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#BringBackOurInternet ou la révolte des Camerounais privés de réseau

Internet est coupé depuis le 17 janvier dans les régions anglophones, engendrant une paralysie économique. Des hackers ont réagi au blocage.

Par  (contributrice Le Monde Afrique, Yaoundé)

Publié le 27 janvier 2017 à 15h52, modifié le 27 janvier 2017 à 16h39

Temps de Lecture 3 min.

Les abonnés des quatre opérateurs de téléphonie mobile au Cameroun reçoivent sans cesse des menaces du ministère des postes et des télécommunications. C’est pour lutter contre les « fausses nouvelles » que l’internet aurait été coupé dans les parties anglophones du pays.

Sur les réseaux, la colère gronde. A coups de tweets rageurs, les internautes camerounais, rejoints par ceux de la diaspora, dénoncent la coupure d’Internet en vigueur depuis le 17 janvier 2017 dans les deux régions anglophones Sud-Ouest et Nord-Ouest, en crise depuis novembre 2016.

La minorité anglophone du Cameroun, qui représente 20 % des 22 millions de Camerounais, s’estimant marginalisée, manifeste contre le pouvoir central à coups de grèves et d’opérations « villes mortes ». Les anglophones modérés exigent le retour au fédéralisme alors que des radicaux prônent la partition du pays. Yaoundé n’est favorable à aucune de ces options. Le gouvernement a réprimé durement les manifestations, mis aux arrêts les leaders de la contestation et coupé sans le dire Internet dans les zones anglophones, privant les militants d’accès aux réseaux sociaux.

« Vous n’avez rien à cacher, vrai ? »

Depuis, le hashtag #BringBackOurInternet (« rendez-nous notre Internet ») inonde les fils d’actualité. « Gouvernement camerounais, arrêtez cet abus et #BringBackourInternet au Nord-Ouest et Sud-Ouest. Vous n’avez rien à cacher pas vrai ? Ne soyez pas effrayé », s’énerve, dans un tweet écrit en anglais, une internaute.

Le mouvement ne concerne pas que de simples anonymes. Des blogueurs, journalistes et « influenceurs » web du Cameroun, anglophones et francophones, ne décolèrent pas. Ils invitent le gouvernement, dont les négociations n’ont pas abouti avec les grévistes, à restaurer Internet dans ces régions, à cause des activités économiques paralysées. « Le gouvernement camerounais a bloqué l’accès à Internet dans toutes les régions anglophones. Rejoignez-nous pour leur dire de #BringBackOur Internet », a lancé Rebecca Enonchong dans un message retweeté plus de 2 000 fois.

« Les jeunes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et les start-up privés d’Internet depuis huit jours comptent ou pas ? #BringBackOurInternet », s’énerve pour sa part le blogueur Florian Ngimbis.

Cette censure du Net n’a pas laissé indifférent Edward Snowden, le célèbre informaticien américain exilé en Russie pour avoir rendu publics des documents de la NSA. Dans un tweet, repris et retweeté 4 500 fois, il affirme qu’« il s’agit de l’avenir de la répression. Si nous ne luttons pas là-bas [au Cameroun], cela va arriver ici ».

Museler une partie du pays

« Cher client, pour des raisons indépendantes de notre volonté, les services Internet ne sont pas disponibles », a indiqué la société Orange Cameroun, l’un des quatre opérateurs de téléphonie mobile dans le pays, dans un SMS envoyé à ses abonnés des deux régions anglophones.

Dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, les cybercafés ont fermé leurs portes, les journalistes ont du mal à faire leur travail et la plupart des banques ne fonctionnent pas. Celles qui sont en activité font leurs transactions de façon manuelle. « Internet est au centre de 90 % des échanges commerciaux aujourd’hui. C’est carrément museler une partie du pays », confie la blogueuse Danielle Ibohn. Joint par téléphone par Le Monde Afrique, le journaliste Amos Fotung, basé à Buéa pour le quotidien The Guardian Post, précise qu’il n’a pas pu retirer de l’argent dans sa banque. « Elle était fermée. Dans les banques qui fonctionnent, ils font les transactions à la main. J’ai vérifié. »

Pour envoyer ses articles à sa rédaction de Yaoundé, la capitale, le jeune homme vient tous les deux jours à Douala. Certains de ses collègues qui n’ont pas assez d’argent mettent leurs articles, vidéos et éléments audio sur des clés USB qu’ils font circuler par des agences de voyages. « Un risque, car tout peut se perdre en route », déplore Amos.

Les hackers s’en mêlent

Jusqu’ici, le gouvernement n’a ni infirmé, ni confirmé cette coupure, la première de ce type et de cette durée dans le pays. Mais, pour de nombreux Camerounais qui reçoivent déjà des SMS les menaçant de six mois à deux ans de prison si jamais ils publient des « informations mensongères » sur les réseaux sociaux, cette coupure est un sévère avertissement.

Cela n’a pas empêché un groupe intitulé Cameroon Cyber Force de hacker le site du ministère de l’éducation jeudi 26 janvier et d’en remplacer le contenu par un communiqué dénonçant la répression dont sont victimes les anglophones au Cameroun et appelant les autorités à prendre immédiatement cinq mesures :

  1. Retour d’Internet dans les régions anglophones
  2. Libération de toutes les personnes arrêtées depuis le début des troubles
  3. Démilitarisation des régions anglophones
  4. Restauration du fédéralisme
  5. Démission du ministre de l’enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, et d’un proche conseiller du président, Paul Atanga Nji.

Les hackers de la Cameroon Cyber Force auraient par ailleurs réussi à intercepter une lettre envoyée par le directeur général de la compagnie télécom nationale, Camtel, David Nkoto Emane à sa ministre de tutelle, Mme Libom Li Likeng, née Mendomo Minette. Le document n’a pas pu être authentifié. Avec empressement, le responsable porte « à sa haute connaissance » que ses services ont coupé l’Internet sur « tout le territoire national » pendant quelques heures du 17 au 18 janvier.

Lettre non authentifiée obtenue par les hackers de la Cameroon Cyber Force du directeur général de Camtel à la ministre des communications.
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