Résonance. Les nationalistes corses ont remporté une large victoire aux élections territoriales de décembre 2017, suscitant l’enthousiasme des uns, l’inquiétude des autres. Doit-on craindre de nouveaux débats sans fin sur l’existence d’un « peuple corse » ou redouter le spectre des années de violence, symbolisées par l’assassinat du préfet Erignac, dont on a célébré cette semaine le vingtième anniversaire ?
Pourtant, c’est un passé plus ancien qu’invoque continûment Jean-Guy Talamoni, le président de l’Assemblée. Il y a deux ans, il inaugurait son premier mandat en prêtant serment sur un livre publié en 1758, Justification de la révolution de Corse, de Don Gregorio Salvini. Cette année, il a choisi la Constitution de 1755.
Ces hommages aux révolutions corses du XVIIIe siècle sont, sur l’île, des références obligées qui font immanquablement vibrer la fibre patriotique. A l’inverse, ils ne suscitent sur le continent qu’une indifférence polie et vaguement étonnée, proportionnelle à notre ignorance. Que savons-nous de la Constitution corse de 1755 ?
On se souvient en général que la Corse fut cédée par Gênes à la France lors du traité de Versailles de 1768, un an avant la naissance d’un certain Napoléon Bonaparte. Mais on oublie que le rattachement au royaume passe par une campagne militaire difficile et que la résistance farouche des Corses suscita l’admiration étonnée de l’Europe éclairée.
Les insulaires n’en étaient pas à leur coup d’essai. Depuis 1729, ils avaient lutté avec succès contre les Génois et leurs alliés français. En 1755, ils avaient acquis un véritable contrôle de l’île, à l’exception des villes littorales, élu Pascal Paoli comme général de la nation et adopté cette fameuse Constitution. Pendant presque quinze ans, une république autonome s’organisa, se dotant de nombreux éléments de souveraineté et même d’une université.
La nation comme projet
Cette république corse tenant tête aux puissances européennes fascina les contemporains et fut commentée dans toutes les gazettes, rappelle Antoine Franzini dans Un siècle de révolutions corses (Vendémiaire, 2017). Les philosophes aussi se passionnaient. Jean-Jacques Rousseau écrivit dans le Contrat social, en 1762 : « Il est encore en Europe un peuple capable de législation, c’est l’île de Corse. La valeur et la constance avec lesquelles ce brave peuple a su recouvrer et défendre sa liberté mériteraient bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J’ai le pressentiment qu’un jour cette petite île étonnera l’Europe. »
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