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L’opération séduction des Instituts Confucius en Afrique

Le nouvel Institut Confucius d’Abidjan accueille plus de quatre cents étudiants, venus y apprendre gratuitement le mandarin et le kung-fu.

Publié le 11 juillet 2016 à 12h58, modifié le 12 juillet 2016 à 15h47 Temps de Lecture 5 min.

Le nouvel Institut Confucius à Abidjan, en juillet 2016.

Les mouvements de wushu, la boxe chinoise plus connue sous le nom de kung-fu, raisonnent dans le vaste gymnase de l’université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan. La deuxième édition du championnat universitaire de kung-fu de Côte d’Ivoire a attiré cette année des centaines de fans et de curieux. Nous sommes le 26 juin, une cinquantaine d’athlètes étudiants s’affrontent pour la première fois dans des épreuves de combat et de formes techniques, sous l’œil attentif d’un maître du genre, Liu Yunsheng, le nouveau directeur de l’Institut Confucius d’Abidjan.

« Le wushu est un élément très important de notre culture traditionnelle, nous explique cet infatigable ambassadeur de la culture chinoise en Afrique. C’est un art martial qui demande à la fois une grande concentration, une énergie intérieure parfaitement maîtrisée et une excellente condition physique. »

La boxe chinoise est très populaire en Afrique. Rien qu’en Côte d’Ivoire, une dizaine d’associations et de clubs de wushu ont ouvert leurs portes ces dernières années. Une compétition d’art martial pour promouvoir la Chine en Afrique, c’est l’une des missions de ce nouvel Institut Confucius d’Abidjan, qui a ouvert ses portes en décembre 2015 et accueille déjà plus de quatre cents étudiants. « Nous organisons des démonstrations d’arts martiaux, de calligraphie et d’art du thé », explique dans un français quasi parfait Liu Yunsheng. Cet ancien diplomate a passé trois ans à l’ambassade de Chine en Côte d’Ivoire avant de prendre la direction de ce nouvel Institut.

Quarante-six établissements en Afrique

A 47 ans, ce jeune diplomate est un ancien professeur de français à Tianjin, au nord-est de la Chine. Après un poste en République démocratique du Congo, il débarque en Côte d’Ivoire, un pays qu’il considère aujourd’hui comme sa deuxième maison. « Nous sommes pour le moment cinq professeurs chinois à l’Institut Confucius. C’est le seul endroit de Côte d’Ivoire où vous pouvez apprendre le mandarin. Tous les cours sont gratuits car les étudiants ivoiriens sont souvent pauvres. »

Les Instituts Confucius ont été créés en 2004 sur le modèle des Alliances françaises, du Goethe Institut ou du British Council. Etablissements culturels publics à but non lucratif, ils ont pour mission l’enseignement du mandarin et la diffusion de la culture chinoise. Ce que l’on appelle souvent le « soft power », la diplomatie douce.

Actuellement, on compte quarante-six établissements de ce type en Afrique et un millier dans le monde. L’objectif de Pékin est d’ouvrir une centaine de ces établissements sur le continent d’ici 2020. Ils sont le fer de lance d’une Chinafrique portée davantage sur la culture, la langue et les arts, que sur l’économie et la politique. On y enseigne aussi bien la danse du dragon, que le mandarin et les arts martiaux. Mais surtout une certaine idée de la Chine et de ses valeurs.

Un outil de la propagande chinoise

Pour les plus sceptiques, il s’agit seulement d’un outil de la propagande chinoise. « Mais on ne dit jamais ça des centres culturels français, s’insurge Liu Yunsheng. C’est la culture qui crée la fraternité entre les peuples. » Un discours qu’il assène régulièrement car, selon lui, « les médias étrangers donnent toujours une mauvaise image de notre travail ». D’ailleurs, le directeur n’a cessé depuis l’entretien d’ajouter des couches de bons sentiments : « La culture doit permettre de créer des ponts entre nos deux pays et une véritable fraternité entre les peuples. L’homme doit se préparer à une vie de paix et de sécurité… » Confucius n’est jamais très loin…

Apparemment, Liu tient très à cœur son rôle de diplomate. « Je partage les mêmes valeurs que mes collègues de l’Alliance française, lance-t-il. Ce n’est pas l’histoire du fort contre le faible ».

L’image d’une Chine millénaire est ainsi utilisée à toutes les sauces par le régime communiste qui entend noyer les critiques éventuelles sous un flot d’images surannées d’arts martiaux et de culture traditionnelle. « La Chine devrait trouver une autre image pour symboliser sa culture, estime pourtant le sinologue Kerry Brown, qui voit là une mauvaise interprétation de la Chine contemporaine.

Le bras culturel de la Chine en Afrique

Mais si l’image n’est évidemment pas très moderne, elle fonctionne. Confucius est devenu le bras culturel de la Chine en Afrique et la gratuité des cours n’est pas pour rien dans ce succès. « Je suis un passionné de culture chinoise », nous explique Max Yolando. Ce jeune Ivoirien de 21 ans étudie le mandarin depuis quatre mois à l’Institut : « Quand on parle de Confucius, on pense d’abord à son image de sagesse et d’harmonie. C’est une très bonne chose dans un pays comme le mien qui a traversé une violente crise post-électorale. Beaucoup d’étudiants comme moi cherchent la paix et l’harmonie. »

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Mais sa grande passion, c’est le kung-fu. Un sport qu’il pratique depuis l’âge de 5 ans. « Mon rêve est de partir étudier les arts martiaux à la célèbre université des sports de Pékin. Je veux faire comme mon héros Jet Li [un acteur chinois spécialiste des arts martiaux]. Pour moi, les arts martiaux sont un moyen d’améliorer les relations entre la Chine et la Côte d’Ivoire. Et je pense que parler mandarin m’aidera sans doute davantage dans ma vie professionnelle que l’anglais. »

Max est membre de l’équipe nationale de wushu de Côte d’Ivoire et champion universitaire 2015. L’image de la Chine est pour lui celle d’un grand frère. « Nous devons être ensemble pour avancer. La seule différence entre nous, c’est la couleur de notre peau, estime le jeune étudiant. Au niveau de la culture, on se comprend très bien. Par exemple, la médecine traditionnelle à base de plantes est commune à nos deux pays. Nous buvons du thé sans sucre comme les Chinois… »

Sous l’œil attentif de son maître Liu Yunsheng, lui-même passé par la célèbre école de kung-fu de Shaolin, le jeune champion semble imprégné de cette Chine millénaire dont l’image est véhiculée par les Instituts Confucius.

« La Chine n’est pas le seul modèle, tempère le directeur. Notre pays a sa propre histoire mais nous partageons certaines expériences avec l’Afrique. La Chine commence à se faire entendre sur le continent et les succès de l’économie chinoise sont une lumière pour les pays émergents… » Confucius ne disait-il pas : « L’ouvrier qui veut bien faire son travail doit commencer par aiguiser ses instruments… »

Sébastien Le Belzic est installé en Chine depuis 2007. Il dirige le site Chinafrica. info, un magazine sur la « Chinafrique » et les économies émergentes.

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