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Affaires, croissance, référendum : les approximations de Nicolas Sarkozy

Bygmalion, affaires, la responsabilité de la France dans une prochaine crise : quatre moments-clés de l'interview de Nicolas Sarkozy décryptés.

Par , , et

Publié le 22 septembre 2014 à 15h39, modifié le 23 septembre 2014 à 10h01

Temps de Lecture 6 min.

Lors de son interview dimanche 21 septembre au soir sur France 2, l'ancien chef de l'Etat Nicolas Sarkozy a été approximatif et incomplet sur certains dossiers.

Ce qu'il a dit :

 « J'ai appris le nom de Bygmalion longtemps après la campagne présidentielle. »

Peu crédible

Après avoir assuré en juillet qu'il n'y avait eu « aucune double facturation » durant la présidentielle, M. Sarkozy pousse encore plus loin la mise à distance de cette affaire Bygmalion qui pourrait bien l'embarrasser. Il assure ne jamais avoir entendu le nom de la société avant mai 2012.

Ce qui semble peu crédible. C'est bien le candidat qui signe les relevés de dépenses de campagne. Certes, il n'est pas obligé de les lire. Mais c'est lui qui en est responsable aux yeux du Conseil constitutionnel. Dès 2008, Bygmalion, société dirigée par des proches de M. Copé, avait pris de l'importance au sein de l'UMP, que M. Sarkozy gardait à l'oeil. Il existe en outre trace d'un SMS, que son directeur de campagne, Guillaume Lambert, a mentionné dans un courrier au procureur, et où il informe Jérôme Lavrilleux (directeur adjoint de campagne et très lié à Bygmalion) des difficultés de financement, expliquant « nous n'avons plus d'argent. JFC [Jean-François Copé] en a parlé au PR [président de la République]. »

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En 2012, Nicolas Sarkozy pouvait-il réellement ignorer qui était le principal prestataire de ses meetings ? Cela paraît d'autant plus incongru qu'il avait, selon plusieurs informations de presse, fait part de sa déception quant aux prestations d'Event & Cie, la filiale de Bygmalion chargée d'organiser les rassemblements du candidat UMP.

Ce qu'il a dit :

 « Toute la campagne présidentielle, on a expliqué aux Français que j'étais mouillé dans l'affaire Bettencourt, que j'avais extorqué de l'argent à une vieille dame. Deux ans et demi d'enquête, quatre perquisitions, 22 heures d'interrogatoire… A l'arrivée, non lieu. Trois juges qui ont décidé que je n'avais rien à voir avec cette affaire. Qui me rendra mon honneur ? L'affaire Karachi : dix ans d'enquête. On m'a même suspecté d'être complice de la mort de nos compatriotes, les pauvres. Aujourd'hui je suis lavé [de tout soupçon]. »

pas encore tiré d'affaire

Contrairement à six personnes renvoyées en correctionnelle (dont son ancien conseiller au ministère du budget, Thierry Gaubert), ainsi que de l'ancien premier ministre Edouard Balladur et de l'ex-ministre de la défense François Léotard renvoyés devant la Cour de justice de la République (CJR), M. Sarkozy n'a pas été directement mis en cause dans cette complexe affaire de contrats d'armement qui pourraient avoir servi à du financement politique occulte.

Comprendre l'affaire Karachi en trois minutes

Mais, comme nous l'expliquions dans cet article publié en juin, Nicolas Sarkozy n'est pas pour autant totalement tiré d'affaire. Les magistrats instructeurs ont décelé des « indices » révélant qu'il aurait commis un délit, mais ne les ont pas jugés « graves » et « concordants », conditions nécessaires pour une mise examen. Ils ont donc estimé qu'il revenait à la Cour de justice de la République (CJR) de l'interroger, voire de le placer sous le statut de « témoin assisté », selon leur suggestion. C'est désormais à cette dernière d'en décider.

Concernant l'affaire Bettencourt, Sarkozy a effectivement été blanchi. L'ancien chef de l'Etat avait été mis en examen en mars 2013 pour « abus de faiblesse », les magistrats le soupçonnant d'avoir organisé un système de financement politique illégal grâce à la fortune de la milliardaire Liliane Bettencourt. Mais les juges d'instruction Jean-Michel Gentil et Valérie Noël ont finalement prononcé en octobre 2013 un non-lieu en faveur de M. Sarkozy, estimant ne pas avoir les éléments nécessaires pour le renvoyer devant le tribunal correctionnel – au contraire de dix autres personnes, dont l'ancien ministre du budget Eric Woerth.

