Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Pluton comme on ne l’a jamais vue

La sonde américaine New Horizons a frôlé la planète naine, mardi 14 juillet, après neuf ans et demi de voyage vers des confins encore inexplorés de notre système solaire.

Par 

Publié le 13 juillet 2015 à 21h14, modifié le 14 juillet 2015 à 16h06

Temps de Lecture 6 min.

Une photo publiée par NASA (@nasa) le

Enfin ! Après neuf ans de voyage, la sonde américaine New Horizons a survolé, à 12 500 km de distance, la planète naine Pluton, mardi 14 juillet.

Quand l’engin a été lancé, en 2006, cet astre découvert en 1930 par l’Américain Clyde Tombaugh était encore considéré comme une planète. Mais quelques mois plus tard, les Etats-Unis devaient se rendre à l’évidence : la trajectoire et la nature étrange de Pluton ne permettaient plus de plaider pour son maintien au sein du club fermé des planètes du système solaire, dont aucune in fine n’aura eu pour découvreur un Américain.

Qu’importe cette frustration patriotique, avec New Horizons, la NASA ouvre un ultime chapitre de l’exploration de notre système solaire, en se portant au-delà de Neptune, dans la ceinture de Kuiper où gravitent des milliers d’astres rocheux et glacés, dont Pluton, actuellement distant de 4,7 milliards de kilomètres de la Terre, est un représentant majeur.

« Avec sa beauté étrange, Pluton ne nous déçoit pas ! », lançait Alan Stern (université de Boulder), le responsable scientifique de New Horizons, lundi 13 juillet, lors de la dernière conférence de presse avant le survol donnée depuis l’université Johns-Hopkins, dont le laboratoire de physique appliquée accueille le centre de commande de la mission. Mardi 14 juillet, juste après le survol au plus près de Pluton, le chercheur était tout aussi enthousiaste face à la dernière image arrivée pendant la nuit, et impatient de recevoir les suivantes, demain, dont la définition sera « dix fois meilleure! ».

Lors des dernières 48 heures d’approche, alors que l’astre grossissait de minutes en minutes dans ses viseurs, la sonde enregistrait des données inédites. « Nous avons détecté de l’azote s’échappant de l’atmosphère, à des niveaux plus élevés que ce que prédisaient les modèles », a indiqué Alan Stern, qui s’est aussi félicité d’avoir confirmation d’une hypothèse ancienne : le pôle visible de l’astre « est bien gelé, couvert de glaces de méthane et d’azote ».

Impossibilité de freiner la sonde

Mais plus attendu encore, l’équipe de New Horizons est parvenue à déterminer avec une plus grande précision le rayon de Pluton, sujet de débats : avec 1 185 km (à 10 km près), la planète naine est plus grande que prévue ! Elle coiffe même au poteau un autre objet transneptunien, Eris, en lice pour le titre de plus grand d’entre eux. Si sa taille était mal connue, c’est parce que son atmosphère dense engendre des phénomènes semblables aux mirages terrestres, qui trompent les télescopes. Une planète naine plus grande, pour une masse identique, qui elle était bien connue, cela signifie qu’elle est moins dense. De quoi spéculer sur sa composition, avec sans doute une part plus importante de glaces. Alan Stern a cependant mis en garde contre des interprétations trop hâtives des données qui seront envoyées au compte-gouttes par la sonde : « Nous avons vu avec Voyager que certains commentaires faits à la volée étaient finalement erronés ».

Vue d'artiste comparant la taille de la Terre, de Pluton et de sa pseudo-lune Charon (en gris). Le rayon de Pluton vient d'être précisé par la sonde New Horizons: il est de 1185 km, plus ou moins 10 km, ce qui en fait le plus grand objet transneptunien connu.

Pour les équipes mobilisées depuis plus de quinze ans sur la mission, « après cette route interminable », ces dernières 24 heures apparaissaient comme « irréelles », a aussi témoigné Alan Stern, qui n’en est pourtant pas à sa première émotion cosmique, puisqu’il est aussi responsable d’un instrument sur Rosetta. C’est que New Horizons, contrairement à la sonde européenne qui a pu se mettre en orbite autour de la comète « Tchouri », ne fait qu’un passage éclair près de Pluton et ses pseudo-lunes. Car les lois de la mécanique céleste sont implacables. Pour aller aussi loin en un temps raisonnable, les ingénieurs n’ont pas eu le choix : il a fallu propulser la sonde de 500 kg à une vitesse inégalée (presque 60 000 km/h), lors de son lancement, à l’aide de la plus puissante fusée américaine alors disponible, en sachant qu’il serait impossible de freiner arrivé près du but. Il aurait fallu pour cela emporter des tonnes de carburant.

