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Quand les menstruations ne sont plus la règle

Face à des cycles inconfortables ou douloureux, certaines femmes cherchent à se libérer de cette contrainte. Un choix encore rare.

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Publié le 16 octobre 2015 à 16h52, modifié le 09 juin 2017 à 15h29

Temps de Lecture 5 min.

C’est un truc qui arrive parfois aux filles/Elles veulent pas en parler/Elles ont peut-être un peu honte/Mais c’est super-normal/Il suffit d’être un peu plus sympa avec elles/Avoir de la patience/Ce n’est qu’un peu de sang. » Dans ce court-métrage pédagogique, diffusé vendredi 16 octobre sur la chaîne pour enfants de la télévision publique suédoise SVT, des tampons hygiéniques grimés sont mis à contribution pour expliquer ce « phénomène » aux plus petits. « Les règles, les règles, vive les règles, le corps fonctionne comme il faut, c’est super », dit le refrain, à renfort de gouttelettes de sang. « On est obligé d’avoir ces trucs ? », demande Léa, 8 ans, après avoir visionné ce clip. Pas si sûr.

Les règles tombent souvent comme un cheveu sur la soupe. Elles s’invitent et interfèrent dans le passage d’un examen, dans une escapade en bord de mer, une épreuve sportive ou encore une soirée qui promettait d’être sexuellement animée. « Ah mince, pas de chance, mes règles seront de la partie ! », lâchent à regret des millions de femmes soumises à ce sempiternel cycle menstruel. Si les unes s’en amusent – « une partie de moi se réjouit d’avoir ses règles. C’est une excuse magnifique pour manger ce que je veux et pleurer à tout va », confie sur Twitter cette future enseignante américaine –, d’autres redoutent les douleurs prémenstruelles et menstruelles, et une humeur en dents de scie.

Un passage à l’acte difficile

Certaines ont pris le parti de ne plus « souffrir » la règle qui veut de les avoir. Episodiquement, en enchaînant deux plaquettes de pilules, pour évincer un cycle indésirable. Mais d’autres ont choisi de s’en défaire systématiquement. En 2011, 70 % des femmes confiaient vouloir ne plus avoir leurs règles et 17 % étaient prêtes à s’en donner les moyens (TNS Healthcare, 2011). Si les intentions s’expriment dans les sondages, le passage à l’acte reste timide. « Les demandes spontanées sont rares », relève Philippe Vignal, gynécologue et auteur de L’Enfer au féminin (La Martinière, 2012). « Les cycles menstruels en dehors d’un projet d’enfant sont non seulement inutiles mais dangereux », considère ce défenseur de la thèse selon laquelle mettre son cycle menstruel au repos permettrait de diminuer les risques de cancer du sein (Etude E3N, janvier 2002).

Près de 90 % des contraceptifs oraux provoquent des règles. Seules les pilules microprogestatives bloquent l’activité ovarienne, faisant table rase des menstruations. Certains dispositifs intra-utérins ou implants hormonaux contribuent à diminuer sensiblement le volume des règles. Voire à les faire presque disparaître pour certaines femmes. A nuancer toutefois. « D’une femme à l’autre, les réactions diffèrent, l’absence ou non de règles aussi », reconnaît Elisabeth Brola, gynécologue au centre hospitalier intercommunal de Créteil. Quant à l’injection de progestatifs tous les trois mois ? « C’est la contraception du tiers-monde, une dose de cheval pour bloquer les règles, autant l’oublier ! », estime M. Vignal, comme le docteur Brola, qui déconseille tout autant la pilule prise en continu, « à trop forte imprégnation hormonale ».

« Le moment des règles est un moment de fragilité pour la femme, tant d’un point de vue physique que psychologique », convient Philippe Vignal. Les femmes confient parfois vouloir contrer ce « moment de faiblesse » et se libérer de cette astreinte douloureuse qui implique, pour certaines, d’être dans l’incapacité de se rendre au travail ou encore de freiner leurs performances professionnelles. « Il y a des jours où je suis sous la couette, assaillie de crampes avec ma bouillotte sur le bide et mon poids en Prontalgine [un antalgique] dans le sang », confie Jack Parker, auteure au pseudo masculin du blog Passion Menstrues. « J’entends davantage des arguments d’ordre pratique que de revendications politiques, féministes ou religieuses », observe Elisabeth Brola.

Une « suppression » synonyme d’économie

L’argument financier n’est pas écarté. Sur Twitter, la jeune Lia fait de fins calculs, quelques heures après la décision de l’Assemblée nationale, jeudi 15 octobre, de rejeter la « taxe tampon », projet porté par le collectif Georgette Sand et Catherine Coutelle, la présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée. « Je suis réglée depuis mes 11 ans, explique la jeune femme. J’en suis donc à 1 456 jours de règles. 48 mois et demi… Quatre ans. », soit un coût qu’elle évalue à 910 euros en protections. Le collectif Georgette Sand, qui milite pour abaisser le taux de TVA sur les tampons et serviettes, a lui calculé que la dépense représenterait quelque 1 500 euros dans la vie de chaque femme. « Les utilisatrices des méthodes qui suppriment les règles trouvent cela plus confortable, mais aussi… plus économique », confirme sur son blog l’ancien médecin généraliste Martin Winckler.

Le « sans règles » ne fait pourtant pas consensus. Synonyme de purification, de féminité et de fécondité dans les esprits, les menstruations comptent davantage de défenseurs que de détracteurs. « Les femmes cultivent cette part secrète de leur féminité. Et elles y tiennent… », observe Philippe Vignal. « Ce n’est pas comme si je faisais une petite danse tous les mois pour célébrer leur arrivée non plus, mais j’y ai trouvé quelque chose de réconfortant, de puissant, de valorisant même », convient Jack Parker.

Si Martin Winckler considère qu’il appartient aux femmes de choisir ce qu’elles veulent, et de « faire ce choix sans crainte », le docteur Vignal reste intransigeant : « Il faut en finir avec le dogme des règles à tout prix : les règles, ce n’est pas automatique ! »

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