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Négociations ou sortie : que veut vraiment Jean-Luc Mélenchon sur l’Europe ?

Le candidat de La France insoumise a demandé à ses soutiens, mardi, de ne « pas croire » qu’il voudrait « sortir de l’Europe, de l’euro ». Explications.

Par  et

Publié le 19 avril 2017 à 16h08, modifié le 20 avril 2017 à 09h17

Temps de Lecture 6 min.

Meeting de Jean-Luc Melenchon, sur le vieux port de Marseille.

Que veut vraiment Jean-Luc Mélenchon pour l’Europe ? Le candidat de La France insoumise est sous le feu des critiques pour son plan à deux options. François Hollande l’a accusé de remettre en cause « ce qui a été la grande construction européenne », Benoît Hamon a comparé son programme européen à de « jolies histoires, des contes, des fables »

Pour répondre à ses adversaires, Jean-Luc Mélenchon a déclaré, mardi 18 avril, lors de son meeting, qu’il ne souhaitait sortir ni de l’Europe ni de l’euro : « Ne croyez pas ce qu’ils vous disent : “Il veut sortir de l’Europe, de l’euro” (…), allons, un peu de sérieux », a déclaré le candidat. Voici ce que dit son programme de ses ambitions.

Quelle est sa proposition pour l’Union européenne ?

« L’Europe est une grande idée, mais les traités qui l’organisent sont une grande calamité. » C’est ainsi que le candidat de La France insoumise a résumé sa position lors du débat du 4 avril. Il a toujours affirmé que son objectif premier était de rester dans l’Union européenne, mais à condition qu’elle soit « refondée ». Dans son programme, il définit sa stratégie vis-à-vis de l’Europe de la manière suivante :

« Le plan A, c’est la sortie concertée des traités européens par l’abandon des règles existantes pour tous les pays qui le souhaitent et la négociation d’autres règles. Le plan B, c’est la sortie des traités européens unilatérale par la France pour proposer d’autres coopérations. L’UE, on la change ou on la quitte. »

Le texte précise que « la validation de ce processus passera nécessairement par une décision du peuple français par référendum ».

Que contient le « plan A » ?

Dans son « plan A », Jean-Luc Mélenchon dit vouloir notamment :

  • mettre fin à l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE), modifier ses missions et statuts, autoriser le rachat de la dette publique directement aux Etats, interdire à la BCE de couper les liquidités à un Etat membre ;

  • dévaluer l’euro pour revenir à la parité initiale avec le dollar ;

  • organiser une conférence européenne sur les dettes souveraines débouchant sur des moratoires, une baisse des taux d’intérêt, des rééchelonnements et des annulations partielles ;

  • mettre en place un protectionnisme solidaire.

Il est précisé qu’en cas d’accord, « le résultat des négociations sera soumis à référendum au peuple français qui décidera souverainement de sa participation à l’Union européenne refondée ou de la sortie ».

Sous quelles conditions peut-il aboutir ?

L’eurodéputé s’est dit « sûr » de parvenir à cette profonde renégociation des traités. Selon le droit européen, la France peut parfaitement soumettre un projet de révision. Dans le cadre d’une procédure dite « ordinaire », une majorité peut suffire à adopter les modifications au niveau des institutions européennes. Elles ne pourront cependant entrer en vigueur que si elles sont ratifiées par l’ensemble des Etats membres.

Toutefois, étant donné l’ampleur des modifications proposées par le candidat de La France insoumise, un consensus préalable serait sans doute requis. Doit-on pour autant conclure à l’irréalisme du plan A de Jean-Luc Mélenchon ? Il serait exagéré de dire que les traités européens sont inflexibles. La BCE, censée avoir pour unique mission la stabilité des prix dans la zone euro, a ainsi agi en faveur de la croissance depuis 2011.

De même, ses statuts lui interdisent strictement de financer directement les Etats, mais cette position a été assouplie en 2015. Depuis deux ans, la Banque centrale a lancé un programme de quantitative easing consistant à racheter des dettes publiques aux banques qui en possédaient. Autre exemple, aucune sanction n’a été prise à l’encontre de la France alors que, depuis 2009, elle ne respecte plus les normes sur les finances publiques imposées par les traités.

Il n’en reste pas moins que plusieurs mesures de Jean-Luc Mélenchon sont très controversées sur la scène européenne et suscitent notamment la franche opposition de l’Allemagne. Il veut mettre fin à l’indépendance de la BCE, indépendance qui était une condition des Allemands pour adhérer à l’euro en 1999. Berlin refuse toujours toute modification de ce statut. En l’absence de modification, la dévaluation souhaitée par le candidat dépendrait exclusivement de la BCE, indépendante de tout pouvoir politique.

L’Allemagne a aussi une position ferme sur la question des dettes publiques, parfaitement contraire à celle du candidat de La France insoumise. Elle est toujours farouchement opposée (et avec elle la plupart des pays du Nord) à un allégement de la dette grecque et plaide pour que le pays « respecte ses engagements ».

Jean-Luc Mélenchon dit avoir conscience de cette situation, mais argue que sa stratégie de négociations peut lui permettre de parvenir à ses fins.

Si le plan A échoue, est-il prêt à sortir de l’Europe ?

