Journaliste à la curiosité toujours en éveil et homme de télévision passionné, André Campana, né le 15 mars 1940 au Mans, a été un grand passeur de paroles, que ce soit sur le papier ou sur les plateaux. Créateur de concepts audiovisuels dans l’esprit des pionniers (Pierre Desgraupes, Dumayet, Tchernia…), il est mort, à Paris, le samedi 30 septembre, à l’âge de 77 ans.
C’est à 22 ans qu’André Campana a commencé sa carrière professionnelle dans la presse écrite où, après une licence de lettres classiques, il est embauché au Figaro en 1962 pour y suivre les dossiers sur l’aménagement du territoire. Il connaît bien le journal, où son père fut journaliste parlementaire pendant trente-cinq ans.
C’est la grande époque du gaullisme et André Campana, qui ne cache pas une éducation catholique très à droite, s’y trouve plutôt à l’aise. Mais il n’est pas insensible au mouvement et aux idées de Mai 68 qu’il couvre en tant que journaliste. Il y découvre l’art du débat et de la joute oratoire des grandes assemblées générales, qu’il adaptera ensuite à la télévision dès 1970.
« Un chabaniste adepte de Raymond Aron »
« C’était un chabaniste adepte de Raymond Aron, un déçu de la droite qu’il voulait faire bouger », dit son ami et complice Jean-Charles Eleb, ancien secrétaire général de l’Union des étudiants communistes (UEC), avec qui il a travaillé plus de trente-cinq ans. Tout en continuant à collaborer au Figaro, André Campana fait ses premiers pas à la télévision en créant avec Pierre Desgraupes et les journalistes Michel Bassi, Alain Duhamel, Jean-Pierre Alessandri, « A armes égales », la première émission de débats politiques diffusée à 21 heures sur la première chaîne de l’ORTF.
Alors que la télévision est la chasse gardée du pouvoir gaulliste et reste sous sa haute surveillance, les téléspectateurs peuvent y voir des débats sur les grands thèmes de société entre des personnalités de droite et de gauche. Il y eut en tout trente-trois débats jusqu’au 28 mars 1973. Le plus fameux – qui reste un des grands moments de la télévision française – fut celui qui opposa, le 13 décembre 1971, l’écrivain Maurice Clavel à Jean Royer, le très conservateur maire de Tours, consacré aux « mœurs de la société française ». Accusant la production d’avoir coupé quelques images dans son reportage de présentation, Maurice Clavel quitta théâtralement le plateau en saluant les présentateurs (dont André Campana qui n’avait pas été prévenu des coupes) d’un « Messieurs les censeurs, bonsoir ! » resté célèbre. Une sortie – on l’apprendra bien des années plus tard – qui avait été soigneusement préparée avec la direction de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur.
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