New Horizons et ses sept instruments doivent donc concentrer toutes leurs capacités d’observation dans les quelques heures du survol. Pendant le moment crucial, les chercheurs n’ont de toute façon aucune prise sur le déroulement des opérations : à cette distance, il faut 4 h 30 pour faire parvenir une instruction à l’engin, et deux fois plus pour savoir s’il l’a bien reçue, et plus encore s’il l’a bien exécutée.

Chorégraphie millimétrée

« Cette mission était un défi », confiait son responsable Glen Foutain (université Johns-Hopkins) : il fallait maintenir une sonde grande comme un piano à queue opérationnelle au moment crucial, après neuf ans et demi de voyage. Mais surtout, naviguer au plus près de l’objectif. « C’est comme rentrer une balle de golfe en un coup dans un trou à Los Angeles avec un swing effectué à New York », a-t-il expliqué. New Horizons doit suivre une trajectoire qui la fait passer dans un « trou de serrure » de 150 km par 100 km de côté. S’il l’avait manqué, il ne passerait pas pile dans l’ombre de Pluton pour observer son atmosphère filtrant les rayons du Soleil. Il raterait un rendez-vous identique avec Charon.

« On a si bien calculé cette trajectoire que je n’y crois pas moi-même », a plaisanté Glen Fountain. Il est vrai que Pluton fait le tour du Soleil en 248 ans, et que depuis sa découverte, il ne s’est écoulé qu’un peu plus d’une saison d’une année plutonienne. C’est bien court pour déterminer avec précision sa distance au Soleil. Mais la détection précoce par la sonde de Nix, l’un des satellites de Pluton, a aussi permis d’affiner les ultimes paramètres de navigation, pour se concentrer sur les observations.

Images de Pluton (à droite) et sa pseudo-lune Charon (prononcer Karon) prises le 12 juillet par la sonde américaine New Horizons, qui devait passer au plus près de ces deux astres le 14 juillet.

Pour décrire celles-ci, Cathy Olkin (université de Boulder), qui a planifié la rencontre, évoque une « danse » : les capteurs de New Horizons sont fixes, il faut donc que la sonde effectue une chorégraphie millimétrée pour se tourner au bon moment vers chaque objectif : Pluton, Charon, mais aussi les quatre autres petits satellites Nix, Styx, Kerberos et Hydra. Au plus près de Pluton, sa meilleure caméra a la capacité de voir des détails « correspondant à des arbres dans Central Park », a indiqué la chercheuse. « On verra le Soleil se lever, puis se coucher, sur Pluton puis Charon, pour étudier l’atmosphère du premier et savoir si le second en a une, puis on verra un croissant de Pluton éclairé par le Soleil, pour tenter d’y observer des nuages. »

Le Monde Guides d’achat
Aspirateurs robots
Les meilleurs aspirateurs robots
Lire

Y a-t-il un risque à frôler ces astres? « Nous avons estimé à deux chances sur 10 000 qu’une collision avec des poussières ne mette la sonde hors service », indique Alan Stern. Même si la probabilité est faible, toute l’équipe attend avec impatience le « coup de téléphone maison » de la sonde, prévu vers 3h02 (heure française) mercredi. Les données de télémétrie permettront de s’assurer que tout va bien et que les données scientifiques ont été engrangées au rythme prévu.

Après la rencontre du 14 juillet, il faudra s’armer de patience: quelques images seront adressées par New Horizons à ses concepteurs, mais il continuera à se concentrer quelques jours sur les observations. Ensuite viendra le temps de la transmission des données récoltées. La sonde ne bénéficie pas du haut-débit, mais seulement de 4 000 bits par seconde, dans la meilleure configuration : il faudra seize mois pour que toute sa moisson scientifique rejoigne la Terre.

Au-delà, le plutonium qui alimente la sonde en énergie lui donne encore 20 ans d’autonomie. Le temps de croiser d’autres objets transneptuniens, « puis d’aborder les franges de l’héliosphère [la zone sous l’influence des vents solaires] et pourquoi pas la frontière interstellaire », comme la sonde Voyager, « avec des instruments bien plus performants », rêve Alan Stern. Mais pour l’heure, Pluton reste l’objectif principal!

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.