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Facebook cherche encore la bonne formule dans sa chasse aux fausses informations

L’entreprise a annoncé le 20 décembre faire évoluer son dispositif de lutte contre la désinformation. Suite de notre enquête sur le réseau social.

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Publié le 21 décembre 2017 à 17h40, modifié le 21 décembre 2017 à 19h43

Temps de Lecture 5 min.

Dernièrement, les annonces se suivent et se ressemblent du côté de Facebook. La plate-forme a fait savoir mercredi 20 décembre qu’elle allait faire évoluer son arsenal de lutte contre les fausses informations. Lundi, déjà, elle dévoilait des mesures contre les « pièges à engagement », des publications sensationnalistes qui vous disent : « Taguez un ami qui… ». Auparavant, le 17 août, elle vantait un plan destiné à lutter contre les vidéos « pièges à clics ». Le 18 juin, encore, elle promettait « plus de liens informatifs » dans le fil d’actualité, et moins de « pièges à clics, de sensationnalisme et de désinformation ». Et ainsi de suite.

Effets de manche ou véritables avancées ? Difficile de jauger dans leur ensemble les efforts de Facebook en matière de lutte contre la désinformation. L’entreprise communique en effet très peu d’éléments sur les résultats de ses initiatives, se contentant d’en décliner les grands principes : frapper les réseaux de désinformation au portefeuille, réduire la visibilité des contenus de mauvaise qualité et utiliser l’intelligence artificielle pour diminuer la présence de spams.

Les données recueillies par Le Monde au cours de l’année 2017 sur la circulation d’informations mensongères sur Facebook confirment néanmoins que, pour l’heure, toutes ces actions sont loin d’avoir enrayé le phénomène. Diffuser des informations fausses ou trompeuses sur le réseau social est toujours un jeu d’enfant pour qui maîtrise les codes de la plate-forme. Plus qu’un problème de stratégie, notre enquête met en évidence le caractère trop restreint des mesures mises en place.

Nouvelle version de l’outil contre les fausses informations

Facebook a commencé à déployer en 2017, dans plusieurs pays, un dispositif spécialement conçu pour la lutte contre les fausses informations. Il permet aux utilisateurs de signaler des contenus douteux, lesquels sont ensuite vérifiés par des médias partenaires de la plate-forme (dont Le Monde fait partie en ce qui concerne la France). Ceux-là peuvent signaler au réseau social les informations mensongères, explications à l’appui.

Au lancement du dispositif, les articles reconnus comme problématiques étaient signalés aux internautes par une mention « contesté par… » et un pictogramme d’alerte rouge. Mais Facebook a annoncé, mercredi 20 décembre, avoir changé de formule. La mention « contesté par… » disparaît, remplacée par un message plus sobre :

Voici le message qui s’affiche désormais lorsqu’un internaute veut partager un article contesté par un média partenaire de Facebook.

Les articles des médias partenaires qui démentent une fausse information seront également mis en avant dans les contenus recommandés visibles en dessous de celle-ci. Par ailleurs, l’entreprise dit empêcher les pages qui publient régulièrement des contenus mensongers d’en faire la promotion avec des publicités sur Facebook. A l’arrivée, la visibilité des articles « démentis » diminuerait de 80 %, affirme la plate-forme.

La manière dont ce dispositif a été pensé permet à Facebook de ne pas endosser le rôle d’arbitre des vérités, en déléguant cette tâche à des médias spécialisés dans la vérification. Il a également le mérite de s’adresser à un problème bien précis : les fausses informations au sens strict – l’expression « fake news » recouvrant aujourd’hui des situations très différentes, ce qui peut poser problème.

Jusqu’ici, cet outil de Facebook n’a ciblé qu’une part très limitée des contenus problématiques. L’écrasante majorité des fausses informations que nous avons pu identifier dans le cadre de notre enquête ne faisait pas l’objet de la mention « contesté » sur Facebook. Les évolutions annoncées le 20 décembre permettront-elles d’éviter cet écueil à l’avenir ?