Voir notre infographie : Affaire Bettencourt : les dix principaux protagonistes

 Ce qu'il a dit :

« [En 2008] la crise du monde entier s'est abattue sur la France (...). En 2014, c'est la crise de la France qui peut faire basculer l'Europe dans la faillite (...). Aujourd'hui, la croissance mondiale est revenue à près de 4 %, l'Allemagne est prospère, l'Europe n'est pas en crise et pourtant nous, nous continuons à stagner et à voir le chômage qui augmente. »

Sous sa présidence, la France était victime de la crise ; sous son successeur, la France pourrait se transformer en détonateur. C'est en somme ce que dit l'ancien président.

exagéré

C'est exagéré : en 2008, la France a bien souffert des contre-coups de la crise financière, mais elle avait déjà un problème de déficit de ses finances publiques.

Et, en 2008, le chômage dépassait les 8 %. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs annoncé plusieurs reculs du taux de chômage qui ont été démentis dans les jours ou les semaines suivant ses annonces.

Six ans plus tard, la situation française ne s'est certes pas améliorée, tant en termes de chômage qu'en termes de déficit public, mais la France n'est pas le pays le plus risqué d'Europe (si l'on en croit le marché de la dette tricolore), et c'est bien le continent qui dans son ensemble inquiète le reste du monde. L'Allemagne a d'ailleurs donné un sérieux coup de frein à sa croissance au 2e trimestre, avec un recul de 0,2 %.

Lire (en édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés L'Europe, maillon faible de l'économie mondiale

1. Bygmalion, inconnu au bataillon

2. Karachi : une conclusion hâtive

3. La France, responsable de la prochaine crise ?

4. La promesse jamais tenue du référendum

Ce qu'il a dit :

« Je crois qu'il est venu le temps de réintroduire, très régulièrement, dans le fonctionnement de nos institutions, le référendum. C'est la clé. Quand certains corps intermédiaires, certaines élites, bloquent le débat car cela met en cause leur propre intérêt, il faut faire trancher ça par référendum. »

Une vieille promesse jamais mise en œuvre

En répétant, dimanche soir, sa volonté de consulter davantage le peuple à chaque « blocage » du débat public, Nicolas Sarkozy reprend une promesse de campagne de 2012 : « Il y a une idée centrale dans mon projet, c'est redonner la parole au peuple français par le référendum », avait-il déclaré sur TF1 le 15 février 2012, le jour de l'annonce de sa candidature à un second mandat présidentiel.

Déjà en 2007, la promesse de l'instauration du référendum « d'initiative partagée » – mesure qui consacre le droit pour un cinquième des membres du Parlement soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales de demander l'organisation d'un référendum législatif –, figurait au programme du candidat Sarkozy : « Je vous associerai au choix des réformes (...) 10 % du corps électoral pourront demander au Parlement de se prononcer sur un texte de loi. »

Une réforme qui n'a pourtant pas été adoptée sous la présidence Sarkozy. Le gouvernement Fillon n'ayant jamais décidé de la date à laquelle elle devait être inscrite à l'ordre du jour du Sénat, comme le prévoit l'article 48 de la Constitution, elle n'avait pas fini d'être examinée.

A droite, on justifiait cela par un agenda parlementaire surchargé ; à gauche, on estimait que Nicolas Sarkozy avait « peur » que la loi ne soit utilisée sur des sujets contestés de sa politique.

Le texte a finalement été voté par le Sénat le 28 février 2013, après avoir été mis à l'ordre du jour lors d'une séance réservée au groupe UMP. Selon la garde des sceaux, Christiane Taubira, la démarche de l'UMP visait à utiliser la loi afin d'organiser un référendum sur le mariage gay.

Mais si cette promesse n'a pas été mise en œuvre sous sa présidence, c'est peut être aussi parce que Nicolas Sarkozy n'a pas toujours été favorable à cette forme de démocratie directe. Lors d'un meeting dans l'Essonne, en mars 2007, le candidat UMP avait notamment jugé que le concept de démocratie participative était « la forme ultime de démagogie », afin de montrer son opposition à sa rivale, la candidate socialiste Ségolène Royal, qui prônait cette pratique.

En 2005, Nicolas Sarkozy s'était également opposé à l'organisation d'un référendum sur le traité européen. Il avait alors estimé qu'il ne s'agissait pas de la formule « la plus adaptée » pour ce texte. Il était d'ailleurs passé outre cette consultation populaire après la victoire du « non », en faisant adopter le traité de Lisbonne trois ans après par le Parlement, après avoir été élu président.

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