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Attaque dans le Thalys : « J’ai levé la tête et j’ai vu un gars avec un AK-47 »

Le parquet fédéral belge a ouvert samedi une enquête sur la « base de la loi antiterrorisme » suite au fait que l’auteur est monté dans le train à Bruxelles.

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Publié le 22 août 2015 à 08h37, modifié le 24 août 2015 à 15h18

Temps de Lecture 5 min.

Evacuation des passagers en gare d'Arras vendredi 21 août.

Un carnage a sans doute été évité vendredi 21 août dans un train Thalys reliant Amsterdam à Paris. Un homme torse nu, armé d’un pistolet automatique et d’un fusil d’assaut kalachnikov, a ouvert le feu sur les passagers avant d’être maîtrisé par des militaires américains en vacances. Cette attaque, vraisemblablement terroriste, intervient huit mois après les attentats de janvier à Paris. Deux passagers ont été blessés. L’agresseur, décrit comme un homme de 26 ans, marocain ou d’origine marocaine, a été placé en garde à vue à Arras vendredi soir. Il a été transféré dans les locaux de la sous-direction antiterroriste (SDAT) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) samedi matin.

Samedi, le parquet fédéral belge a annoncé l’ouverture d’une enquête « sur la base de la loi antiterrorisme » suite au fait « que le suspect est monté dans le train à Bruxelles ».

Il est environ 17 h 45 lorsqu’un coup de feu retentit dans un wagon de queue du train à grande vitesse Thalys 9364, qui circule alors à hauteur d’Oignies (Pas-de-Calais). Un homme vient de tirer au pistolet sur un passager, touché à la gorge. « J’ai vu qu’il était torse nu, assez fin et sec, mais quand il est arrivé, j’ai bloqué sur le flingue », raconte Damien, un Parisien de 35 ans, encore sous le choc, dans un gymnase d’Arras où ont été accueillis les passagers du train après le drame. Christina Cathleen Coons, originaire de New York et en vacances en Europe, se trouvait dans la voiture 12. « J’ai entendu des coups de feu, sans doute deux, et un type s’est écroulé. Il avait du sang partout, apparemment il était touché au cou », relate-t-elle, au milieu du gymnase où le personnel de la Croix-Rouge distribue des bouteilles d’eau aux passagers.

Un premier voyageur français a tenté de le désarmer en le croisant sortant des toilettes arme à la main. Mais l’homme réussit à lui échapper et « plusieurs coups de feu » sont partis, selon des précisions apportées par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve samedi midi.

Dans le Thalys bloqué en gare d'Arras.

« Quand il est arrivé, j’ai entendu clic-clic-clic et j’ai cru que c’était un jouet », ajoute Damien. L’assaillant « s’est arrêté entre les deux wagons, il a tiré, ça a fait clic-clic-clic, sans faire de coup de feu comme dans les films. Le mec torse nu est ensuite retourné dans le wagon 12 et une personne avec un tee-shirt vert, rasé, l’a vu, s’est jeté sur lui et l’a plaqué au sol ».

L’homme au tee-shirt vert est l’un des deux militaires américains qui vont maîtriser l’agresseur et éviter le pire. « On a entendu un coup de feu et le bruit d’une glace brisée. Nous avons vu un employé de la compagnie traverser en courant la voiture après un coup de feu », raconte Anthony Sadler, un étudiant en dernière année à l’université de Sacramento State. Ce Californien de 23 ans voyage en compagnie de deux amis d’enfance, Alek Skarlatos, 22 ans, un membre de la Garde nationale, originaire de l’Oregon rentré en juillet d’une affectation en Afghanistan, et Spencer Stone, natif de Sacramento et membre de l’Air Force basé dans les Açores. « J’ai levé la tête et j’ai vu un gars avec un AK-47 », complète Chris Norman, un Britannique de 62 ans, assis dans la même voiture.

