Les journalistes de plusieurs pays européens qui en ont décortiqué le fonctionnement l’ont surnommé la « lessiveuse » (« Laundromat ») azerbaïdjanaise. Le système mis en place entre 2012 et 2014 par le régime azerbaïdjanais a permis aux dirigeants de ce pays du Caucase riche en pétrole d’en sortir 2,5 milliards d’euros, utilisés ensuite en Europe à diverses fins.
En partenariat avec dix autres publications européennes, dont l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), le Süddeutsche Zeitung et le Guardian, Le Monde dévoile les dessous de ce montage financier complexe et opaque.
16 000 transactions et 2,5 milliards d’euros disséqués
Cette enquête démontre comment les caciques du régime de Bakou ont financé leur luxueux train de vie ou acheté l’amitié de responsables politiques européens influents. L’un de ces journaux, le danois Berlingske, a eu accès aux relevés de comptes en banque de quatre sociétés domiciliées au Royaume-Uni (plus de 16 000 transactions pour un montant de 2,5 milliards d’euros), sociétés qui étaient alimentées par de l’argent en partie sorti du budget de l’Etat azerbaïdjanais.
Trois personnalités européennes apparaissent parmi les bénéficiaires régulières de transferts de fonds. Deux d’entre elles, l’Allemand Eduard Lintner et l’Italien Luca Volontè, ont longtemps été des figures de premier plan de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Cette institution, dont l’objet est la défense des droits de l’homme sur le continent, est accusée d’être perméable au travail d’influence mené par Bakou. Kalin Mitrev, mari de la directrice de l’Unesco, Irina Bokova, a lui aussi reçu des virements de la « lessiveuse ».
La « diplomatie du caviar » s’exerce aussi en France
Le Monde raconte également comment Bakou se cherche des amis en France, à grand renfort de cadeaux et d’investissements dans des circonscriptions françaises amies.
Si aucun élu français n’apparaît dans les relevés de transactions de sociétés secrètement liées au régime azerbaïdjanais, l’argent de l’Azerbaïdjan sert une stratégie très locale, qui passe aussi bien par le financement de rénovations d’églises dans l’Orne que par des invitations au Grand Prix de Formule 1 de Bakou. Elle se veut un contrepoids à l’action de responsables politiques issus de circonscriptions où la diaspora arménienne est importante. Il cherche ainsi des soutiens dans le conflit territorial qui l’oppose à son voisin arménien au sujet de la région du Haut-Karabakh.
Droits de l’homme, conflit avec l’Arménie : les buts ultimes de l’influence azerbaïdjanaise
L’Azerbaïdjan, pays où toute opposition est muselée et où la liberté de la presse est inexistante, a ainsi érigé en priorité de sa diplomatie la lutte pied à pied contre les critiques sur sa politique en matière de droits de l’homme.
La journaliste d’investigation Khadija Ismailova, qui a subi chantages et peines de prison, a raconté à l’OCCRP les conditions difficiles de l’exercice du métier de journaliste en Azerbaïdjan.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu