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Equipe de France : la victoire du talent

Rarement en maîtrise lors de la finale contre la Croatie, les Bleus ont fait la différence sur des inspirations individuelles. L’analyse des « Cahiers du football ».

Le Monde

Publié le 16 juillet 2018 à 09h53, modifié le 16 juillet 2018 à 14h36

Temps de Lecture 9 min.

Paul Pogba, le 15 juillet.

Une frappe enroulée de Pogba après des jongles de Griezmann dans la surface. Un missile à rebonds de Mbappé dans la foulée d’une percée d’Hernandez. Et deux coups de pied arrêtés, un coup franc et un penalty obtenu sur corner. Les quatre buts français, mélanges de talent individuel et de savoir-faire sur coups de pied arrêtés, résument bien mieux les forces tricolores que le contenu d’une finale jamais vraiment maîtrisée, loin de la force tranquille dégagée ces dernières semaines.

Ce qui ne change évidemment rien au résultat : un deuxième titre mondial indiscutable, remporté par des Bleus qui sont les premiers à boucler la phase finale sans jouer de prolongation, depuis le Brésil en 2002. Et rend particulière toute froide analyse d’un match qui vaut avant tout pour son aspect historique. Comment s’attarder sur le rapport de force, souvent en faveur de Croates qui ont su maximiser leurs forces, sans émettre des réserves forcément inaudibles après un tel succès ? Et que tirer d’une lecture tactique qui, ce Mondial désormais terminé, ne peut même pas servir à prévoir la réussite future ?

La réponse la plus simple, et qu’on peut d’ailleurs trouver parfaitement rassurante, est que le football appartient aux footballeurs. Que, peu importent les forces et faiblesses d’une stratégie, la qualité finit souvent par l’emporter. Mais aussi que, dans la lignée des trois sacres européens d’affilée du Real Madrid, la Coupe du monde a confirmé une tendance lourde : les compétitions à élimination directe, traditionnellement plus imprévisibles que les championnats, finissent tout de même souvent par sacrer les équipes qui possèdent le meilleur effectif. Ou, plus exactement, celles qui possèdent le plus de talent aux deux extrémités du terrain.

Analyse de Didier Deschamps : « On a des imperfections, aujourd’hui [dimanche] on en a eu aussi, on n’a pas tout bien fait mais on a fait preuve de qualités mentales et psychologiques déterminantes dans cette Coupe du monde où la maîtrise n’a pas suffi. » Qu’il semble loin, ce sacre espagnol de 2010 construit autour d’un milieu qui confisquait le ballon mais avec peu de tranchant à l’approche de la surface…

  • L’arbitre argentin Nestor Pitana, au milieu, et ses assistants, avant le match.

    L’arbitre argentin Nestor Pitana, au milieu, et ses assistants, avant le match. CHRISTOPHE SIMON / AFP

  • L’équipe croate pose avant le début du match.

    L’équipe croate pose avant le début du match. GABRIEL BOUYS / AFP

  • L’équipe française pose avant le début du match.

    L’équipe française pose avant le début du match. MICHAEL DALDER / REUTERS

  • Dans les gradins, les supporteurs acclament leur équipe.

    Dans les gradins, les supporteurs acclament leur équipe. MEHDI FEDOUACH / AFP

  • Pendant la première période, sur le terrain du stade Loujniki, à Moscou.

    Pendant la première période, sur le terrain du stade Loujniki, à Moscou. ALEXANDER NEMENOV / AFP

  • Les Bleus ouvrent le score sur une tête du Croate Mario Mandzukic contre son camp, après un tir de Griezmann sur un coup franc.

    Les Bleus ouvrent le score sur une tête du Croate Mario Mandzukic contre son camp, après un tir de Griezmann sur un coup franc. FRANCOIS-XAVIER MARIT / AFP

  • Emmanuel Macron, de la tribune présidentielle, après un but français.

    Emmanuel Macron, de la tribune présidentielle, après un but français. Alexei Nikolsky / AP

  • Le Français Antoine Griezmann après son premier but, à la 38e minute, la France mène alors 2-1.

    Le Français Antoine Griezmann après son premier but, à la 38e minute, la France mène alors 2-1. Thanassis Stavrakis / AP

  • Le milieu de terrain français Paul Pogba célèbre son but de la 59e minute, qui emmène le score à 3-1 pour la France.

    Le milieu de terrain français Paul Pogba célèbre son but de la 59e minute, qui emmène le score à 3-1 pour la France. ODD ANDERSEN / AFP

  • Le portier français tente de dribbler Mandzukic dans sa surface, mais le Croate récupère le ballon et l’envoie au fond des filets. La France ne mène 4-2 en cette 69e minute.

