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Le bachelor, concurrent de la licence

Le bachelor est-il en passe de détrôner la licence universitaire, comme le master le fit en son temps avec la maîtrise et le DEA-DESS ? Son essor rapide contrarie les universités. Mais certaines jouent la carte de la complémentarité.

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Publié le 19 février 2018 à 08h00, modifié le 19 février 2018 à 09h43

Temps de Lecture 5 min.

Bibliothèque de la Sorbonne, salle Saint-Jacques.

Jusqu’où ira le bachelor ? Ce diplôme inspiré du modèle anglo-saxon ne cesse de gagner du terrain. Apparu il y a une quinzaine d’années dans les écoles de commerce françaises, il n’a cessé, depuis, de s’y renforcer. Il est aussi présent dans une multitude d’écoles privées – de communication, du numérique, de sport, d’architecture, d’hôtellerie-restauration… Et il se répand désormais dans les écoles d’ingénieurs. Bref, le bachelor devient omniprésent.

Est-il en passe de détrôner la licence universitaire ? Pour certains observateurs, le ­parallèle s’impose avec le précédent du master, instauré en 1998 sous l’égide de Claude ­Allègre, alors ministre de l’éducation nationale.

A l’époque, le paysage est morcelé entre la maîtrise, le DESS ­(diplôme d’études supérieures spécialisées), à vocation professionnelle et le DEA (diplôme d’études approfondies), davantage orienté vers la recherche… Sans oublier les diplômes des grandes écoles. Et le clivage entre ces dernières et les universités.

Pour clarifier cette offre, Claude Allègre décide, avec ses homo­logues allemand, britannique et italien, d’adopter un dispositif en vigueur dans les pays anglo-saxons, le triptyque licence-master-doctorat (LMD), également appelé « 3-5-8 ». Une ­façon de sortir des querelles nationales pour se placer dans une logique européenne. La déclaration de Bologne (1999) consacre cette stratégie : une trentaine de pays optent pour la nouvelle architecture, qui a le mérite d’offrir des repères intelligibles par tous. C’est ce dispositif qui a été adopté par les universités, sur la période 1998-2008. Quant aux grandes écoles, leur cursus en trois ans, précédé de deux années de classes préparatoires, les place plutôt en porte-à-faux.

La même histoire se reproduirait-elle avec le bachelor ? Le ­nouveau venu va-t-il supplanter la ­licence, le diplôme clairement identifié à bac + 3 pour les universités ?

C’est aller un peu vite en ­besogne. Le bachelor n’est pour l’instant pas reconnu par l’Etat comme un « grade licence ». Les écoles de commerce souhaiteraient obtenir ce grade afin ­d’asseoir la crédibilité de leurs cursus auprès des familles. La Commission d’évaluation des ­formations et diplômes de gestion planche sur le sujet.

Le bachelor à la française

Des observateurs s’inquiètent de la montée en puissance du modèle anglo-saxon dans l’Hexagone, au détriment de « notre » ­licence. Là encore, il faut y ­regarder à deux fois. Entre les deux diplômes, la différence porte, au départ, sur l’organisation des parcours d’études : le ­bachelor anglo-saxon (« BA ») ­débouche, en principe, sur une entrée dans la vie active – quitte, pour les diplômés, à revenir s’inscrire, quelques années après, en MBA (master of business administration) ou en MSc (master of science). A l’inverse, la licence française générale – c’est moins vrai pour les licences pro – est le plus souvent perçue comme une simple étape sur la voie du master, le diplôme phare du supérieur. « Obtenir un diplôme initial du niveau le plus élevé possible, cela fait partie de la culture française », note ainsi Felix Papier, ­directeur général adjoint à l’Essec.

