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La vidéo de l’interpellation collective de dizaines de lycéens à Mantes-la-Jolie provoque de vives réactions

La vidéo, qui montre des rangées d’élèves à genoux, mains sur la tête, sous la surveillance de policiers casqués, armés de matraques et de boucliers, « est forcément choquante », a reconnu le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer.

Par  et

Publié le 06 décembre 2018 à 23h05, modifié le 07 décembre 2018 à 12h18

Temps de Lecture 6 min.

Ils sont plusieurs dizaines d’adolescents, alignés en rangs, genoux à terre, en silence, mains derrière la nuque ou le dos, tête baissée, leur sac à dos sur les épaules, encadrés par des policiers en tenue, debout, casqués, armés de matraques et de boucliers. « Voilà une classe qui se tient sage », peut-on entendre un homme commenter sur l’une des vidéos diffusées – et très relayées – sur les réseaux sociaux jeudi 6 décembre au soir.

La scène s’est déroulée à Mantes-la-Jolie (Yvelines) quelques heures plus tôt, à la mi-journée : 153 jeunes ont été interpellés « collectivement » par les forces de l’ordre à la suite de violences commises en marge de blocages aux lycées Saint-Exupéry et Jean-Rostand, deux établissements situés à 500 mètres l’un de l’autre au cœur d’une zone pavillonnaire, aux abords de la cité du Val-Fourré. « Ces images sont impressionnantes, mais aucun jeune n’a été blessé, ni maltraité, nous n’avons enregistré aucune plainte », tient à souligner le préfet des Yvelines, Jean-Jacques Brot. « L’image est forcément choquante (…). Quand j’ai vu ces images moi-même, j’ai évidemment été choqué », a reconnu le ministre de l’éducation, interrogé par France inter, vendredi matin, tenant à rappeler le « contexte » de l’événement.

Cela faisait plusieurs jours que la tension montait à Mantes-la-Jolie. D’abord à proximité des deux établissements, mardi 4 décembre, où plusieurs poubelles ont été incendiées et des projectiles lancés sur les forces de l’ordre, qui ont riposté avec des grenades lacrymogènes. « Environ 200 jeunes vraiment chauds ont foncé sur les forces de l’ordre en leur jetant des pierres », témoigne un habitant. « Le préfet a demandé de ne pas utiliser de gaz lacrymogènes, mais la situation a commencé à dégénérer, ajoute Thierry Laurent, le directeur du cabinet du préfet, qui s’est rendu sur place. La police ne parvenait pas à repousser des jeunes qui n’étaient pas des lycéens. Là, deux ou trois grenades lacrymogènes ont été lancées et la dispersion a eu lieu. »

« Jets de pierres et de cailloux sur les policiers »

L’escalade de violence s’est poursuivie le lendemain. Le rassemblement de quelque 300 élèves devant le lycée Jean-Rostand a rapidement dégénéré avec des « feux de barricades » suivis par « des jets de pierres et de cailloux sur les policiers », raconte le même témoin. En parallèle, un petit groupe s’est introduit dans les habitations alentour pour y dérober une dizaine de bonbonnes de gaz, qui auraient été jetées dans un feu de poubelle. « Mais, heureusement, elles n’ont pas explosé », commente l’habitant, qui a vu les jeunes se diriger ensuite vers le Val-Fourré. « Nous avons alors donné la consigne de ne pas les poursuivre, souligne le directeur du cabinet du préfet. Nous sommes dans une logique de désescalade. » Mercredi, cinq jeunes gens ont été placés en garde à vue, selon le procureur de la République de Versailles, Vincent Lesclous.

Jeudi matin, les premières poubelles ont été incendiées vers 9 heures à Saint-Exupéry avant que deux véhicules ne s’embrasent sur le parking de la patinoire, à 300 mètres de l’établissement. « Les lycéens ont voulu bloquer l’entrée du lycée, situé au fond d’une impasse, mais ils ont vite fait demi-tour, car les policiers, qui étaient en planque tout autour, les attendaient, détaille un résident. Comme la veille, ils ont ensuite voulu les attirer vers le Val-Fourré, sauf que les forces de l’ordre étaient réparties des deux côtés de la rue. Du coup, ils se sont tous fait coincer derrière la Maison des associations-Agora, située en face du lycée Saint-Exupéry, là où les vidéos ont été tournées. »