    Le portier français tente de dribbler Mandzukic dans sa surface, mais le Croate récupère le ballon et l’envoie au fond des filets. La France ne mène 4-2 en cette 69e minute. Thanassis Stavrakis / AP

  • Une femme entrée sur le terrain salue le Français Kylian Mbappé, les Pussy Riot ont revendiqué cette invasion de terrain.

    Une femme entrée sur le terrain salue le Français Kylian Mbappé, les Pussy Riot ont revendiqué cette invasion de terrain. Thanassis Stavrakis / AP

  • Evacuation de la femme ayant envahi le terrain, une « performance » des Pussy Riot.

    Evacuation de la femme ayant envahi le terrain, une « performance » des Pussy Riot. Martin Meissner / AP

  • But de Mbappé à la 65e minute. Les joueurs célèbrent le quatrième but de leur équipe : un tir de trente mètres. En bas à gauche, Subasic ne peut rien, 4-1 pour la France.

    But de Mbappé à la 65e minute. Les joueurs célèbrent le quatrième but de leur équipe : un tir de trente mètres. En bas à gauche, Subasic ne peut rien, 4-1 pour la France. FRANCK FIFE / AFP

  • Mbappé après la victoire de l’équipe de France.

    Mbappé après la victoire de l’équipe de France. Martin Meissner / AP

  • Le joueur croate Domagoj Vida, après la défaite de son équipe. Malgré un magnifique parcours pendant cette Coupe du monde, les Croates perdent en finale.

    Le joueur croate Domagoj Vida, après la défaite de son équipe. Malgré un magnifique parcours pendant cette Coupe du monde, les Croates perdent en finale. Petr David Josek / AP

  • Fin du match, les Bleus célèbrent la victoire.

    Fin du match, les Bleus célèbrent la victoire. ODD ANDERSEN / AFP

  • Après avoir eu besoin de quelques minutes pour réaliser qu’ils étaient victorieux, les joueurs français enlacent les Croates, et portent leur coach Didier Deschamps en triomphe. Il est le troisième footballeur de l’histoire à remporter deux fois le titre mondial, à la fois comme joueur et comme entraîneur.

    Après avoir eu besoin de quelques minutes pour réaliser qu’ils étaient victorieux, les joueurs français enlacent les Croates, et portent leur coach Didier Deschamps en triomphe. Il est le troisième footballeur de l’histoire à remporter deux fois le titre mondial, à la fois comme joueur et comme entraîneur. Thanassis Stavrakis / AP

  • La présidente croate Kolinda Grabar-Kitarovic embrasse l’entraîneur croate Zlatko Dalic, à la fin du match.

    La présidente croate Kolinda Grabar-Kitarovic embrasse l’entraîneur croate Zlatko Dalic, à la fin du match. Petr David Josek / AP

  • Les joueurs français sur la pelouse du stade Loujniki, à la fin du match.

    Les joueurs français sur la pelouse du stade Loujniki, à la fin du match. Frank Augstein / AP

  • Sous une pluie battante, l’équipe française pose avec le trophée. Le gardien de but Hugo Lloris soulève la coupe en l’air après leur victoire 4 à 2 sur la Croatie.

    Sous une pluie battante, l’équipe française pose avec le trophée. Le gardien de but Hugo Lloris soulève la coupe en l’air après leur victoire 4 à 2 sur la Croatie. Martin Meissner / AP

  • Les joueurs français sur la pelouse du stade Loujniki, à la fin du match.

    Les joueurs français sur la pelouse du stade Loujniki, à la fin du match. Petr David Josek / AP

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Fébrilité inhabituelle

On l’a écrit tout au long de ce Mondial, c’est la solidité de la charnière Varane-Umtiti, pourtant pas toujours rassurante lors des matchs de préparation, qui permettait à l’équipe de France de jouer aussi bas pour contre-attaquer, une stratégie que la vitesse de Mbappé rend létale. Encore une fois, et malgré quelques moments de flottement avec le ballon en première période, les défenseurs centraux ont répondu présent, le Madrilène battant même le record historique de dégagements défensifs sur l’ensemble de la compétition (44). Dans l’autre camp, et là aussi la finale n’a fait que confirmer ce qui se passe depuis un mois, la Croatie a failli sur coups de pied arrêtés, elle qui avait déjà encaissé quatre buts sur cette phase avant les deux de dimanche.

