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Maroc : Cheikh Al Amoudi, capitaine du bateau Samir à la dérive

En crise, le seul raffineur du royaume réunit vendredi 16 octobre ses actionnaires pour approuver un plan de recapitalisation de près d’un milliard d’euros. Mais n’est-ce pas trop peu et trop tard ?

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Publié le 15 octobre 2015 à 19h48, modifié le 15 octobre 2015 à 18h08

Temps de Lecture 3 min.

Le site de la Samir, près de Casablanca.

Cheikh Mohammed Al Amoudi est au pied du mur, à la veille d’une assemblée générale extraordinaire (AGE) cruciale, ce vendredi après-midi, à Mohammédia, à une trentaine de kilomètres de Casablanca. Pour ce magnat saoudien d’origine éthiopienne dont la fortune est évaluée à 11 milliards de dollars par Forbes, les choix sont limités : soit il parvient à recapitaliser lourdement le géant du raffinage qu’il a acheté à l’Etat marocain en 1997, soit il laisse s’effondrer une des plus grosses entreprises du Maroc pour limiter ses pertes.

Depuis le 5 août dernier, la Société anonyme marocaine de l’industrie de raffinage (Samir) a suspendu une grande partie de ses activités, après plusieurs semestres de résultats négatifs. Au cours de l’année 2014, l’entreprise affichait des pertes de 3,4 milliards de dirhams. Auxquels s’ajoute un résultat intermédiaire négatif de 2,2 milliards de dirhams sur les six premiers mois de l’année 2015.

Un « coup de poker »

Après les annonces du mois d’août, le titre a été suspendu « jusqu’à nouvel ordre » à la bourse de Casablanca, où l’action Samir avait perdu 47 % depuis le début de l’année. Dès le 7 août, l’administration des douanes et impôts indirects a initié une procédure de saisie pour recouvrer plus de 13 milliards de dirhams d’impayés (plus d’un milliard d’euros) et un contrôle fiscal est en cours sur toutes les sociétés du groupe. Du côté du gouvernement, un message de fermeté a été adressé aux actionnaires, par la voie de son porte-parole Mustapha El Khalfi, lequel, à l’issue d’un conseil de gouvernement largement consacré à la situation du raffineur, a notamment déclaré que l’« Etat ne cédera[it] à aucune pression, marchandage ou chantage ».

Sheikh Al Amoudi

Intervenant au moment où le roi Salman d’Arabie saoudite prenait ses quartiers d’été à Tanger, l’annonce d’une suspension de l’activité du raffineur a été perçue comme un « coup de poker » d’Al Amoudi. L’homme d’affaires, qui détient 67 % de la Samir, est la deuxième fortune saoudienne et son groupe a longtemps été perçu comme un relais des ambitions commerciales de la famille Al-Saoud. Quelle que soit la réalité de son influence, les autorités marocaines écartent tout renflouement public. « L’option d’un “bailout” par l’Etat est totalement écartée pour l’instant, confirme une source bancaire marocaine. Mais il est tout autant illusoire de penser qu’Al Amoudi apportera 10 milliards de dirhams en cash dans une entreprise aussi lourdement endettée. »

Incompréhension à Casablanca

Deux arguments affaiblissent, en effet, l’hypothèse de l’augmentation de capital, soumise au vote des actionnaires ce vendredi 16 octobre. D’un côté, le montant de 10 milliards de dirhams avancé est largement inférieur aux dettes exigibles, notamment les arriérés de 13 milliards de dirhams réclamés par l’administration des douanes et impôts indirects, sans compter les emprunts bancaires et obligataires arrivant à terme. Au total, Samir affiche un endettement d’environ 40 milliards de dirhams, soit environ 3,7 milliards d’euros. « Ces dix milliards seraient investis à fonds perdu, pour Mohammed Al Amoudi, qui n’a jamais investi autant dans cette entreprise », souligne un analyste financier casablancais.

Par ailleurs, la résolution soumise à l’AGE de l’entreprise évoque l’« autorisation d’une d’augmentation du capital social d’un montant maximum global de 10 milliards de dirhams de nominal en numéraire et/ou par compensation de créances ». Ce qui revient à inviter les créanciers actuels à entrer au capital de l’entreprise. Pour l’Etat, on l’a vu, cette hypothèse est écartée. Pour les banques, « toute prise de participation dans la Samir reviendrait à accepter une dépréciation de leur goodwill, ce qui est peu probable », analyse notre source bancaire.

A Casablanca, l’incompréhension domine. Les banques marocaines, qui y ont leurs sièges sociaux, tentent de minimiser leurs risques. Attijariwafa Bank et la Banque centrale populaire, deux poids lourds du secteur bancaire, ont provisionné des montants conséquents pour faire face au risque de défaut de la Samir.

D’autres banques sont également concernées par les défauts de paiement éventuels, l’Arab Bank et le Crédit agricole. On estime que l’ensemble du secteur bancaire marocain est exposé à hauteur de 8 milliards de dirhams. Un montant important mais supportable, d’après la banque centrale, qui a effectué ces derniers mois des « stress tests ». Ces évaluations de la résistance des banques locales au risque Samir se sont avérées rassurantes, d’après Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib.

Le 12 octobre, le quotidien marocain L’Economiste, proche des milieux d’affaires, plaidait en faveur d’une liquidation judiciaire de l’entreprise. Au moment où le secteur de la distribution des hydrocarbures se prépare à la libéralisation des prix, certains opérateurs ont diversifié leurs sources d’approvisionnement et augmenté leurs capacités de stockage. La capacité de transbordement portuaire est d’ailleurs amenée à augmenter dans les prochaines années. Comme le résume un distributeur cité par L’Economiste, « le Maroc peut bien se passer de la Samir ». Reste le coût social d’une telle décision stratégique : la Samir emploie près d’un millier de salariés.

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