Après avoir récusé d’envisager la sortie de l’Union européenne et de l’euro, Jean-Luc Mélenchon a tout de même de nouveau fait allusion à son « plan B » pendant son meeting du 18 avril : « Nous sommes la France, on ne va pas venir [dire qu’on] aimerait bien que ça s’arrange. [Il imagine la réponse :] “Ouais, ouais, une autre fois…” Et bien au revoir. Si vous ne voulez pas de nous, on fera avec ceux qui veulent. »

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De fait, le candidat a régulièrement évoqué la question ces derniers mois. Le 24 juin 2016, au lendemain du référendum sur le Brexit, il livrait son analyse de la situation à chaud :

« L’Europe, pour les Français, on la change ou on la quitte. »

Formule reprise dans son programme, qui résume le plan B dans ses grandes lignes. Et cette position n’a semble-t-il pas varié depuis, puisque le candidat a déclaré ceci lors du débat à onze candidats le 4 avril :

« Si nous sortons des traités, alors nous pourrons changer les prochains traités. Mais nous ne pourrons pas le faire si nous n’avons pas un plan B. Si l’on ne sait pas que si l’on nous résiste, la France s’en ira. Et si on le fait, alors le débat est possible. »

Le 14 mars, au sommet internationaliste pour un plan B en Europe, organisé à l’occasion des 60 ans du traité de Rome, le candidat de La France insoumise a détaillé son projet. L’occasion de préciser qu’à son sens sortir des traités ne revenait pas à enterrer toute forme de coopération entre pays : « S’ils ne cèdent pas sur le plan A, alors nous passerons au plan B. » Et de poursuivre :

« Qu’est-ce que le plan B ? Le plan B, c’est le plan que je viens de présenter comme plan A. Si les autres n’en veulent pas, alors nous le faisons quand même entre ceux qui sont d’accord. Par conséquent, le plan B est un plan internationaliste. »

Construire une Union européenne alternative autour des pays représentés dans l’« internationale du plan B » reste en revanche hypothétique. Pour l’heure, aucune des forces politiques en présence n’est au pouvoir dans son pays. Interrogé à l’Essec le 22 mars, Jean-Luc Mélenchon a développé ce qu’il imaginait en cas de plan B. En cas d’échec des négociations qu’il compte mener, « on devra s’en aller », explique-t-il. Et d’ajouter :

« Mais la tactique a de l’importance. On part avec ceux qui sont d’accord avec nous et on fait autre chose. La France n’est pas pieds et poings liés à l’Union européenne, aux pays baltes, à la Lituanie, à l’Estonie, à la Lettonie. Ce n’est pas vrai. Nous avons d’autres environnements possibles. L’Europe de la Méditerranée, ce n’est pas rien. La francophonie politique, ce n’est pas rien. La France n’est pas dos au mur. »

Sans entrer dans un exercice de politique-fiction, on peut donc résumer les déclarations de Jean-Luc Mélenchon sur la question de la manière suivante :

  • le candidat porte un projet de plan A visant à sortir des traités européens actuels pour en adopter de nouveaux, plus conformes à la politique qu’il souhaite pour la France et pour l’Europe ;

  • plusieurs pays européens, l’Allemagne en tête, sont aujourd’hui opposés à plusieurs points-clés des revendications de Jean-Luc Mélenchon. Or, la renégociation des traités passe par un accord de l’ensemble des pays européens. Mais le candidat espère que la menace du plan B lui permettra de peser de tout son poids dans les négociations ;

  • en cas d’échec des discussions, Jean-Luc Mélenchon entend bien proposer d’appliquer son plan B, à savoir la sortie de l’Union européenne et de l’euro, et de chercher de nouvelles alliances en dehors de l’Europe actuelle.

Non, Jean-Luc Mélenchon ne veut pas sortir de Schengen

Sur l’espace Schengen, espace de libre circulation de vingt-six Etats dont vingt-deux de l’Union européenne, la position résumée dans le programme de Jean-Luc Mélenchon n’est pas forcément très compréhensible à la première lecture :

« En Europe, sortir de l’impasse de Schengen et de Frontex. Renforcer les moyens civils de sauvetage en mer Méditerranée pour éviter les milliers de noyés. »

Concrètement, sortir de Schengen signifierait revenir aux frontières nationales, ce que réclame l’extrême droite de Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan…

En fait, il ne s’agit pas de quitter Schengen, explique son équipe de campagne, mais tout au contraire de restaurer l’entière liberté de circulation au sein de l’espace Schengen (avec un encadrement strict de sa suspension temporaire). En effet, la France, qui avait rétabli des contrôles aux frontières nationales à l’approche de la COP21 puis après les attentats du 13 novembre 2015, les a prolongés jusqu’en juillet prochain en raison de la « menace terroriste permanente ».

Et s’il maintient le système actuel de visas (en « veillant à empêcher que les coûts des visas nationaux soient utilisés comme des mesures de dissuasion »), le candidat de la France insoumise souhaite « renégocier [les accords de Schengen] au profit d’une action résolue en faveur de politiques nouvelles de migrations internationales et de co-développement, en particulier avec les pays du pourtour méditerranéen », décrit l’un des livrets de campagne de la France insoumise dédié au thème des migrations. Concrètement : aider à des projets de réinstallation, possibilité de retours temporaires sans voir le droit de revenir en France mis en danger…

Concernant Frontex, l’agence européenne qui tente d’assurer la surveillance des frontières de la zone face à l’afflux de migrants, Jean-Luc Mélenchon désire :

  • arrêter les opérations de Frontex dont les missions et les actions ne sont pas compatibles avec le respect des droits fondamentaux ;
  • remplacer Frontex par une agence dont la mission première sera le sauvetage en mer ;
  • remettre en cause le fichage des étrangers et la biométrie dans le contrôle des frontières de l’UE.

Autant de point que la France ne peut mettre en place seule, et pour lesquels elle a besoin de l’accord de ses partenaires européens.

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