Le cessez-le-feu entre le Nigeria et le groupe terroriste islamiste Boko Haram prévoit bien la libération des lycéennes enlevées il y a six mois, en échange de la libération de certains partisans de ce groupe islamiste armé. C'est en tout cas ce qu'a affirmé, samedi 18 octobre, le ministère des affaires étrangères tchadien, dont le pays a joué le rôle de médiateur. La présidence et l'armée nigérianes avaient annoncé, vendredi 17 octobre, avoir conclu un accord de cessez-le-feu avec la secte islamiste.
Jointes par Le Monde avant la publication de ce texte, les autorités tchadiennes ont confirmé avoir joué les « facilitateurs » à partir du mois de septembre pour des rencontres entre la présidence nigériane et des émissaires de Boko Haram. Le chef de la diplomatie tchadienne, Moussa Faki Mahamat, précise que « cette médiation a été ouverte à la demande des deux parties, qui ont convenu de régler leurs différends par des voies pacifiques et d'effectuer des actes de bonnes volontés ».
Le premier de ces actes a été « la libération, il y a une semaine, des dix otages chinois et des dix-sept Camerounais enlevés dans le nord du Cameroun », dit-il. Les deux parties sont convenues de respecter un cessez-le-feu et doivent se revoir lundi, affirme un porte-parole du gouvernement tchadien, pour discuter des modalités de libération des lycéennes de Chibok.
La présidence nigériane et d'autres sources au sein du gouvernement ont fait savoir samedi que les autorités espéraient pouvoir faire libérer d'ici mardi les quelque 200 jeunes filles enlevées en avril.
BOKO HARAM NE S'EST PAS EXPRIMÉ
A Paris, François Hollande affirmait vendredi avoir reçu des « informations » sur la libération des lycéennes, qui pourrait voir lieu « dans les heures ou les jours qui suivent ». Un membre de l'entourage du président français a confirmé au Monde que des négociations avaient été engagées avec l'entremise du Tchad, mais il se dit prudent « tant que Boko Haram ne s'est pas exprimé ». L'autre motif de réserve est de savoir quel est le poids des émissaires de la secte sur les différentes factions du groupe.
Selon cette source, l'accord porte sur un cessez-le-feu immédiat, qui doit être suivi par la libération des jeunes filles. Elle indique également que les survols répétés des avions du renseignement américain, britannique et français ont joué sur la décision de Boko Haram d'aller vers une solution négociée, car les militants « craignaient que ce soit le préalable à des frappes aériennes ».
LA CRÉDIBILITÉ DES AUTORITÉS SÉRIEUSEMENT ENTAMÉE
Des négociations en sous-main ont été menées depuis plusieurs mois entre les autorités et la secte islamiste. Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chargé de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), appelle toutefois à la prudence. « Il faut les remettre dans le contexte de la campagne pour les élections générales dans le pays. (…) Et la crédibilité des autorités a été sérieusement entamée par l'annonce, à trois reprise, de la mort du chef de Boko Haram, Aboubakar Shekau », rappelle le chercheur.
D'autres doutes ont été émis à l'encontre de Danladi Ahmadu, que le secrétaire de la présidence présente comme son interlocuteur au sein de Boko Haram, et qui a donné une interview à la radio vendredi matin. « Je n'ai jamais entendu parler de ce monsieur, et si Boko Haram voulait déclarer un cessez-le-feu, cela viendrait de leur chef, Aboubakar Shekau », a estimé Shehu Sani, un spécialiste de Boko Haram qui a négocié à plusieurs reprises avec le groupe islamiste aux côtés du gouvernement nigérian.
Dans le même temps, des témoins et des services de sécurité affirment que des hommes armés, soupçonnés d'appartenir à Boko Haram, ont tué des dizaines de personnes vendredi et samedi lors de cinq attaques contre des villages nigérians.
Le gouvernement nigérian a de son côté tempéré ces informations, laissant entendre que ces attaques pourraient ne pas être le fait de Boko Haram mais plutôt l'acte d'un des nombreux groupes criminels qui profitent du chaos engendré par l'insurrection islamique.
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