Rien ne va plus avec les études de droit. L'échec en première année est à la hauteur de l'engouement pour cette filière aux débouchés parfois incertains.
Sur 1,4 millions d'étudiants d'université, 15 % sont inscrits en droit. Une filière où seulement quatre étudiants sur dix passent en deuxième année et où seuls 35 % sont cadres deux ans après avoir décroché leur master.
Même la Cour des comptes a scruté le sujet. Dans un référé publié le 11 septembre 2012, les magistrats estiment que le passage du cap des 200 000 étudiants s'est fait sans que "le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ait pris des mesures pour faire face à ce déséquilibre entre offre et demande". Conséquence : l'échec massif d'étudiants, toujours attirés par cette discipline inabordée au lycée et qui renvoie à l'image du métier de juge ou de celui d'avocat.
Les effectifs ont flambé de 10,5 % entre 2005 et 2009, quand le nombre d'enseignants ne progressait que de 6,5 %. Le problème est particulièrement aigu en région parisienne où le quart des inscrits en première année d'université l'est en droit. Cette rentrée, 930 bacheliers candidats qui n'avaient pas trouvé de place rejoindront des amphis surchargés, le rectorat ayant finalement imposé aux facs franciliennes de les accueillir.
Cet afflux fait chuter le taux d'encadrement qui oscille entre 10,6 et 28,3 enseignants pour 1 000 étudiants, quand il est en moyenne de 36,7 toutes filières confondues. Le budget consacré à la formation de chaque futur juriste est donc 2 à 6 fois inférieur à celui d'un autre étudiant. A Paris-Ouest-Nanterre, par exemple, l'UFR de droit dispose de 248 euros par étudiant, contre 877 euros en économie ou en activité physique et sportive.
40 % des étudiants passent en deuxième année, 35 % redoublent, 22 % s'évanouissent dans la nature et 2,5 % se réorientent à l'université.
Les magistrats de la Cour des Comptes constatent tout de même que les taux de réussite s'améliorent de deux à trois points depuis 2007, avec la mise en place de dispositifs d'accompagnement. Plusieurs universités, comme Paris-Panthéon-Assas, proposent ainsi un parcours renforcé et des mises à niveau qui améliorent significativement les résultats.
DÉBOUCHÉS INCERTAINS
En revanche, les auteurs du rapport restent assez pessimistes sur l'insertion professionnelle de ces diplômés. Selon une enquête de l'Agence pour l'emploi des cadres (APEC), 65 % des titulaires d'un master étaient cadres deux ans après leur sortie de l'université, mais seulement 35 % des juristes. Les enquêtes du Centre d'études et de recherche sur les qualifications (Céreq) ont elles aussi mesuré que l'insertion professionnelle des diplômés en droit est inférieure à la moyenne, qu'il s'arrêtent après une licence ou un master.
Selon l'Insee, les métiers du droit comptent entre 100 000 et 145 000 personnes. Difficile dans ces conditions pour les 20 700 diplômés de master et les 800 docteurs de trouver des débouchés. "Ces chiffres sont pessimistes. Nos propres enquêtes montrent que nos diplômés s'insèrent très bien, à plus de 80 %", nuance pourtant Louis Vogel, président de la conférence des présidents d'universités, ancien président de Paris-Panthéon-Assas. "Aux métiers du droit s'ajoutent les débouchés de la fonction publique, pondère Matthieu Conan, directeur de l'UFR de droit de Nanterre. Plus de 20 % des diplômés du master droit public réussissent les concours de la catégorie A de la fonction publique ."
Au-delà des chiffres, ce rapport pointe - comme beaucoup d'autres avant lui - l'inadéquation des études de droit aux besoins des entreprises, des futurs employeurs, mais aussi des étudiants. "Cela fait longtemps que l'on sait qu'il faudrait des enseignements plus généralistes les trois premières années, pour permettre aux étudiants de choisir une spécialisation plus progressive et plus professionnelle, propose Emmanuel Zemmour, président du syndicat étudiant UNEF. Or je constate que le monde du droit reste fermé sur lui-même, avec des mandarins à la vision malthusienne et sélective des cursus", s'insurge-t-il. L'autre syndicat étudiant, la FAGE, émet un point de vue assez proche. "Il faut offrir partout en France des formations professionnalisantes, avec stages, études de cas, et des enseignants en contact avec le monde du travail", estime Allan Rochette, chargé des sciences sociales et par ailleurs doctorant en droit à Avignon.
Pour le directeur de l'UFR de droit de Nanterre "il faut sortir de la caricature. Nos formations sont professionalisantes. Depuis 25 ans, nous offrons des cursus droit et langue ou économie et droit. Nous n'arrêtons pas d'innover. En 2011, nous avons ouvert un diplôme de droit international."
> Lire Les cursus sélectifs et payants se multiplient.
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