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Avec le « Daily Show », Jon Stewart a « changé la politique » aux Etats-Unis

L’humoriste a mis fin à seize ans de satire politique et médiatique qui l’avaient placé au premier plan du paysage audiovisuel américain.

Le Monde

Publié le 07 août 2015 à 14h02, modifié le 07 août 2015 à 12h42

Temps de Lecture 26 min.

Avec Bruce Springsteen et une « standing ovation », l’humoriste américain Jon Stewart a tourné la page, jeudi 6 août, du « Daily Show », l’émission télévisée grâce à laquelle il s’était imposé, durant seize ans, comme le roi de la satire politique et médiatique aux Etats-Unis.

Pour cette émission exceptionnelle d’une heure, plusieurs célébrités avaient enregistré des vidéos d’adieu très brèves, plus ou moins drôles, dont Hillary Clinton, le secrétaire d’Etat John Kerry, le sénateur John McCain, ou l’animateur de Fox News Bill O’Reilly, une des cibles préférées de Stewart.

Des comédiens lancés par le « Daily Show » y ont aussi fait une apparition, dont John Oliver, Steve Carell ou Stephen Colbert, qui a salué « un grand artiste et un homme bon », auquel, a-t-il dit, « nous devons beaucoup ».

La Maison Blanche a également tweeté ce que le président Obama avait dit à Jon Stewart sur son plateau le 21 juillet : « Je publie un nouveau décret. Jon Stewart ne peut pas quitter l’émission. »

Mais l’humoriste l’a fait, refusant de prononcer un quelconque « adieu » ou « au revoir », préférant parler d’une pause dans la conversation, restant flou sur ce qu’il comptait faire ensuite. Le « Daily Show » sera repris en septembre par le comédien sud-africain Trevor Noah.

« Carrefour de la politique, du journalisme et du divertissement »

L'humoriste Jon Stewart a mis fin à seize ans de carrière au sein du « Daily Show », le 6 août.

Impitoyable, drôle, résolument à gauche avec un humour typiquement new-yorkais, Stewart avait commencé à présenter le « Daily Show » sur Comedy Central en 1999, une parodie de journal télévisé de trente minutes, quatre soirs par semaine, et s’était rapidement fait une place unique dans le paysage audiovisuel américain.

« Il s’était taillé, au fil des années, une place unique au carrefour de la politique, du divertissement et du journalisme », explique Stephen Collinson, de la chaîne CNN, qui titre son article d’adieu : « Comment Jon Stewart a changé la politique. »

De nombreux éditorialistes, une caste qui l’a longtemps méprisé, lui rendent aujourd’hui hommage, comme Meredith Blake, du Los Angeles Times :

« Quand Jon Stewart a fait ses débuts au “Daily Show” en janvier 1999, l’idée qu’un comédien, alors connu pour quelques talk-shows à courte durée de vie ou des rôles secondaires dans des films à oublier, aurait l’oreille d’un président avait tout d’une blague.

Mais, alors qu’il quitte le programme de Comedy Central, quatre campagnes présidentielles et près de 2 600 épisodes plus tard, il part plus que comme l’un des humoristes les plus accomplis de sa génération. Bien qu’il répugne à l’admettre, les commentaires et la satire de Jon Stewart ont fait de lui une des voix les plus influentes dans la politique américaine. »

S’il s’est autant démarqué, c’est grâce à son style inimitable. « La comédie a fait de Jon Stewart le journaliste ayant le plus la confiance du public, assure Elahe Izadi, du Washington Post. 

« Bien qu’il ne se soit jamais présenté comme un vrai journaliste, il avait compris que les gens aiment consommer l’information grâce à l’humour. Ce n’est pas une mauvaise chose, le Daily Show tranchait avec la manière traditionnelle de rendre compte de l’actualité : nuancée, en donnant la parole aux deux camps. »

Il a ainsi profité d’un désaveu du public pour les médias traditionnels. « Depuis que Jon Stewart a commencé au Daily Show, il y a seize ans, la confiance du pays dans les médias et le gouvernement a chuté », remarque John Koblin, du New York Times.

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« Sa marque de fabrique, des fausses informations, a prospéré dans ce vide et a fait de lui l’un des plus vivifiants critiques médiatiques, politiques et culturels. Il a attiré une génération de téléspectateurs prêts à accepter un personnage singulier dont les exagérations avaient, selon eux, plus de vérité que les programmes traditionnels. »

« Un guide constant pour certains Américains »

Selon Stephen Collinson, de CNN, « il a été un guide constant pour certains Américains à travers les quinze premières années tumultueuses du XXIe siècle ». Sa première émission après le 11 septembre 2001 est restée dans les mémoires quand, incapable de contenir ses larmes, il avait demandé aux téléspectateurs : « Est-ce que ça va ? »

L’année précédente, l’élection présidentielle et sa conclusion à suspense, où les voix avaient dû être recomptées avant de voir George W. Bush être désigné vainqueur, l’avaient amené au premier plan. Il moquait alors « Indecision 2000 ».

Plus tard, ses critiques répétées sur a guerre en Irak alimentent les doutes de certains Américains.

Une audience en déclin

Mais, après seize ans d’émission, l’audience a décliné. Elle a atteint 1,3 million de téléspectateurs par jour en moyenne, le plus bas score depuis 2005. L’audience parmi les 18-49 ans, à 725 000 par soir, est au plus bas depuis onze ans, selon les données de Nielsen citées par le New York Times. Thomas Kent, éditorialiste à l’agence Associated Press, nuance les éloges tressés par ses confrères :

« Oui, le journalisme a une dette envers Jon Stewart. Des millions de personnes l’ont suivi pour du divertissement mais ont, grâce à lui, appris beaucoup sur le monde. […] Mais si la plupart des journalistes peignent souvent le monde en gris, Jon Stewart le voyait habituellement en noir et blanc. »

Lui qui pourfendait certains médias, et en premier lieu Fox News et CNN, « il dépendait de reportages nuancés faits par d’autres, qui parcourent le monde pour couvrir l’actualité, parfois à leurs périls, enquêtent, révèlent des affaires ».

« Le commentaire, notamment satirique, connaît un grand succès. Mais il aura toujours besoin des fondamentaux : des sources solides pour du journalisme nuancé et rapide », conclut Thomas Kent.

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