Un soir fort tard dans une brasserie fameuse de Saint-Germain-des-Prés, Jean Paul Gaultier, après avoir feint d’hésiter, commande une choucroute très garnie : « Demain, je commence un régime ! », dit-il en se tapotant l’abdomen. Au menu de la conversation allègre et arrosée de bières, le show de Julie Ferrier au Théâtre de la Gaîté dont on sort et qu’il adore – « la fantaisie incarnée » – mais aussi, plat de résistance scoopique, les inspirations de son prochain défilé en juillet. Un défilé haute couture puisque, depuis septembre 2014, il a renoncé au prêt-à-porter pour se consacrer exclusivement au luxe et à la promotion des parfums à son nom, dont le succès et, partant, la rentabilité paraissent intarissables, notamment Le Mâle, qui est un des parfums les plus vendus dans le monde.
« Ce sera le Far West », dit-il. C’est-à-dire pas du tout ce qu’on imagine. Le Far comme le célèbre gâteau breton et le West comme l’ouest de la France : « Bigoudis et bigoudènes, Men à part et dolmen réservé. » Et d’imiter, à la grande surprise des derniers convives du restaurant, le son perce-oreille du biniou. Entre marabout et bouts de ficelle, beaucoup de Gaultier est dans ces jeux de mots à deux sous dont il adore parsemer ses SMS privés.
Il aime rire, très fort, toujours aux larmes
Ainsi, pendant la Nuit des Césars où il devait remettre avec Marilou Berry le César des meilleurs costumes, il expédiait « les deux Saint Lolo en compète de joie » pour commenter la rivalité entre les costumes du Yves Saint Laurent de Jalil Lespert et ceux du Saint Laurent de Bertrand Bonello. Jean Paul Gaultier aime rire, souvent très fort, toujours aux larmes, jusqu’à suffoquer en quintes de toux dignes d’un fumeur ayant trop fumé, lui qui pourtant n’a jamais touché une cigarette, sauf parfois celles qui, justement, font rire. Car souvent de ce mode de vie au bord de la ririte aiguë naît une mode tout court.
Ainsi d’une autre soirée mémorable au Festival de Cannes en 2012, où, sur le ponton d’un palace de la Croisette, la déconne allait bon train jusqu’à s’arrêter en gare de Folie furieuse : « Et les majorettes alors ? Je trouve qu’on ne parle pas assez des majorettes. » Et Gaultier de s’halluciner jusqu’à pas d’heure sur un personnage de Crazy Majorette qui tambouillait le Crazy Horse et le carnaval de Rio. La plaisanterie n’aurait pas dû survivre au Festival de Cannes. Sauf que quelques mois plus tard, sur le podium d’un de ses défilés, on vit surgir, tout en baguette et haut-de-forme pailletés, une Crazy Majorette pour de vrai, thème qui laissa dubitatives bien des rédactrices de mode mais qui n’échappa pas aux anciens habitants du ponton cannois.
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