L’avis du « Monde » – on peut éviter
Voici donc la réponse à la question posée par l’embargo draconien sur les critiques des 4 Fantastiques qu’a imposé la Fox. Si le studio de Rupert Murdoch ne tenait pas à ce qu’on parle de son film, ce n’est pas parce qu’il est complètement raté. Il n’est qu’ordinaire. Ce qui est ennuyeux – dans tous les sens du terme – pour un film à quatre héros, tous en théorie fantastiques.
Récapitulatif pour les éventuels touristes égarés dans l’univers Marvel (puisque le film est adapté d’un vénérable comic de la maison) : Reed Richards peut allonger et déformer ses membres à sa guise. Sue Storm (prénommée Jane dans la traduction française de la bande dessinée) peut se rendre invisible et générer des champs de force. Johnny Storm, frère de la seconde, est surnommé la Torche humaine. Quant à Ben Grimm, on l’appelle aussi la Chose à cause de sa complexion minérale et de sa surcharge pondérale.
Ces quatre héros ont déjà tenté leur chance sur grand écran, sans grand succès. En 2005 et 2007, deux films, déjà produits par la Fox, ont glissé sur la conscience collective comme sur une toile cirée. Il fallait donc les « rebooter », leur refaire une virginité en reprenant leur histoire à zéro.
Le studio a fait les choses en grand, prenant les héros (et les acteurs) au berceau, dans l’espoir de leur faire vivre une longue existence, de film en film. L’espoir risque d’être déçu, tant la genèse des super-pouvoirs des 4 Fantastiques est prévisible. Elle s’écarte pourtant de la doxa des comics Marvel. Les héros ne contractent plus leurs amusantes idiosyncrasies lors d’un voyage spatial mais en passant dans une autre dimension. Sue et Johnny Storm sont toujours frère et sœur mais comme l’une est Kate Mara (sœur de Rooney, découverte dans « House of Cards ») et l’autre Michael B. Jordan (de la série « Friday Night Lights »), le scénario doit expliquer leur absence de ressemblance par une histoire d’adoption, précisions qui ne font que ralentir encore un peu plus l’action.
Mélange de sérieux et de platitudes
Quant à l’amitié entre Reed Richards et Ben Grimm, les deux interprètes – Miles Teller et Jamie Bell – y mettent tant de sérieux qu’il faudrait, pour qu’on s’y intéresse, que leurs échanges atteignent l’élévation d’un dialogue socratique. Bien sûr il n’en est rien. Il ne s’agit que de « rendre le monde meilleur », de « prendre soin les uns des autres, parce que, c’est ça, une famille ».
Le réalisateur Josh Trank – responsable d’un premier film intéressant sur les superhéros, Chronicle – a été écarté de la finition des 4 Fantastiques et ce n’est peut-être pas à lui qu’il faut reprocher cet imperturbable mélange de sérieux et de platitudes qui fait crouler le film sous son poids. Le méchant Victor von Doom aurait mérité, avec un patronyme aussi kitsch, un peu de glamour. Ce n’est qu’un adolescent prolongé qui n’a pas demandé à naître.
En attendant que le destin des 4 Fantastiques s’accomplisse, que leur groupe se soude dans l’adversité, on admirera en bâillant la précision des images numériques. Mais on bâillera parce que, des tourbillons venus d’une autre dimension qui aspirent toute la matière terrestre, on en a déjà vu quelques-uns. Et l’on prendra congé de Monsieur Fantastique et de ses trois amis, avec le sentiment qu’on n’est pas près de les revoir.
Film américain de Josh Trank avec Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell (1 h 40).
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