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Philippe, nouveau souverain d’une Belgique en crise d’identité

Philippe de Belgique est devenu dimanche le septième roi des Belges en prêtant serment devant le Parlement, une heure et demie après l'abdication de son père, le roi Albert II. Il aura fort à faire pour maintenir l'unité du pays.

Par  (Bruxelles, bureau européen)

Publié le 20 juillet 2013 à 10h08, modifié le 21 juillet 2013 à 15h33

Temps de Lecture 5 min.

Le roi Philippe et la reine Mathilde au balcon du palais royal de Bruxelles, dimanche 21 juillet.

Philippe de Belgique est devenu dimanche officiellement le septième roi des Belges en prêtant le serment constitutionnel devant le Parlement, une heure et demie après l'abdication de son père, le roi Albert II. "Je jure d'observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire", a solennellement déclaré Philippe en néerlandais, français et allemand, les trois langues nationales, devenant officiellement à 53 ans le nouveau chef de l'Etat.

Depuis l'annonce de l'abdication du roi Albert II, le 3 juillet, deux questions sont posées un peu partout en Belgique. Son fils aîné, Philippe, est-il capable d'assumer la fonction de chef d'Etat ? Et quel genre de roi sera-t-il ? En clair, comment cet héritier âgé de 53 ans parviendra-t-il à assurer simultanément l'avenir de la dynastie des Saxe-Cobourg, mise à mal par diverses péripéties récentes, et celui d'un pays à l'unité tellement fragile ? Rien n'indique, en tout cas, que la nation belge sera, après les législatives de mai 2014, préservée d'une nouvelle crise de grande ampleur : en Flandre, le national-populisme incarné par le parti indépendantiste de Bart De Wever, le chef de l'Alliance néo-flamande (NVA), conserve toute sa vigueur.

Ni faste démesuré, ni défilé des têtes couronnées : comme le veut la tradition, Philippe, septième roi des Belges, prêtera serment devant les Chambres – députés et sénateurs – réunies dimanche 21 juillet, jour de la fête nationale. Une cérémonie sobre, en harmonie avec le tempérament tout en retenue du nouveau roi. Un homme timide, réputé peu empathique et parfois maladroit, guère à l'aise avec les médias.

Le septième roi des Belges, Philippe, succède à Albert II.
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Il attendait, plus que d'autres, cette abdication paternelle, lui qui crut déjà monter sur le trône en 1993, après la mort de son oncle, Baudouin Ier. Mais il fut obligé d'attendre, meurtri d'être parfois présenté comme "le pire héritier d'Europe". Alors qu'Albert II révélait progressivement qu'il n'entendait pas être un simple souverain de transition, il aurait même souffert de ce qu'un ancien conseiller du palais de Laeken appelle "une véritable crise d'identité".

Sous le règne de son père, décrit au début comme "le roi par hasard", le prince héritier avait souvent fait connaître son refus d'être un éternel prétendant, façon Charles d'Angleterre. Il voulait, il pouvait, assumer la plus haute fonction et devenir "le guide et le conciliateur" d'un pays tiraillé. Il se sentait capable d'assumer, comme il le disait, sa "mission", un terme qui, pour certains observateurs, renvoyait surtout à ses convictions ultra-catholiques et aux conceptions de son oncle Baudouin et de son grand-père Léopold III, peu enclins à s'accommoder du corset étroit imposé par les règles de la monarchie constitutionnelle qui veut que chef de l'Etat belge "règne mais ne gouverne pas".

Albert II et la reine Paola de Belgique, le 19 juillet à Liège.

Pour l'immense majorité des Belges, son père, Albert II, qui aura gouverné pendant vingt ans avant de s'avouer épuisé et malade, est un homme débonnaire et bon vivant. Mais, surtout, une sorte de sauveur qui aura évité l'éclatement du pays en s'élevant au-dessus des divergences politiques, linguistiques et religieuses. Pour Philippe, en revanche, ce père longtemps absent et qui, une fois devenu roi, l'aura longtemps tenu à l'écart de la vie de l'Etat, aura surtout été l'obstacle à l'accomplissement d'une ambition longuement mûrie, cultivée par un entourage conservateur.

