C’est sans doute une première. Les mots d’un top-model ont résonné, vendredi 3 avril, lorsqu’un des rapporteurs de la loi sur la santé, Olivier Véran (PS, Isère), les a lus vendredi 3 avril à l’Assemblée nationale. « Mon agence de mannequins, la plus grande en France, m’a applaudie parce que j’avais perdu du poids, alors que je venais de m’écrouler dans la rue une semaine plus tôt de faim et de fatigue, a écrit la jeune femme, dont le nom n’a pas été cité. Je faisais moins de 45 kg pour 1,80 m, j’étais en état de famine, je n’avais plus mes règles, mes carences ont entraîné un début d’ostéoporose. Une mannequin est décédée non loin de moi lors de la Fashion Week en 2011, elle aussi morte de faim et victime d’un arrêt cardiaque. »
Le témoignage a-t-il ému les députés ? L’amendement de M. Véran, qui vise à empêcher l’emploi de mannequins trop maigres, a en tout cas été adopté par l’Assemblée nationale, avec l’approbation de la ministre de la santé, Marisol Touraine. Le texte, d’abord repoussé par la commission des affaires sociales le 18 mars, a été remanié : l’indice de masse corporelle (IMC) au-dessous duquel les mannequins ne pourront pas exercer sera défini par un arrêté ministériel, sur proposition de la Haute Autorité de santé. La mesure sera contraignante pour tout mannequin travaillant en France.
Les contrevenants s’exposent à six mois de prison et 75 000 euros d’amende. « Je n’ai pas de doute que cette menace aura un effet régulateur sur l’ensemble du secteur », a affirmé le rapporteur. Des voix se sont à nouveau élevées à droite pour soulever un risque de « discrimination à l’embauche ». « Cette discrimination est déjà prévue dans le droit du travail de ce secteur, a répondu M. Véran. Les employeurs ont le droit de sélectionner quelqu’un en fonction de sa taille et de son tour de hanches. »
Pour lui, le jeu en vaut la chandelle. D’abord parce que l’exercice de la profession est « dangereux » pour ces mannequins. Ensuite parce qu’elles « véhiculent une image du corps potentiellement dangereuse », en valorisant de façon excessive la minceur, voire la maigreur. L’anorexie mentale concerne 0,5 % des jeunes filles, et environ 20 % adoptent des conduites de restriction et de jeûne à un moment de leur vie, rappelle l’élu. Un délit d’apologie de l’anorexie, qui vise notamment les sites Internet, a également été créé.
« Faire des régimes fait tout simplement partie de la profession »
Cette mesure pourrait cependant se heurter à la réalité d’une industrie où la prise de poids d’un mannequin est bien plus stigmatisée que son extrême maigreur. Le top-model Cara Delevingne s’est ainsi vu refuser le prestigieux défilé de la marque américaine de sous-vêtements Victoria’s Secret en décembre 2014, sous prétexte d’une petite prise de poids, et n’a pas pu défiler début 2015 pour de nombreuses marques. « Ça lui apprendra à manger à sa faim », ricane une rédactrice de mode filiforme. « Encore une qui mange tous les jours », ironise un attaché de presse.
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