Cétait une journée ordinaire à Clichy-sous-Bois, ce 27 octobre 2005. Zyed, Bouna et Muhittin, trois adolescents rev4796904enant d'une partie de foot, rentrent chez eux. C'est le ramadan. Il faut faire vite, car les parents attendent. Soudain, une voiture de la BAC fait irruption. Les gamins se mettent à courir. Par simple peur de l'uniforme. Dans leur fuite, les trois adolescents pénètrent sur un site EDF fermé et trouvent refuge dans un transformateur électrique. Deux y périront électrocutés, le troisième y sera grièvement brûlé.
Dans toute la ville, l'électricité s'est soudain interrompue et la nouvelle se répand : deux enfants sont morts à la suite d'une course-poursuite avec des policiers. Un troisième est à l'hôpital. Aussitôt des dizaines de jeunes se rassemblent et le quartier s'embrase sous le coup de la colère. Voitures brûlées, barricades improvisées, affrontements avec les forces de l'ordre dépêchées en urgence. Elus et associations tentent de calmer et de canaliser la rage. En vain.
Cette nuit-là, Clichy devient le point de départ de trois semaines qui voient les banlieues de France basculer les unes après les autres dans la révolte, dans une vague sans précédent. Cette commune modeste de Seine-Saint-Denis a, depuis, bien du mal à se défaire de ce statut de symbole des banlieues où tout va à vau-l'eau. Tous les indicateurs y sont au rouge foncé : 45 % de la population y vit sous le seuil de pauvreté ; 35 % de ses demandeurs d'emploi sont non qualifiés. Un quart des familles sont monoparentales. Avec la crise, la situation n'a cessé de se dégrader.
Le photographe Hervé Lequeux, dont M Le magazine du Monde publie ici le travail, a commencé à s'intéresser à ce territoire voici douze ans. Il y est revenu durant les émeutes en 2005. Dix ans plus tard, il a souhaité planter à nouveau ses objectifs à Clichy-sous-Bois pour observer les changements opérés dans l'espace urbain grâce à la lourde rénovation dont a bénéficié depuis la ville. Avec l'idée de montrer un « avant » et « après » plutôt flatteur.
Mais il a bifurqué en cours de route. « J'ai rencontré des jeunes qui m'ont assuré que dans le Bas-Clichy, rien n'avait bougé. J'ai vu et voulu montrer là où la réhabilitation n'est pas encore passée », explique Hervé Lequeux. Il a ainsi photographié le quotidien au Chêne Pointu, immense entrelacs de copropriétés en déshérence au cœur de la ville. Edifiant.
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