Lorsque Thomas Malthus publie en 1798, à Londres, son Essai sur le principe de population en tant qu’il influe sur le progrès futur de la société avec des remarques sur les théories de M. Godwin, de M. Condorcet et d’autres auteurs, il a à peine plus de 20 ans. Imitant les philosophes du XVIIIe siècle que son père admire, le jeune homme ouvre son essai par deux « postulats » : « Premièrement, la nourriture est nécessaire à l’existence de l’homme. Deuxièmement, la passion réciproque entre les sexes est une nécessité et demeurera à peu près ce qu’elle est à présent. »
Thomas Malthus, qui étudie la relation entre la croissance de la production agricole et celle de la population, affirme que si l’humanité avait de la « nourriture à profusion et de la place en abondance », elle remplirait « des millions de mondes en quelques milliers d’années ». La finitude de la nature et la sagesse des hommes imposent cependant des freins à cette croissance démographique : un frein « destructif » – s’ils deviennent trop nombreux, les hommes se condamnent à mourir ou à vivre dans la misère – et un frein « préventif » – les plus éclairés pratiquent l’abstinence, ne faisant d’enfants que s’ils peuvent les nourrir.
Les sombres prophéties de Malthus ont été démenties : la croissance et le développement des XIXe et XXe siècles ont montré que la fécondité et la productivité agricole n’étaient pas des données immuables et constantes. Ses mises en garde ont cependant longtemps hanté les débats sur la démographie et la croissance. « Son pessimisme quant à la capacité des hommes à produire des ressources alimentaires à un rythme égal à celui auquel ils se reproduisaient a été largement partagé au cours des deux derniers siècles », écrit Timothy Brook, historien de la Chine à l’université de la Colombie-Britannique (Vancouver), dans La Vie des idées.
Une forme de pessimisme
Les analyses de cet économiste, qui était aussi un pasteur de l’Eglise anglicane britannique, ont donné naissance à un courant, le malthusianisme, qui prône un strict contrôle des naissances. Cette politique peut se faire de manière démocratique, par la diffusion de la contraception ou de l’avortement, mais aussi de manière autoritaire : la législation de la Bavière interdisait ainsi, au XIXe siècle, le mariage à ceux qui ne disposaient pas d’une fortune minimale, et la Chine a imposé, en 1972, un âge minimum au mariage avant de mettre en place la politique de l’enfant unique.
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