Dans la soirée, ces images ont suscité nombre de réactions indignées. « Glaçant, inadmissible. Cela n’est pas la République. La jeunesse française humiliée. Mais que cherche le pouvoir sinon la colère en retour ? », s’est interrogé le leader de Génération.s et ancien candidat socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon, sur Twitter. « Intolérable », a commenté l’ancienne ministre et directrice générale d’Oxfam France Cécile Duflot ; « images inacceptables », a appuyé Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris. Le député La France insoumise de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel a dénoncé une « violence inacceptable et humiliante ». « Les images sont choquantes », a réagi sur Franceinfo Laurent Saint-Martin, vice-président La République en marche de la commission des finances de l’Assemblée nationale. « On peut être indigné quand on [les] voit. »

Interpellation de dizaines de lycéens à proximité du lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie (Yvelines), le 6 décembre.

« Je ne connais pas d’autres méthodes »

Interrogée vendredi sur Franceinfo, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse (Les Républicains), a de son côté défendu les membres des forces de l’ordre : « L’obsession des policiers, c’est de ne pas blesser un lycéen », a-t-elle déclaré, fustigeant la « complaisance d’un certain nombre de responsables politiques avec tous ceux qui aujourd’hui utilisent la violence ».

« Comment 70 policiers maintiennent-ils au calme 150 jeunes ? Il leur fallait bien trouver des moyens pour les faire tenir tranquilles. Je ne connais pas d’autres méthodes », répond Thierry Laurent. « Nous avons demandé aux policiers d’intervenir avec calme face à ce mélange de violences lycéennes et de violences urbaines, explique le préfet Brot. Et nous avons décidé avec le procureur de la République qu’il fallait faire des interpellations. »

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Bilan de la journée : 190 gardés à vue dans tout le département des Yvelines, dont 153 à Mantes-la-Jolie. Mais tous n’y résident pas. Certains habiteraient aux Mureaux, à Bonnières-sur-Seine ou encore à Freneuse. Le plus jeune a 12 ans ; le plus âgé, 20 ans. « Il y aurait pas mal de nos élèves parmi les interpellés ainsi que des élèves des lycées Rostand et Condorcet [à Limay] », rapporte un enseignant du lycée Saint-Exupéry, présent depuis plusieurs jours avant 8 heures aux abords de l’établissement pour « calmer le jeu » et se « rendre disponible pour parler avec les élèves ». « On a vécu, jeudi, une situation aussi compliquée qu’inédite, ajoute-t-il. Comme il n’y avait pratiquement pas d’élèves – l’établissement leur conseille depuis plusieurs jours de rester chez eux –, nous étions réunis entre collègues pour une assemblée générale en salle des profs avant d’être confinés. »

La plupart des 79 jeunes qui ont été relâchés sont des mineurs de moins de 16 ans. « Et, pour la plupart, il n’y avait rien d’autre à leur reprocher que la participation à un attroupement armé », précise le procureur de la République de Versailles. Cent dix gardes à vue ont été prolongées et dix-sept jeunes devaient être déférés vendredi matin, parmi lesquels seize mineurs, principalement pour des faits de violences (jets de pierres sur des policiers, incendie de voitures…) et des actes de rébellion et d’outrage. Pour les autres, les enquêtes sont toujours en cours. « Certains avaient des bouteilles d’essence, précise le procureur Lesclous. Les images de ces arrestations collectives peuvent frapper, c’est certain, et il est vrai que, de mémoire, on n’a jamais vu ça dans les Yvelines, mais, face aux violences de ces derniers jours, il fallait opter pour une solution de maintien de l’ordre. »

Interpellations à Mantes-la-Jolie : le Défenseur des droits ouvre une enquête

Le Défenseur des droits a annoncé vendredi 7 décembre ouvrir une enquête au lendemain de l’interpellation controversée de 151 jeunes près d’un lycée de Mantes-la-Jolie (Yvelines).

Cette enquête portera « sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées des interpellations de lycéens à Mantes-la-Jolie », a précisé l’autorité indépendante, qui rappelle être chargée de « veiller au respect de la déontologie » des forces de l’ordre et de défendre « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

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