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Suspect terroriste : pourquoi la loi sur le renseignement n'aurait pas changé grand-chose

Invité de la matinale de France Inter, jeudi, le premier ministre a défendu la nouvelle loi sur le renseignement, en cours d'adoption.

Par  et

Publié le 23 avril 2015 à 12h58, modifié le 03 août 2015 à 08h32

Temps de Lecture 4 min.

Invité de la matinale de France Inter,  jeudi 23 avril, Manuel Valls a défendu la nouvelle loi sur le renseignement, en cours d'adoption. Et n'a pas hésité à affirmer que si cette loi avait été en place, Sid Ahmed Ghlam, terroriste présumé,  suspecté du meurtre d'une professeure de fitness dimanche matin à Villejuif alors qu'il préparait des attentats contre des églises, aurait pu être arrêté plus tôt.

Ce qu'il a dit :

« La loi sur le renseignement aurait donné plus de moyens aux services de renseignement pour effectuer un certain nombre de surveillances »

Pourquoi ce n'est pas le problème

1. Un suspect déjà détecté par les services

La loi sur le renseignement entend délimiter les raisons pour lesquelles les services renseignement peuvent réclamer la surveillance de quelqu'un et elle légalise d'autre part des techniques de collecte de renseignement, notamment la collecte de certaines données sur Internet dans le but de notamment détecter des terroristes potentiels.

Et si cette loi – que le premier ministre s'est évertué à défendre – cristallise les critiques, c'est notamment en raison des procédés techniques intrusifs et des pratiques existantes qu'elle rend légales. Mais qui n'auraient pas changé grand-chose dans le cas présent.

Lire : Pourquoi la loi sur le renseignement cristallise les critiques

Car Sid Ahmed Ghlam n'est en aucun cas passé sous les radars des services de renseignement, il était même connu et avait fait l'objet d'une surveillance et de vérifications à deux reprises :

Les services de renseignement ont une première fois été alertés au printemps 2014 quand  le jeune homme a manifesté son désir de se rendre en Syrie, a indiqué le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve. Ses appels téléphoniques et connexions internet ont été l'objet d'une surveillance sans que rien d'intéressant ne soit relevé.

Nouvelle alerte en février 2015, quand, selon les informations du « Monde », il a disparu une semaine en Turquie. La Direction générale de la sécurité intérieure le convoque à son retour pour l'interroger.

Des vérifications qui ne donnent rien, selon François Molins, le procureur de Paris : « Les vérifications qui avaient été alors faites sans délais par les services de renseignement (la DGSI) n'ont pas permis de révéler des éléments qui auraient pu conduire à l'ouverture d'une enquête judiciaire. Il n'y avait donc, au vu des renseignements obtenus, aucun élément permettant d'objectiver le moindre début d'une association de malfaiteurs. »

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Il restait fiché. Une fiche de surveillance « S13 » (sûreté de l'Etat), qui implique une surveillance policière « sans attirer l'attention » et un suivi de ses déplacements hors de France,  a été rédigée à son encontre. C'est d'ailleurs sans doute cette fiche qui a alerté les policiers parisiens, dimanche. « Il n'y a eu aucune faille, aucun manquement », a conclu Bernard Cazeneuve, le ministre de l'intérieur.  

2. Un problème de suivi, donc de stratégie  

« Le problème, c'est la masse de renseignements à traiter, on ne sait jamais lequel va passer à l'action », expliquait un magistrat antiterroriste en janvier après les attaques à Paris. Comme l'a révélé le « Monde » à l'époque, les frères Kouachi, auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo, étaient eux aussi connus des services de renseignement… lesquels ne les surveillaient pas ou peu. Aveuglés dans ce cas précis par la masse des départs de jeunes en Syrie, ils avaient délaissé les vétérans du djihad à l'image des Kouachi.

Autre épisode douloureux, la DCRI – l'ancienne appellation de la DGSI – avait stoppé les surveillances sur Mohamed Merah six mois avant qu'il ne tue sept personnes en mars 2012 à Toulouse et Montauban.

Dans tous ces cas, la même trame : des suspects, font l'objet d'une surveillance et d'un fichage par les services de renseignement, mais le suivi se fait de plus en plus ténu, jusqu'à ce qu'ils « disparaissent des radars » de l'antiterrorisme, avant de frapper quelques mois ou années plus tard. La question est donc avant tout celle des moyens policiers mis en place pour les suivre, de la hausse desdits moyens, de priorités et donc de stratégie.

Interrogé par Atlantico, le chercheur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) François-Bernard Huygue, spécialiste des questions de terrorisme, ne dit pas autre chose :

« Si vous prenez des personnages comme les Merah, Nemmouche, Kouachi ou Coulibaly, ils ont un point commun : ils avaient tous été "repérés". Des dossiers existaient auprès des services. Donc soit les écoutes ont été arrêtées trop tôt, ou soit on a trouvé aucun moyen juridique de faire quelque chose. Et cette loi sur le renseignement prévoit de placer des boîtes noires chez les fournisseurs d'accès pour trouver des profils suspects. D'accord, mais là, on avait déjà un profil suspect ! On ne voit donc vraiment pas à quoi cette loi aurait pu servir. »

Pour lui,

« il n'est pas très utile de vouloir trouver de nouveaux profils suspects si l'on n'arrive déjà pas à traiter efficacement ceux que l'on a déjà dans nos dossiers ».

Bref, on ne peut pas faire de parallèle entre une loi destinée à écouter et surveiller électroniquement d'éventuels suspects et la question des moyens humains mis en place pour empêcher ces suspects de passer à l'acte une fois repérés.

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