Les sites de fausses informations dépendent majoritairement des annonceurs

Le deuxième volet de cette lutte contre la désinformation se situe sur le plan économique. Facebook a annoncé en novembre 2016 bloquer les publicités dans des applications ou des sites dont le contenu serait « illégal, trompeur ou mensonger ». Or, la plupart des sources qui diffusent de fausses informations dépendent largement des annonceurs, dans des proportions encore plus fortes que les médias traditionnels, qui disposent de sources de revenus plus diversifiées, telles que les abonnements.

Les données issues de notre enquête le montrent : une grande partie des fausses informations se résume à des articles sensationnalistes, publiés par des sites et des pages Facebook dont les motivations sont essentiellement financières. Assécher les revenus publicitaires de ceux-là leur porterait sans doute un coup fatal.

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Plusieurs problèmes se posent néanmoins à la société sur ce terrain. D’abord, il est délicat de tracer une ligne claire entre la désinformation la plus grossière et, par exemple, la presse tabloïd la moins scrupuleuse. Pour l’heure, les actions connues de la plate-forme se sont concentrées sur des acteurs de seconde zone, et ont épargné des sites beaucoup plus installés, comme le Daily Mail, qui n’est plus considéré comme une source fiable dans la version anglophone de Wikipedia.

Par ailleurs, Facebook bénéficie aussi des revenus publicitaires qui passent par ses circuits, y compris ceux des sites les moins recommandables. Le réseau social n’a donc pas intérêt à avoir la main trop lourde sur les blocages de publicités, sous peine de menacer ses propres revenus. Aux dernières nouvelles, ceux-ci étaient au beau fixe, avec un chiffre d’affaires de 9,3 milliards de dollars au deuxième trimestre 2017 (+ 45 % sur un an).

Pour autant, Mark Zuckerberg assurait récemment dans un long message que l’intégrité de sa plate-forme était une « priorité » supérieure aux profits, annonçant des mesures qui « aur[aie]nt des conséquences sur la rentabilité ». Des intentions louables, qui restent à confirmer dans les faits.

De nombreuses pages supprimées

Malgré les faiblesses des mesures de Facebook à leur encontre, les diffuseurs de fausses informations ne sont pas sortis indemnes de l’année 2017. Notre enquête nous a permis de recenser 147 pages supprimées ou suspendues de la plate-forme à la mi-décembre. Elles représentent environ 12 % des 1 198 pages identifiées au cours de notre enquête pour avoir diffusé au moins une fausse information, soit une sur huit.

Ces pages cumulaient plus de 50 millions de fans sur Facebook avant de disparaître de la plate-forme (54,2 millions pour les 139 sur lesquelles nous avons pu retrouver des données), et 112 d’entre elles diffusaient principalement des contenus sensationnalistes ou « pièges à clics ». A ce chiffre s’ajoute une vingtaine de pages politiques, essentiellement d’extrême droite, comme celles d’Alain Soral et de son site Egalité et Réconciliation.

Contacté, Facebook n’a pas encore donné suite à nos demandes de précisions sur ces fermetures de pages. Néanmoins tout laisse penser qu’elles n’ont pas été fermées pour avoir diffusé de fausses informations, mais parce qu’elles ont dérogé aux conditions d’utilisation de la plate-forme en publiant des contenus haineux ou racistes, ou bien en utilisant des techniques frauduleuses pour augmenter leur nombre d’abonnés.

Cet exemple montre que la diffusion de contenus mensongers n’est pas un phénomène isolé, mais qu’il est bien souvent lié à d’autres mauvaises pratiques. Paradoxalement, jusqu’ici, c’est donc de manière indirecte que Facebook a obtenu le plus de résultats en la matière, comme lorsque la plate-forme avait annoncé au printemps la suppression de 30 000 comptes « non authentiques ».

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