A Kigali, Cyril (le prénom a été modifié à sa demande) n’est pour l’instant que de passage. Le jeune homme, informaticien, la trentaine, est un habitué de la capitale. « Mon père est burundais, débute-t-il. Et ma mère rwandaise. Mais ça, à Bujumbura, je ne peux plus le dire à personne… » Jusqu’à récemment, sa carte d’identité rwandaise était une fierté. « Je l’avais toujours avec moi et la montrais partout. » Elle est aujourd’hui cachée au fond d’une valise, enfouie, enroulée dans des vêtements. La crise politique au Burundi a mis à mal les relations avec son voisin du Nord.
Les deux pays, de taille comparable, partagent une histoire commune, des langues très proches et vivent chacun dans le traumatisme des massacres entre Hutu et Tutsi. De 2005, date de la fin de la guerre civile au Burundi, à 2012, les rapports entre le président (hutu) burundais, Pierre Nkurunziza, et son homologue (tutsi) rwandais, Paul Kagamé, semblent au beau fixe. Le Rwanda investit au Burundi, participe au financement du CNDD-FDD (parti au pouvoir au Burundi). « Les riches Burundais faisaient la fête à Kigali, et les riches Rwandais à Bujumbura », rappelle un habitué.
Mais, à partir de 2012, Kigali accuse son voisin d’héberger d’anciens génocidaires et soldats rwandais des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), opposés au régime de M. Kagamé. Les Burundais, de leur côté, ne supportent plus l’« arrogance » du Rwanda et jalousent sa croissance économique. Dès lors, tout opposant au régime burundais est perçu par le pouvoir de Bujumbura comme un cheval de Troie de Kigali. « Le gouvernement a peur de nous. On est vus comme des agents de Kagamé », analyse Cyril.
« Risques sécuritaires réels »
Dès le début de la crise politique au Burundi, ouverte par la volonté de Pierre Nkurunziza de se présenter à un troisième mandat malgré la Constitution, les réfugiés fuient par milliers vers le Rwanda. « Les Tutsi voient Kagamé comme un protecteur », insiste Cyril. Le président rwandais multiplie les propos incendiaires, fustigeant des dirigeants burundais qui « massacrent leur population du matin au soir » et qualifie dans une série de Tweet la politique de M. Nkurunziza de « sorte de solution finale ». Le feu couvait depuis longtemps. « Nkurunziza et Kagamé se haïssent terriblement. Le premier n’a jamais supporté la supériorité affichée par le second, malgré une entente de façade », rappelle un observateur.
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