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Austérité, rigueur, relance, croissance, de quoi parle-t-on ?

La rigueur se situerait à mi-chemin entre la croissance et l'austérité, faisant appel à des leviers complémentaires empruntés aux deux extrémités du spectre de choix économiques.

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Publié le 22 avril 2014 à 16h25, modifié le 09 avril 2015 à 09h40

Temps de Lecture 5 min.

La conjoncture économique française devrait rester fragile au cours des prochains mois, selon le cabinet Markit.

Quatre organisations salariales ont appelé jeudi à une journée de mobilisation interprofessionnelle, marquée par des grèves et des manifestations, pour, notamment, « lutter contre l'austérité et ses impacts destructeurs ».

Jean-Claude Mailly a en effet vu dans les élections départementales l'expression d'un mécontentement ; en cause, selon le leader de la CGT, « l'austérité dont le résultat est le chômage et la montée de la xénophobie ». Et selon le leader de FO, interrogé dans Le Figaro, il est « de la responsabilité » d'un syndicat « à un moment de dire stop » à « la logique d'austérité, dont les dégâts sociaux, économiques et démocratiques sont considérables ».

Une analyse récusée par François Rebsamen : « Il n'y pas en France de politique d'austérité », dit-il. Le ministre du travail affirmait déjà, il y a un an, que le plan d'économies de 50 milliards d'euros annoncé par son gouvernement n'était pas dans l'austérité mais « dans une gestion rigoureuse »

« L'austérité, cela serait de diminuer les salaires, de faire ce qu'il s'est passé en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne. »

Quelle définition scientifique de l'austérité ?

Une distinction également revendiquée par son prédécesseur Bernard Cazeneuve, qui affirmait que « si l'austérité est une faute, la rigueur est une vertu ».  En clair, la rigueur se situerait à mi-chemin entre mesures favorisant la croissance et mesures d'austérité, faisant appel à des leviers complémentaires empruntés aux deux extrémités du spectre de choix économiques, comme, par exemple, une baisse des cotisations salariales au profit des entreprises, financée par une réduction des dépenses publiques.

Mais est-ce si simple ? Voilà trois ans seulement, Nicolas Sarkozy refusait quant à lui le terme de « rigueur »estimant alors que « la rigueur, c'est la baisse des prestations sociales et des salaires ». L'ancien chef de l'Etat préférait dire : « Nous menons une politique de gestion rigoureuse, qui vise à baisser l'endettement de la France. »

En réalité, il n'existe pas de définition scientifique de « rigueur » et « austérité » en matière économique. Ces deux termes désignent de manière générale une politique économique, qui se veut l'inverse de la relance.

Un équilibre subtil

Face à la crise, il existe deux camps distincts, celui de la rigueur ou austérité et celui de la relance, qu'on peut résumer très grossièrement comme suit : en période de ralentissement de la croissance, les économistes favorisant une politique de la demande, qu'on trouve généralement plutôt à gauche de l'échiquier politique, soutiennent la relance de la croissance, par l'endettement de l'Etat. L'idée étant de créer un cercle vertueux : relancer la croissance finira par rembourser la dette contractée par l'Etat. 

De l'autre côté de la barrière économique (et souvent politique), les tenants de la politique de l'offre, et donc de l'austérité, prônent la méthode inverse : resserrer les cordons de la bourse de l'Etat, afin de diminuer son endettement, et privilégier un allègement de la fiscalité des ménages et des entreprises, supposé aider à relancer l'activité.

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Ce clivage a longtemps pu recouper l'axe politique gauche droite. C'est de moins en moins vrai. D'ailleurs, les dernières politiques d'économies en France ont davantage consisté pour François Fillon à augmenter les impôts et pour Manuel Valls à diminuer les prestations sociales.

La contrainte budgétaire

Car le choix de l'endettement n'est plus possible : Bruxelles contrôle de près le niveau du déficit, que la France s'est engagée à ramener sous les 3 % du produit intérieur brut (PIB). Il ne reste donc le choix qu'entre austérité et rigueur. Le choix des mots permet en effet de donner une coloration plus sociale ou moins libérale à des plans d'économies imposés en réalité par les circonstances et les choix précédents de l'exécutif.

Depuis plus d'une décennie, la France ne peut donc plus mener de politique franche de relance, et n'a jamais souhaité non plus mener une réelle politique d'austérité avec baisse des pensions ou des salaires des fonctionnaires, comme ce fut le cas en Italie, en Espagne, en Grèce, etc.

Résultat, la politique choisie est souvent un savant cocktail de relance et de rigueur, financée par des mesures d'économies ailleurs. L'ancienne ministre de l'économie Christine Lagarde avait d'ailleurs parlé de « rilance » pour tenter de mêler «rigueur » et « relance ».

Un dosage subtil expliquent les économistes de l'OFCE sur leur blog : « La purge budgétaire [des six dernières années] s'est avérée peu efficace et d'un coût en termes d'activité, de situation financière pour les entreprises et de chômage, disproportionné par rapport aux résultats obtenus. »

Rigueur en deçà des Pyrénées, austérité au-delà

En dissociant rigueur et austérité, l'idée est de séparer en théorie les mesures qui participent d'un contrôle des dépenses, voire d'une réduction de celles-ci, et celles qui peuvent en plus avoir un effet négatif sur la croissance... ce qui n'est pas du tout souhaité, puisque seule la croissance peut nourrir les recettes sur le long terme, grâce à un retour de l'investissement, une baisse du chômage ou une hausse des salaires et une reprise de la consommation.

Pour schématiser, les leviers favorisant la croissance correspondent à des « sorties » d'argent : investissement de l'Etat dans des programmes de relance, soutiens à l'emploi et à la consommation par des baisses de fiscalité. A l'inverse, un plan d'économies s'attaquera aux dépenses de l'Etat, aux aides sociales, aux ristournes concédées sur les impôts.

Dans la zone euro, un autre levier peut être activé, celui de la monnaie. Quand on la rend plus « chère » (en augmentant les taux directeurs qui déterminent les taux d'intérêt auxquels on peut emprunter), on amoindrit le potentiel de croissance. Quand on la « brade » (en baissant les mêmes taux, ou en augmentant l'émission de monnaie, ce qui a pour effet de rendre la monnaie moins rare donc moins chère), on soutient la croissance. Mais la politique monétaire ne peut pas être actionnée individuellement par chaque pays.

Là encore, contrairement à ce que dit M. Rebsamen, la solution réside sans doute dans un cocktail « mixte ». Par exemple, l'Espagne a enchaîné les plans de rigueur, dont le dernier a été d'une ampleur historique (150 milliards d'euros). Mais, parallèlement, Madrid a également annoncé une série d'objectifs dits « de rééquilibrage budgétaire », destinés à assouplir quelque peu la cure d'austérité : plan d'aide au logement, lutte contre le chômage...

En Grande-Bretagne, le premier ministre David Cameron a lancé une sévère cure d'austérité pour réduire de moitié le déficit public, après le pic de dépenses enregistré en 2009 pour faire face à la crise financière. Mais cet effort a eu pour corollaire des suppressions d'emploi massives dans le secteur public, des gels de salaires et une activité économique un temps ralentie.

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