RAGOTS

Fuyant micros et caméras, le prince héritier a, en outre, dû affronter des ragots et des rumeurs d'autant plus persistants que le palais de Laeken s'est longtemps fait une règle de ne répondre ni aux questions, ni aux critiques, ni aux pires insinuations. Des auteurs ont évoqué ses tentations homosexuelles, son "autisme" ou son absence de vie conjugale, expliquant sa quadruple paternité par un recours aux techniques de procréation assistée… D'autres n'ont pas hésité à décrire ses "limites intellectuelles" ou, du moins, ses "problèmes de communication".

Même "scandaleusement faux", selon un grand patron qui se vante d'être un intime du palais, ces propos ont marqué les esprits, renforçant les doutes sur les aptitudes du prince héritier. Des deux côtés de la "frontière" linguistique, certains ne cachent pas leur scepticisme, même si l'opinion publique semble accorder le bénéfice du doute à l'héritier du trône. En Flandre, la moitié seulement de la population se dit favorable à l'arrivée du nouveau roi. Et, dans toutes les régions, une majorité aurait préféré qu'Albert II n'abdique pas.

Préparatifs pour la prestation de serment de Philippe, au Parlement, le 19 juillet.

C'était aussi le cas des six partis – et surtout des trois francophones – qui composent la majorité fédérale du premier ministre, le socialiste wallon Elio Di Rupo. Ils ont fait pression sur le roi pour qu'il reste en place au moins jusqu'en 2014, espérant qu'il rejouerait son rôle de médiateur… et de meilleur adversaire de M. De Wever. Le chef de la NVA avait fait un pronostic : qu'on lui donne un Wallon comme premier ministre, le prince Philippe comme roi, et son projet indépendantiste s'en trouverait grandement facilité… Il aura bientôt les deux et il table déjà sur le fait que l'état de grâce du nouveau roi ne durera que quelques semaines. Pas assez, assure-t-il, pour entamer sa popularité et celle de sa formation, créditée de 30 % à 40 % des suffrages en Flandre.

"L'AVENIR DU PAYS"

Soucieux de ne pas tenter un dangereux quitte ou double, les autres partis néerlandophones (chrétien démocrate, socialiste et libéral), qui soutiennent Elio Di Rupo, ont renoncé à modifier les pouvoirs du roi, qu'ils voulaient pourtant réduire à un rôle purement protocolaire. La Liste civile (les moyens alloués par l'Etat au monarque) a été réduite, et les dotations à la famille royale limitées, histoire de calmer le choc causé par des tentatives d'évasion fiscale orchestrées par la reine Fabiola, la veuve de Baudouin. Pour le reste, la majorité a décidé de renvoyer à plus tard une réforme censée notamment limiter l'intervention du chef de l'Etat dans la formation du gouvernement fédéral. Un député écologiste, Marcel Cheron, résume au mieux le débat actuel : "La question n'est pas celle du maintien, ou non, de la monarchie. Derrière tout cela, il y l'avenir du pays."

"Les francophones ont intérêt à ce que la Belgique subsiste pour des raisons financières. Et, pour subsister elle aussi, la famille royale a besoin de rester au centre du jeu", renchérit Philippe Moureaux, ancien ministre et ex-numéro 2 du PS francophone.

Davantage qu'un roi désiré, Philippe sera donc surtout un roi nécessaire. Comme ses prédécesseurs, il tirera surtout sa légitimité de la sympathie populaire, explique l'historien Vincent Dujardin. Et, pour la conquérir, il pourra au moins compter sur son épouse, Mathilde d'Udekem d'Acoz : depuis son mariage en 1999, cette jeune aristocrate, ambitieuse et élégante, est devenue le meilleur "coach" du futur roi et le meilleur atout d'un palais qui en manquait cruellement.

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