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En Iran, le mouvement des femmes qui protestent contre le port du voile ne s’essouffle pas

La diffusion d’une vidéo montrant une femme bousculée par un policier, jeudi, relance les débats autour de la mobilisation que connaît le pays depuis deux mois.

Le Monde

Publié le 24 février 2018 à 18h06, modifié le 25 février 2018 à 10h29

Temps de Lecture 6 min.

Elle a les cheveux longs et blonds, attachés derrière en queue de cheval. Montée sur une armoire électrique dans la rue, la jeune Iranienne brandit au bout de son bras levé son foulard blanc. En bas, un policier essaie, d’un ton calme, de la convaincre de descendre.

Elle lui demande : « Quelle est la charge [retenue contre moi] ? » « Descends d’abord, je te dirai après », lui répond le policier. L’Iranienne, elle, n’entend aucunement lui obéir. « Dis-le maintenant devant tout le monde », lance-t-elle. « Perturber l’ordre public », lui répond finalement le fonctionnaire.

Autour, ils sont de plus en plus nombreux à se rassembler. Quelqu’un lance : « Applaudissez-la » et certains suivent son injonction. Après quelques secondes de discussion, le policier monte sur un arbre adjacent et donne un coup de pied à la fille qui tombe dans la foule.

La jeune femme s’appelle Mariam Shariatmadari et la scène, filmée par des téléphones portables et publiée largement sur les réseaux sociaux, s’est déroulée, jeudi 22 février, en plein centre de Téhéran. Transférée à la prison d’Evin dans le nord de la capitale iranienne, Mariam Shariatmadari, blessée au genou, attend son jugement.

Vague de critiques sur les réseaux sociaux

Cette diplômée de l’université d’Amirkabir de Téhéran est la dernière Iranienne à s’être publiquement opposée à la loi qui oblige les femmes en République islamique d’Iran à porter le voile. Le 27 décembre 2017, Vida Movahed, 31 ans, avait été la pionnière de ce mouvement. Elle avait grimpé sur une armoire électrique, située au croisement des avenues Enghelab et Taleghani, dans le centre de Téhéran, et elle avait ôté son voile blanc. Depuis, une trentaine d’autres femmes ont défié le pouvoir en adoptant les mêmes gestes, dans la capitale et parfois en province.

Mais depuis jeudi, la réaction violente du policier a provoqué une vague de critiques sur les réseaux sociaux. A en croire la célèbre avocate iranienne des droits humains, Nasrin Sotoudeh, qui représente certaines des filles poursuivies par la justice, le policier « a commis un acte illégal » : « Non seulement aucun homme n’a droit de faire cela à une femme, mais en plus le policier [en question] a abusé de son pouvoir. Les femmes de notre pays veulent que la décision de choisir leurs vêtements leur revienne », a expliqué l’avocate sur sa page Facebook.

Libérée contre une caution de 10 000 euros

L’une de ses clientes, Narges Hosseini, arrêtée le 29 janvier, est accusée d’« avoir paru en public sans le hidjab », d’« avoir fait un acte haram », illégal selon la charia, en vigueur en République islamique d’Iran et d’« avoir encouragé à la corruption ».

Cette dernière accusation peut valoir aux personnes interpellées jusqu’à dix ans de prison ; une très lourde peine témoignant de la volonté des autorités de mettre un terme à cette forme de contestation en faisant remonter le prix à payer. Jusqu’à présent, les femmes qui ne respectaient pas le port du hidjab en public risquaient une amende allant jusqu’à 50 000 tomans, soit 9 euros, ou une peine de prison, entre dix jours et deux mois.

Narges Hosseini, elle, a été libérée de la prison de Gharchak, située dans la périphérie de la ville de Karaj, à 40 kilomètres de Téhéran, contre une caution de 60 millions de tomans, soit 10 000 euros. Nasrin Sotoudeh, quant à elle, entend protester contre les charges retenues à l’encontre de sa cliente. « Elle est sortie sans hidjab car elle portait des vêtements d’hiver et son corps était couvert », explique-t-elle.

Sur les réseaux sociaux, à l’heure où ce mouvement de contestation ne s’essouffle guère, les Iraniens sont également nombreux à critiquer ces filles. Sur Twitter, Ali Sadrinia voit dans cette contestation un acte « illégal » et « illogique » :

« Imaginez que quelques personnes trouvent que certains articles du code de la route posent problème et qu’elles décident, en signe de protestation, de conduire dans le sens inverse autour des places. Comment vous appelez cela ? Aucune personne intelligente et saine ne peut penser que pour faire changer une loi, il faille l’enfreindre. »

D’autres utilisateurs pointent du doigt des voyages à l’étranger de certaines filles arrêtées dans le cadre de ce mouvement, laissant entendre qu’elles auraient été manipulées par les pays ennemis de l’Iran.

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Jeudi, quelques heures avant que Mariam Shariatmadari ne commence son action, la fameuse armoire électrique de l’avenue Enghelab sur laquelle Vida Movaed, la pionnière, était montée, quant à elle, a été aménagée pour empêcher que plus aucune fille n’y grimpe.

L’armoire électrique de l’avenue Enghelab de Téhéran est en train d’être modifiée pour empêcher que quelqu’un n’y monte.

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