« Alek a dit à Spencer : “Occupe-toi de lui” »

Le sexagénaire anglais et l’étudiant américain décrivent alors la même scène : « Alek a dit à Spencer : Occupe-toi de lui. Spencer s’est précipité et l’a plaqué au sol. Ils ont commencé à maîtriser le terroriste. » L’un des deux héros, Alek Skarlatos, a confirmé : « Spencer et moi avons couru sur une dizaine de mètres, nous ne savions pas si son arme marchait ou pas. Nous avons eu beaucoup de chance que personne ne se fasse tuer. » A terre, le tireur porte des coups de cutter à Spencer Stone. Alek Skarlatos, lui, ramasse l’arme du tireur. Les militaires le frappent jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Durant la quarantaine de secondes qu’a duré son assaut, l’agresseur n’a pas prononcé un mot. Tandis que ses amis surveillent le tireur évanoui, Spencer Stone porte secours au passager qui a été touché à la gorge par le coup de feu.

Monté à Anvers et assis dans le wagon suivant, Laurent a cherché à porter secours aux blessés. Il décrit la scène à son arrivée dans le wagon où a eu lieu la fusillade : « J’ai vu une personne au sol, une autre personne lui faisait un garrot au niveau du cou, je le voyais bouger. Il y avait aussi une personne ligotée au sol, saucissonnée », dit-il, faisant allusion au tireur.

Les Américain Anthony Sadler et Alek Skarlatos et le Britannique Chris Norman ont reçu la médaille de la ville d'Arras.

Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve qui s’est rendu dans la soirée à Arras, où le train a été immobilisé, a exprimé sa « gratitude » envers ces Américains « particulièrement courageux, qui ont fait montre d’une grande bravoure dans des circonstances extrêmement difficiles », louant leur « sang-froid ». Dans la nuit de vendredi à samedi, le président Barack Obama a salué l’action « héroïque » des deux militaires américains, témoignant sa « profonde gratitude pour le courage et la réactivité de plusieurs passagers, y compris des membres de l’armée américaine, qui ont de manière altruiste maîtrisé l’assaillant ». François Hollande qui s’est entretenu par téléphone avec plusieurs passagers, recevra les Américains à L’Elysée « dans les prochains jours ». Anthony Sadler, qui n’était jamais venu en France, n’en revient pas : « C’était mon premier voyage en Europe et nous avons stoppé un terroriste, c’est dingue… »

Des passagers du train Thalys 9364 à la gare d’Arras, vendredi 21 août.

Terroriste ? Le premier ministre belge, Charles Michel, a immédiatement évoqué sur Twitter une « attaque terroriste ». Mais les autorités françaises sont plus prudentes sur les mobiles de cette agression. « Comme toujours lorsqu’il s’agit d’actes qui peuvent revêtir un caractère terroriste, la plus grande prudence et la plus grande précision s’imposent », a déclaré le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, lors d’un point de presse à la gare d’Arras.

Au final, l’attaque a fait deux blessés

C’est pourtant bien la piste terroriste qui est privilégiée. La section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie de l’affaire – « en accord avec le parquet local, au vu de l’armement utilisé, du déroulé des faits et du contexte », a indiqué le parquet de Paris – et a aussitôt chargé de l’enquête la SDAT de la direction centrale de la police judiciaire. La police technique et scientifique a fouillé le train, ne retrouvant qu’une seule douille, d’après une source proche du dossier. Les identités des 554 passagers du train Thalys ont été vérifiées et leurs bagages fouillés. Si l’hypothèse terroriste se confirmait, ce serait la neuvième fois qu’une attaque ou qu’un projet d’attaque vise le territoire français en huit mois.

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Au final, l’attaque a fait deux blessés, l’un par balle, le passager touché au début de l’assaut, l’autre par arme blanche, le militaire Spencer Stone, qui a immobilisé le tireur. Le premier a été héliporté au CHU de Lille. Le second, atteint au niveau du coude, où il porte une plaie superficielle, souffre également d’une fracture au doigt et a été hospitalisé à Arras. L’acteur français Jean-Hugues Anglade, qui se trouvait dans le train, s’est légèrement blessé en « tentant d’actionner le signal d’alarme », selon un porte-parole de la SNCF. Le comédien souffrirait de contusions à une main et devait quitter l’hôpital d’Arras dans la soirée.

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