Maître de conférences en droit pénal à l’université de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), Olivier Cahn a consacré sa thèse de doctorat à la « coopération policière franco-britannique dans la zone frontalière transmanche ». Pour lui, la souveraineté de la France est mise à mal par ces accords.
Le chef de l’Etat a fait savoir avant le sommet franco-britannique qu’il allait négocier un avenant aux accords du Touquet pour demander aux Britanniques de faciliter l’entrée légale de migrants mineurs. Il va aussi plaider pour une contribution financière supplémentaire des Britanniques. Est-ce suffisant à vos yeux ?
Olivier Cahn : Sur le fond, ces annonces suscitent une question et une remarque. Il est ainsi possible de s’étonner que les exigences françaises se limitent aux mineurs. Pourquoi ne pas exiger que les Britanniques acceptent d’examiner la situation de toutes les personnes présentes à Calais qui peuvent justifier de liens familiaux au Royaume-Uni ?
Par ailleurs, si l’intention est louable, la notion d’aide au développement économique suscite un malaise pour deux raisons : d’abord parce qu’elle renvoie aux rapports entre pays développés et pays en voie de développement, ce qui n’est pas flatteur pour le Calaisis ; ensuite, parce qu’elle implique que la France accepte que la situation dans le Calaisis soit vouée à perdurer et que les autorités françaises sont disposées, en échange d’une compensation financière, à assumer le contrôle de l’immigration vers le Royaume-Uni, sans considération pour les conséquences pour les habitants du Calaisis.
Pour bien comprendre… On parle beaucoup de ces accords du Touquet, sur lesquels vous avez travaillé des années. Comment les résumer ?
Ce sont les accords qui organisent les contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord. Signés en février 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, et par son homologue britannique, David Blunkett, ils ont pour objectif de rendre étanche la zone portuaire de Calais. Ils complètent le protocole de Sangatte (1991) et son protocole additionnel (2000), qui verrouillent la frontière ferroviaire en organisant les contrôles dans les gares Eurostar à Paris et à Londres, au niveau du tunnel sous la Manche et, par un arrangement complémentaire de 2002, autour de la gare de Calais-Fréthun.
Qu’est-ce qui ne va pas avec ces textes ?
Ils présentent une apparence de réciprocité, puisqu’ils autorisent les policiers français à effectuer leurs contrôles d’immigration sur le territoire britannique, et les agents des services d’immigration britanniques à faire la même chose sur le sol français. Mais le mouvement migratoire est à sens unique. En pratique, ces textes déplacent de la frontière britannique en France et transfèrent en France la gestion de l’immigration vers le Royaume-Uni.
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