La version officielle est que « l’OTAN n’est pas directement impliquée en Syrie » mais doit s’en soucier, compte tenu notamment des menaces qui pèsent sur la Turquie. La vérité, c’est que les ministres de la défense de l’Alliance, réunis à Bruxelles jeudi 8 octobre, devaient longuement parler du conflit, et singulièrement du nouveau rôle qu’y joue la Russie.
« Nous assistons à une escalade inquiétante », a déclaré le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, évoquant les récentes frappes russes. « La Russie rend encore plus dangereuse une situation déjà très grave », renchérissait le ministre britannique, Michael Fallon. Moscou « s’enferre dans son isolement », critiquait dans l’après-midi le secrétaire américain Ashton Carter, et elle en paiera les conséquences selon lui: « La Russie souffrira de pertes humaines en Syrie ». Les responsables de l’OTAN ont, en tout cas, déclaré qu’ils étaient prêts à envoyer des troupes en Turquie en cas de dégradation de la situation, l’organisation étant « capable et prête » à défendre « tous ses alliés » solidairement.
La réunion de jeudi visait initialement à jeter les bases du prochain sommet de l’organisation, qui se tiendra à Varsovie en 2016. Un sujet qui concerne d’ailleurs directement la relation avec Moscou : les pays d’Europe centrale et orientale, moins préoccupés par ce qui se déroule sur le flanc sud que par leur propre sécurité après l’annexion de la Crimée et la guerre en Ukraine, aimeraient que ce sommet désigne sans ambiguïté la Russie comme l’ennemi principal – voire unique.
M. Stoltenberg, a déposé un document qui évoque l’adaptation militaire, politique et institutionnelle de son organisation. Il prône une approche plus nuancée, basée sur la dissuasion, et tempère l’idée d’une présence permanente de l’OTAN dans les pays proches de la Russie. Il rejoint ainsi la position de l’Allemagne, qui entend éviter une escalade militaire, et celle de la France, qui insiste sur la nécessité de poursuivre le dialogue avec la Russie et réfute toute remise en cause de l’acte fondateur de la relation OTAN-Russie. Signé en 1997, il écartait l’idée d’un déploiement permanent de forces otaniennes dans les pays de l’est de l’Europe.
Protection renforcée
Ces derniers voient toutefois leur protection renforcée. La surveillance aérienne y est augmentée et six structures (NATO Force Intégration Units), comptant chacune une soixante de membres, y ont déjà été installées. Deux autres seront bientôt établies en Hongrie et en Slovaquie. Le principe d’un « plan de déploiement rapide » (RAP) a été adopté ainsi que le lancement d’une « force de haute réactivité » (VJTF) qui serait mobilisable en quelques jours et susceptible d’intervenir sur le territoire de l’Alliance, ou hors de celui-ci. Il reste à traduire tous ces projets dans les faits.
Certaines capitales jugent tout aussi nécessaire de reprendre langue avec Moscou à propos du système de défense antimissile de l’Alliance, dont la couverture augmente progressivement. Selon elles, il faut répéter aux autorités russes qu’il n’est pas dirigé contre leur pays – il serait d’ailleurs incapable d’intercepter des missiles russes – mais vise notamment à protéger le territoire européen contre d’éventuelles menaces iraniennes.
Les ministres devaient, enfin, tenter de déterminer si, en s’impliquant fortement en Syrie, la Russie ne vise qu’à soutenir le régime ou si elle entend ainsi prendre pied dans toute la zone méditerranéenne. L’OTAN va, en tout cas, y renforcer ses moyens de surveillance et de renseignement. Et trois pays (la France, l’Espagne et l’Italie) insistent pour que l’augmentation de la réactivité et des capacités de déploiement concernent également cette région.
Les discussions de jeudi étaient censées évoquer la double stratégie à mettre au point (vis-à-vis de la Russie et vis-à-vis de la zone méditerranéenne) mais surtout à déterminer si l’Alliance pouvait être active sur plusieurs théâtres en même temps. Jusqu’ici, la réponse reste incertaine.
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