Or, le bachelor a changé lorsqu’il a intégré le système français : la majorité des diplômés optent pour une poursuite d’études comme après la licence. C’est ­notamment le cas dans lesbusiness schools, où ils sont environ 70 % à enchaîner sur un cursus grande école, un mastère spécialisé, un MSc à l’étranger… « Certains diplômés du bachelor n’hésitent pas à repasser le concours d’entrée pour rejoindre la grande école, observe même Carine Guibbani, directrice du développement commercial à EM Normandie. Et ce, alors que les entreprises locales ont besoin de manageurs opérationnels de profil bac + 3. »

« Le bachelor réunit tous les ingrédients de la grande école, mais dans un programme post-bac. »

Pourquoi cet engouement pour le bachelor ? En premier lieu, son ouverture internationale séduit des jeunes tout juste sortis du ­lycée. « Les élèves de notre “global BBA” [bachelor of business administration, en quatre ans] passent au moins un an à l’étranger (six mois de stage et six mois dans un établissement partenaire), indique Felix Papier. Et ils peuvent aller ­jusqu’à trois ans et demi hors de France, en profitant de nos campus à ­Singapour ou au Maroc. » Pour Delphine Manceau, directrice ­générale de Neoma Business School, « le bachelor réunit tous les ingrédients de la grande école, mais dans un programme post-bac : l’international, un accompagnement individualisé, l’ouverture sur l’entreprise, la préparation à l’emploi, un réseau d’anciens (…) Pour des bacheliers et leurs ­familles, ajoute-­t-elle, c’est rassurant, en cette ­période d’incertitude par rapport à l’emploi. »

Même constat pour Stéphan Bourcieu, directeur de Burgundy School of Business : « Le bachelor repose sur un mode de fonctionnement très différent de celui des universités. Mais il s’inscrit parfaitement dans le cursus LMD, même si nous ne sommes pas autorisés à l’appeler licence. Et il s’agit bien du modèle européen, plus que du ­bachelor anglo-saxon. » Rien d’étonnant, donc, si l’offre ne cesse de s’étoffer. Dans les écoles notamment, où les effectifs grimpent. Toulouse Business School compte 1 660 inscrits dans son bachelor ; Skema, autour de 1 500 ; Kedge, environ 1 700. Le BBA de l’Essec accueille près de 2 000 élèves et l’ESCP Europe vient de ­lancer le sien.

Des collaboration possibles

Cet essor rapide du bachelor contrarie les responsables universitaires, qui tiennent à conserver leur mainmise sur la licence, diplôme reconnu par l’Etat, comme sur le diplôme national de master. « Derrière le côté tendance du terme bachelor, il n’y a parfois pas grand-chose de solide », lâche François Germinet, président de la commission formation/insertion professionnelle à la Conférence des présidents d’université (CPU) et président de l’université de Cergy-Pontoise.

« Nous ne refusons pas que des bachelors puissent accéder au grade de ­licence, dans le cadre des politiques de site, avec les universités. »

Pour autant, la CPU ne ferme pas la porte à des collaborations avec les écoles sur ces programmes. L’ESC Troyes et l’université de Reims-Champagne-Ardenne ont ainsi créé un double diplôme DU et bachelor en œnotourisme, ­entièrement en anglais. « Nous ne refusons pas que des bachelors puissent accéder au grade de ­licence, dans le cadre des politiques de site, avec les universités, assure François Germinet. Ce ­cursus peut être un complément intelligent à l’offre de licence, par exemple pour des publics spéci­fiques comme les bacs pro. »

La licence doit devenir plus attractive

Mais, pour la CPU, la licence doit devenir plus attractive. La ­réforme de l’accès à l’université, qui a été votée en première lecture au ­Parlement, doit être suivie d’un arrêté licence, qui permettra notamment aux étudiants d’opter pour des cursus « modulaires ». « Nous travaillons aussi sur des parcours plus spécialisés, voire professionnalisants, qui pourront être suivis juste après le bac ou un peu plus tard », précise François Germinet. Reste une certitude : entre bachelor et licence, il est urgent de clarifier l’offre de programmes et de mieux expliquer les parcours. Sur ce point, universités et grandes écoles s’accordent.

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