu’un seul but face à l’Australie au premier tour. Les statisticiens de la FIFA lui attribuent douze arrêts pour un taux d’efficacité de 92,3 %. Cela fait désormais trois cent trente-trois minutes qu’elle conserve ses cages inviolées. En 176 sélections, Hope Solo a terminé 84 rencontres sans encaisser de buts.

« Pour l’avoir côtoyée deux ans dans l’équipe des Philadelphie Charge, je peux vous dire qu’elle en impose. Avec son regard de killeuse, elle est capable de défier n’importe qui. A mon avis, cela a joué lorsque Sasic s’est présentée face à elle », admire l’ancienne internationale Marinette Pichon, première joueuse française à avoir tenté sa chance dans le championnat nord-américain.

Une reconversion tardive en gardienne

Bien que Hope Solo n’ait commencé à devenir gardienne de but qu’à son entrée à l’université de Washington, attaquante jusqu’alors, elle avait inscrit 109 buts en trois saisons dans son lycée de Richland, l’Américaine est l’une de celle qui a révolutionné son poste. « Avant elle, on ne voyait pas ce genre de gabarit [1,75 m]. Et, en plus, elle est très agile, comme un chat. Elle est atypique et a prouvé son niveau. Une grande équipe a besoin d’une grande gardienne », analyse Sandrine Roux, ancienne gardienne internationale et, désormais, entraîneuse nationale.

Selon Albert Rust, entraîneur des gardiennes bleues et champion olympique aux JO de 1984, Hope Solo est sans conteste « l’une des meilleures » à son poste. « Son jeu au pied a beaucoup progressé et elle possède d’énormes qualités techniques en plus de son physique », avance l’ancien joueur de Sochaux.

Hope Solo se détend lors du match contre la Suède.

Loin de se contenter de ses indéniables qualités physiques, Hope Solo a, en effet, travaillé et réfléchi à l’évolution de son jeu. « Par rapport à mes débuts, je suis devenue une gardienne beaucoup plus tactique. J’ai appris à lire les courses de mes adversaires vers le but, à positionner mes défenseuses, à voir les angles. Le côté intellectuel fait de ce poste quelque chose de bien plus passionnant », raconte-t-elle.

Avant d’affronter les Japonaises, pour la revanche de la finale du précédent Mondial (2-2, 3 t.a.b. 1), Hope Solo rêve d’ajouter un trophée qui manque à son palmarès. En 2011, en Allemagne, l’Américaine avait été élue meilleure gardienne de but de la compétition. Habituée aux récompenses individuelles, elle avait également été en 2009 la première gardienne à recevoir le prix de la joueuse américaine de l’année aux Etats-Unis. Déjà double championne olympique (2008 et 2012), elle entrerait donc encore un peu plus dans l’histoire de son sport en cas de premier sacre mondial. Un comble lorsque l’on sait qu’elle a bien failli ne pas être du voyage.

Le 19 janvier 2015, en compagnie de son mari, le joueur de football américain Jerramy Stevens, la tempétueuse gardienne de but a eu, en effet, des ennuis avec la police de Mannhatan Beach en Californie. Lui a été contrôlé pour conduite en état d’ivresse. Elle a été sanctionnée pour agressivité à l’égard des forces de l’ordre. L’altercation a eu lieu alors que Hope Solo était en stage avec l’équipe nationale et au volant d’un minibus qui appartient à la Fédération américaine. Désireuse de ne pas se priver de sa monumentale gardienne, les instances fédérales l’ont simplement suspendue trente jours.

Une enfance difficile

Mieux, quelques jours auparavant, la native de Richland, petite ville de moins de 50 000 habitants dans l’Etat de Washington au nord-ouest du pays, avait vu avec soulagement la justice américaine abandonner des poursuites pour agression. Au mois de juin 2014, la jeune femme au tempérament de feu se dispute avec son neveu et sa demi-sœur. Les deux membres de sa famille l’accusent, alcoolisée, d’avoir frappé à la tête à plusieurs reprises l’adolescent de 17 ans. Elle passe trois jours en détention. Heureusement pour elle, sa famille change finalement sa version des faits et ne se présente pas au tribunal. « J’ai cru que je n’allais pas survivre, c’est le pire moment de ma vie », a raconté Hope Solo lors d’une interview confession, dont les Américains ont le secret, à la chaîne de télévision ESPN, spécialisée dans le sport.

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Il faut dire que la vie de la championne aux multiples clubs – Seattle, Saint-Louis ou Atlanta – n’a rien du parcours de santé. Pour la culture populaire des Etats-Unis, l’enfance de Hope Solo peut sérieusement être associée à la white trash (littéralement, raclure blanche), un terme d’argot qui désignait au départ les populations pauvres blanches, qui est revenu à la mode aujourd’hui sous l’influence, notamment, du rappeur Eminem.

Conçue lors d’une visite conjugale en prison, la petite fille a grandi au sein d’une famille très défavorisée. Mère alcoolique, frère aîné violent, Hope (espoir en anglais) est enlevée à l’âge de 7 ans par son père. Retrouvée au bout de quelques jours, elle renouera à l’adolescence les liens avec son kidnappeur, qui est celui qui l’a initiée au football. « Le foot était ce à quoi je m’accrochais. Le problème, c’est que j’ai continué à attendre du foot qu’il me fasse traverser les mauvais moments, mais ce n’était plus aussi simple que quand j’étais gamine », a-t-elle confié, toujours à ESPN.

Une forte notoriété

Ce passé explique beaucoup du parcours de Hope Solo et de son présent tumultueux. Elle n’a d’ailleurs pas hésité à l’utiliser dans une autobiographie à grand succès, dont le titre est un jeu de mots : Solo, a Memoir of Hope. Preuve de sa notoriété extraordinaire, le livre où elle décrit aussi bien son enfance difficile que son premier baiser avec une fille, entre directement en troisième position de la liste des best-sellers du New York Times, catégorie non fictionnelle.

Un supporteur brandit le portrait de Hope Solo.

En 2011, elle participe à l’émission « Dancing with the Stars ». La sportive n’hésite pas à poser régulièrement dévêtue en couverture des magazines. Marquée par l’ambiance particulière des Jeux olympiques, la très franche Hope Solo faisait cette observation à propos des JO de Pékin en 2008 : « Il y a beaucoup de sexe là-bas. (…) J’ai vu des gens faire l’amour en plein air. Sur les pelouses, entre des bâtiments. Peut-être bien qu’une star s’est glissée avec moi sans que personne ne s’en aperçoive. Mais c’est mon secret olympique. »

Pour autant, il ne faut pas confiner l’Américaine à ce personnage fantasque et médiatique. Son ancienne coéquipière Marinette Pichon réfute l’étiquette de « bad girl » et se souvient d’une jeune femme attachante : « Elle est très gentille, humaine et boute-en-train. Sportivement, elle est fière et a le goût de l’exigence. C’est une immense star aux Etats-Unis et je pense qu’elle s’est construit une carapace. »

Depuis le début du Mondial, Hope Solo ne parle pas directement à la presse et se contente de quelques citations relayées sur le site de la Fédération américaine. Derrière une ligne de défense très performante composée de Meghan Klingenberg, Becky Sauerbrunn, Julie Johnston et Ali Krieger, l’impressionnante gardienne délivrerait le plus fort des messages en soulevant le trophée à l’issue de cette finale.

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