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L’Ethiopie mise sur la formation d’une main-d’œuvre qualifiée pour s’industrialiser

La classe africaine (2). Le pays, dont l’économie est encore très tournée vers l’agriculture, développe des centres de professionnalisation pour les jeunes afin d’attirer les investisseurs étrangers.

Par  (Addis-Abeba, correspondance)

Publié le 21 janvier 2018 à 18h30, modifié le 07 février 2018 à 14h27

Temps de Lecture 3 min.

Dans une usine du fabricant britannique de gants Pittards, à Addis-Abeba, en Ethiopie, en mars 2016.

Les chaussures n’ont plus aucun secret pour Nathnaël*. Mocassins, richelieus, baskets… Il peut tout fabriquer à la main. L’air concentré, l’étudiant éthiopien explique les étapes, dessins à l’appui, puis empoigne une peau. « Le problème, c’est que la peau est coupée grossièrement au couteau, dit-il en montrant des déchirures. La qualité du cuir dépend aussi de l’âge de la vache : la peau sera moins flexible si la bête est plus âgée. »

Nathnaël a tout appris à l’Institut de développement de l’industrie du cuir, qui accueille près de 450 élèves à Addis-Abeba. Il y a vingt ans, les autorités ont créé ce centre de formation pour développer la main-d’œuvre et encourager la recherche et développement dans le secteur. L’objectif du gouvernement est de devenir un acteur majeur sur ce marché.

Auparavant, le pays, qui possède le plus grand cheptel d’Afrique avec environ 72 millions de têtes de bétail, exportait des peaux brutes. Il s’est lancé dans la fabrication de produits semi-transformés et finis. « il y a 34 tanneries, 24 usines de chaussures et beaucoup de petites et moyennes unités de production, énumère Berhanu Serjabo, directeur de la communication de l’Institut. Nous devons être compétitifs à l’international. » Le secteur a besoin d’une main-d’œuvre formée : « Nous avons encore beaucoup de progrès à faire. »

Devenir l’atelier de la Chine

La formation professionnelle reste l’une des priorités du deuxième Plan de croissance et de transformation (2015-2020) du gouvernement. Le ministère de l’éducation n’a qu’un acronyme à la bouche : TVET, pour Technical Vocational Education and Training (centre de formation technique et professionnelle).

L’Ethiopie compte 1 348 TVET s’inspirant du modèle allemand, dont 39 spécialisés dans le cuir. L’objectif du gouvernement avec cette stratégie lancée en 2008 est de « répondre aux besoins du marché du travail et de créer une main-d’œuvre compétente, motivée et adaptable, capable de stimuler la croissance économique et le développement », selon les termes du document de référence.

Car l’Ethiopie a une ambition industrielle : devenir l’atelier de la Chine. Pour cela, elle doit transformer son économie encore majoritairement tournée vers l’agriculture. L’environnement est favorable aux investisseurs étrangers qui bénéficient de prix cassés pour louer des terrains, à des exemptions de taxes sur le matériel importé et à des salaires très bas, jusqu’à dix fois moins élevés que dans l’Empire du milieu.

Le fléau du chômage

Reste que la main-d’œuvre locale n’est pas réputée pour sa productivité. Des investisseurs critiquent le manque de motivation et le niveau médiocre de qualifications qui ne correspondrait pas aux normes internationales. Chez Huajian, l’un des plus importants fabricants chinois de chaussures implanté en Ethiopie depuis 2012, on préfère la formation maison. Idem chez Pittards, fabricant britannique de gants en cuir, qui emploie plus de 700 personnes à Addis-Abeba.

L’Ethiopienne Beza Adugna, créatrice de la marque de maroquinerie Ruby Leather, admet qu’il faut « toujours être derrière les ouvriers », mais elle refuse de dire que la main-d’œuvre locale n’est pas qualifiée. « Certains étrangers manquent de compréhension de notre culture », abonde M. Berhanu de l’Institut de développement de l’industrie du cuir. Il est fier de dire que son centre forme des étudiants soudanais, ougandais et tanzaniens.

De leur côté, les étudiants aimeraient aussi que le gouvernement fasse davantage. « Il n’y a qu’un seul institut du cuir dans tout le pays », déplore l’étudiant Nathnaël. Ses copains et lui ont décidé de suivre une formation dans ce secteur, porteur pour l’emploi, par pragmatisme. « Pour survivre, précise-t-il. Un ami ingénieur a dû devenir chauffeur de tuk-tuk [triporteur motorisé servant de taxi] parce qu’il ne trouvait pas de boulot. » Nathnaël souhaiterait que les centres de formation professionnelle se multiplient, pour réduire le fossé entre la théorie et la pratique. Et pour répondre au chômage des jeunes, un véritable fléau en Ethiopie.

* Le prénom a été changé.

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