Dans cette finale, on a d’abord vu la difficulté de l’équipe de France à gérer un 4-3-3 avec trois milieux techniques, elle qui se retrouve en infériorité numérique dans l’entrejeu si son 4-2-3-1 n’est pas renforcé. Etiré par Modric et Rakitic, qui venaient demander les ballons de manière basse et écartée, le bloc français s’est distendu, la position des stars croates empêchant de poser un calque défensif où le marquage serait naturel. Tantôt libres, tantôt pris par un adversaire sortant de sa position et ouvrant un espace, les dépositaires du jeu croate ont ainsi pu trouver des solutions, à commencer par Perisic, logiquement vainqueur de nombreux duels face à Pavard.

On a aussi vu une fébrilité inhabituelle, probablement liée à l’enjeu, qui relativise les limites du plan de jeu initial. Si la Croatie, très agressive à la perte de balle, a privé les Bleus de temps, il a manqué la maîtrise technique à la relance. Ces fameuses séquences où, en quelques secondes, Pogba et Griezmann réussissent grâce à des redoublements d’une folle précision à se libérer de l’étau pour lancer Mbappé. En difficulté pour récupérer les ballons et incapables de se donner de l’espace quand ils y arrivaient, les hommes de Didier Deschamps ont alors endossé un drôle de costume : celui de l’équipe de contre qui ne peut pas contrer.

Malgré tout, le score était de 2-1 à la pause, et le but encaissé était venu d’une séquence hautement improbable, enchaînement de duels aériens perdus par une équipe habituellement intraitable dans le domaine. Mener sans briller, mais mener quand même. D’où ces mots de Didier Deschamps après la rencontre : « Les équipes avec le plus de possession ont pratiquement toutes été punies par des attaques rapides, parce que c’est le foot. Si vous savez bien défendre, vous êtes sûr que vous aurez deux ou trois occasions à chaque match, en contre ou sur coup de pied arrêté. » La construction par la défense, rationnalisée par une théorie voulant que toute équipe finisse tôt ou tard par se procurer des situations de but. L’histoire a donné raison au coach des Bleus, d’autant que le troisième but a largement rééquilibré le rapport de force, la Croatie accusant le coup physiquement et psychologiquement.

Deschamps, pas idéologue

Pas idéologue, le technicien aura essayé et jamais hésité à rectifier le tir, quitte à en faire un implicite aveu d’échec sur le moment. Du changement de système après un premier match raté à la sortie d’un Kanté redevenu humain en finale, Deschamps aura prouvé sa capacité à lire les situations et à rectifier les problèmes, rappelant au passage que le projet de jeu n’a finalement pas besoin d’être spectaculaire et ancré dans l’ADN d’une sélection pour fonctionner. Ces Français qui alternaient entre contres et attaques placées à l’Euro 2016 sont cette fois allés au bout d’une idée réactive, masquant leur manque de créativité avec le ballon face à une défense regroupée par le fait de le laisser et de jouer en transition. Les 34 % de possession en finale sont d’ailleurs le plus faible chiffre enregistré par une équipe à ce stade depuis 1966 et l’apparition des statistiques.

Alors il faut féliciter Deschamps, évidemment. Et d’autant plus après les critiques, souvent justifiées tant son équipe a parfois déjoué, mais parfois systématiques, comme si bâtir sur la défense (quand c’est bien fait) était un péché. Mais ce titre mondial, au-delà d’être celui de l’entraîneur, est celui d’un modèle de formation. De compétences d’éducateurs un peu partout dans l’Hexagone qui permettent à une équipe de 25 ans de moyenne d’âge d’être championne du monde en débutant sans un ailier de Barcelone et un milieu du Bayern, et sans même emmener en Russie l’attaquant du Real. Et qui, dans les années futures, pourrait être renforcée par Lenglet ou Laporte derrière et Aouar ou Ndombele au milieu, pour ne citer qu’eux.

En faisant sortir des joueurs de leur zone de confort (Pavard latéral, Pogba dans un rôle très discipliné, Griezmann en quasi-numéro 10), le sélectionneur a pris un risque. En acceptant la mission, qui n’était pas forcément de nature à les faire briller individuellement, les joueurs l’ont suivi. Au lieu de se brider, ils ont su se cadrer, séquencer leurs fulgurances. Ils sont désormais champions du monde. Sans rien à prouver mais avec encore tellement à gagner. Joueur, Deschamps avait soulevé le trophée l’année de ses 30 ans. Mbappé ne les aura pas encore pour l’Euro 2028…

Christophe Kuchly, journaliste pour les Cahiers du football

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