Les électeurs avaient « un véritable choix », qu’ils ont pu exprimer librement. Mais tout le reste – du déroulement de la campagne au mode de scrutin – était « unfair » (inéquitable), au service d’un seul parti, pour ne pas dire d’un seul homme, en faveur desquels l’ensemble des médias d’Etat ont été mobilisés.
Où s’est donc déroulée cette curieuse élection, ainsi pointée du doigt par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ? Dans quelque satrapie d’Asie centrale ? Quelque part dans la steppe caucasienne, où l’on pratique la « démocratie souscontrôle » (managed democracy), le modèle cher à Vladimir Poutine ?
Pas du tout. Le jugement affligé de l’OSCE visait un pays membre de l’Union européenne (UE), ce regroupement censé s’être constitué d’abord sur une communauté de valeurs – celles de la démocratie. Il s’agit de la Hongrie, dont le scrutin du dimanche 6 avril confirme toute la validité de la question posée il y a quatre ans lors du retour au pouvoir de Viktor Orban et de sa formation de droite, le Fidesz : ce pays a-t-il encore sa place dans l’UE ?
Il est sans doute sans précédent que l’OSCE ait porté un jugement aussi sévère sur une élection au sein de l’UE. Le résultat est sans surprise. Après quatre ans passés à cultiver un discours ultranationaliste menaçant pour ses voisins, M. Orban a été réélu.
Avec 44,5 % des suffrages, le Fidesz perd des voix par rapport à son score précédent (52,7 %), mais approche du seuil des deux tiers des sièges à l’Assemblée. Ce score devrait lui permettre de faire voter des textes sans débat – ce qui est tout de même plus pratique.
Où sont allées les voix perdues par M. Orban ? Peut-être à une extrême droite qui ne pouvait que s’épanouir dans le climat rhétorique instauré par le premier ministre. Antisémite et, plus concrètement, anti-Roms, le Jobbik réalise son meilleur score : plus de 20 % des suffrages. Divisée, minée par des querelles personnelles et des affaires de corruption, l’opposition est laminée.
M. Orban avait préparé sa victoire. La loi électorale et, plus encore, les circonscriptions ont été taillées sur mesure. La radio et la télévision publiques sont à son service. Comme le dit l’OSCE, l’Etat et le Fidesz se confondent de plus en plus. M. Orban a changé la Constitution de façon à limiter singulièrement l’indépendance de la justice, de la fonction publique et de la presse.
La situation économique s’est améliorée. Si la croissance reste molle dans ce pays de 10 millions d’habitants, l’inflation est maîtrisée, l’équilibre des comptes en bonne voie, même si le chômage reste élevé (9,8 %). Au moment où l’UE devrait développer une politique énergétique qui la rende plus indépendante du gaz russe, M. Orban se tourne vers Moscou. Il vient d’obtenir un crédit de 10 milliards d’euros pour financer l’achat d’une centrale nucléaire russe.
Dans ce domaine comme dans celui de l’état de la démocratie hongroise, le premier ministre se moque des mini-remontrances de Bruxelles, quand il ne tient pas un langage méprisant à l’adresse de l’UE. La victoire de Viktor Orban est aussi une défaite pour l’Union européenne.
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