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« La décision contre Monsanto ouvre une brèche pour d’autres agriculteurs malades »

Le groupe américain devra indemniser Paul François, agriculteur intoxiqué à cause d’un herbicide.

Propos recueillis par 

Publié le 11 septembre 2015 à 18h48, modifié le 12 septembre 2015 à 00h17

Temps de Lecture 3 min.

Paul François et son avocat François Lafforgue (à gauche), lors d'une conférence de presse à Paris, jeudi 10 septembre, après l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon.

La cour d’appel de Lyon a confirmé, jeudi 10 septembre, la responsabilité de Monsanto dans la maladie de Paul François, céréalier charentais intoxiqué par l’herbicide Lasso du géant américain des biotechnologies. Me François Lafforgue, avocat de l’agriculteur, analyse la portée d’une décision « sans précédent ». Même si Monsanto a annoncé, vendredi 11 septembre, son pourvoi en cassation, l’avocat estime que l’arrêt de la cour « ouvre une brèche pour d’autres agriculteurs malades qui peuvent aujourd’hui espérer être indemnisés ».

L’arrêt de la cour d’appel de Lyon reconnaissant Monsanto comme responsable
du préjudice subi par Paul François crée-t-il un précédent ?

François Lafforgue : Sans nul doute, cette victoire historique crée un précédent. Pour la première fois, un fabricant de pesticides est condamné pour l’intoxication d’un agriculteur, et condamné à l’indemniser. C’est une première en France et en Europe. C’est même peut-être une première mondiale. Une chose est sûre, cette décision est très suivie à l’étranger, aux Etats-Unis en particulier.

Monsanto a annoncé, vendredi, qu’il allait se pourvoir en cassation. La décision de la cour d’appel ne peut-elle pas être remise en cause par ce pourvoi ?

L’acharnement de Monsanto continue. La firme nous a déjà montré qu’elle n’entendait pas lâcher prise. Elle souhaitait qu’une expertise psychiatrique soit menée dans le cadre de cette affaire en responsabilité. La cour d’appel a refusé d’ordonner cette expertise, mais cela n’a pas empêché Monsanto de se pourvoir en cassation contre ce refus. La Cour de cassation n’a toutefois pas examiné ce pourvoi.

Nous irons en cassation confiants, compte tenu de la motivation de la décision de la cour d’appel qui est peu contestable. Et même si Monsanto se pourvoit en cassation, la décision de la cour est exécutoire. Nous allons le plus vite possible saisir le tribunal de grande instance pour que soit fixé le montant de l’indemnisation. Le tribunal doit se prononcer sur l’indemnisation, sans attendre l’issue de la procédure en cassation.

Y-a-t-il beaucoup d’autres affaires d’intoxication par les pesticides en cours devant la justice ?

Paul François dans sa ferme à Bernac, en Charente, en juillet.

Nous suivons quarante-deux agriculteurs ou salariés agricoles. Pour une vingtaine d’entre eux, nous avons déjà obtenu la reconnaissance de l’intoxication comme maladie professionnelle ou accident du travail. Ou dans le cas de salariés agricoles, la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur.

Pour les dossiers où il s’agit d’accident, nous avons engagé une procédure en responsabilité du fabricant. Mais la plupart du temps, la maladie apparaît après des années d’utilisation et d’inhalation de pesticides et il y a une telle multiplicité de produits et de fabricants qu’il est difficile d’objectiver la réparation contre chaque fabricant. Pour quelques cas, nous avons donc engagé des actions devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) des tribunaux de grande instance. Dans ce type de procédure, on n’est pas opposé à un fabricant en particulier mais à un fonds de garantie qui dédommage en cas de reconnaissance d’une faute.

Il serait cependant préférable, pour les pathologies identifiées comme liées aux pesticides et les produits retirés du marché, de créer un fonds d’indemnisation des victimes. Un fonds qui serait abondé par les fabricants de pesticides et non par la solidarité nationale.

L’arrêt de la cour d’appel de Lyon donne-t-il à ceux ayant saisi la justice des chances d’obtenir à leur tour gain de cause ?

Oui puisque sans même parler de jurisprudence, l’arrêt de la Cour est une décision importante dont on peut se prévaloir. Que ce soit devant la CIVI ou dans le cadre d’une affaire en responsabilité d’un fabricant, nous nous appuierons désormais sur les motivations de la cour d’appel de Lyon sur la responsabilité du fabricant et sur le non-respect de l’obligation d’information. Cette décision met un terme à l’impunité des fabricants de pesticides. Quels que soient les commentaires de Monsanto, la cour est très claire lorsqu’elle indique confirmer le jugement de première instance du tribunal de grande instance de Lyon qui, en février 2012, avait reconnu « responsable » Monsanto du préjudice subi par Paul François et l’avait condamnée à l’en indemniser. Pour toutes les victimes, cette décision est une source d’espoir de voir reconnu leur préjudice et d’être indemnisé.

Les saisines de la justice vont-elles se multiplier ? La décision de la cour d’appel va-t-elle inciter d’autres agriculteurs n’ayant pas osé le faire jusque-là à engager des actions ?

Certainement. Car les malades se comptent en milliers. Rien que l’association Phyto-victimes, lancée par Paul François, regroupe aujourd’hui 150 victimes, alors qu’elle a moins de cinq ans d’existence. Beaucoup aujourd’hui pourraient sortir de l’ombre. Cette décision ouvre une brèche pour d’autres agriculteurs malades, qui peuvent aujourd’hui espérer être indemnisés. Ce qui justifie d’autant plus la création d’un fonds d’indemnisation des victimes.

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