Crise sanitaire, crise médiatique, crise d’information. Selon l’interlocuteur, les mots varient pour qualifier l’affaire du Levothyrox, qui suscite e n tout cas de vifs débats. Depuis le changement, fin mars, de la formule du Levothyrox – destiné à soigner l’hypothyroïdie –, des milliers de patients ont fait part d’effets indésirables, sur les 3 millions qui en prennent. Une pétition demandant le retour à l’ancienne formule a été signée par 312 000 personnes. Pour beaucoup, il y aura un avant et un après Levothyrox. Et pour l’Agence nationale de sécurité du médicament en premier lieu.
Un exemple s’il en faut ? Dominique Martin lui-même, son directeur général, raconte l’histoire d’une voisine d’un village des Ardennes, qui ne veut pas de la nouvelle formule, a acheté l’ancienne version du médicament de Merck lors de ses vacances en Espagne, et la complète avec 25 mg d’une autre spécialité. « Elle fait sa soupe », constate-t-il. Alors qu’une mission « information et médicament », a été lancée le 4 décembre par le gouvernement et devra rendre ses travaux en mai, il reconnaît aujourd’hui outre un problème d’information, un défaut d’anticipation de l’agence dans cette « affaire ».
Sous-équipée
Rétrospectivement, l’ANSM estime que « l’information n’a pas fonctionné » malgré les 400 000 lettres envoyées aux professionnels de santé entre février et avril. « Ce modèle classique est obsolète, et n’a pas atteint les patients », concède Dominique Martin. « Les lacunes de l’information des professionnels de santé en cas d’alerte s’étaient déjà posée, lors d’un conseil à l’ANSM, mi 2016 », rappelle Alain-Michel Ceretti, président de France Assos Santé. Une formule nouvelle et moderne pourrait aboutir à une application ANSM pour smartphone, avec une version pour les professionnels de santé et une pour le grand public. « Cela avait été évoqué en 2016 mais mis de côté pour des raisons budgétaires », regrette cet expert.
Pour prendre le pouls des réseaux sociaux, l’ANSM était là aussi sous-équipée avec une seule personne pour la veille numérique. « Il faut que l’ANSM puisse apporter des réponses, notamment sur les réseaux sociaux », note Rose-Marie Tunier, directrice de la communication de l’agence, qui sera chargée d’une nouvelle structure dédiée au numérique.
« Il n’y a pas eu suffisamment d’exploration de ce qui s’est passé ailleurs », Dominique Martin
Prise de court par le mécontentement d’une partie des patients, l’ANSM admet aussi un manque d’anticipation. Cette situation est en effet loin d’être inédite. La FDA, l’Agence américaine du médicament, a décidé en 2007 de modifier la formule de toutes les levothyroxines afin de garantir leur stabilité dans le temps. D’autres pays, dont la Nouvelle-Zélande, le Danemark et Israël sont également passés par là lorsque le laboratoire britannique GlaxoSmithkline a changé la formule de son Eltroxin. « Il n’y a pas eu suffisamment d’exploration de ce qui s’est passé ailleurs », admet Dominique Martin.
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