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Le catalogue papier, allié surprenant de la vente en ligne

Le Monde
Publié le 08 mai 2015 à 09h59, modifié le 08 mai 2015 à 09h59

Temps de Lecture 6 min.

Certaines des enseignes américaines les plus connues, notamment Neiman Marcus et J.Crew, réalisent un chiffre d’affaires conséquent grâce à leurs catalogues. Mais à l’ère de l’e-commerce, ceux-ci pourraient faire figure de reliques d’une époque moins connectée. Tout d’abord, envoyer par la poste des catalogues qui pèsent lourd n’est plus la manière la plus efficace de communiquer sur les produits. Par ailleurs, les données liées aux interactions des clients avec les catalogues physiques sont beaucoup plus difficiles à évaluer et à analyser qu’avec les publicités en ligne et les sites marchands.

Et pourtant, les catalogues restent un outil vital pour beaucoup d’enseignes. Le groupe Neiman Marcus est une chaîne de boutiques de luxe américaine qui publie chaque année 100 catalogues différents via ses marques Neiman Marcus et Horchow, soit au total plus de 37 millions d’exemplaires distribués annuellement. A lui tout seul, The Book, son « magalogue » emblématique (une forme hybride entre le catalogue de vente et le magazine avec un contenu éditorial qui dépasse le simple répertoire de produits) est envoyé sept fois par an à un peu plus d’un million de clients.

« Nous avons vu beaucoup de marques abandonner les catalogues, mais soit elles ont reconnu après coup que c’était une mauvaise idée et que c’était une décision prématurée, soit elles se sont remises à faire des catalogues », affirme John Koryl, président des boutiques et de la vente en ligne chez Neiman Marcus. Pourtant depuis cinq ans, le nombre de catalogues distribués par le groupe américain a baissé.

The Book, "magalogue" (croisement du catalogue et du mazazine) de la chaîne américaine de boutiques de luxe Neiman Marcus, est envoyé sept fois par an à un peu plus d’un million de clients.

Si John Koryl refuse de révéler les chiffres, il explique que cette baisse est le résultat de « pratiques de mailing plus efficaces et mieux orientées » et non un changement de stratégie. « Honnêtement, je peux acheter un millier d’encarts publicitaires pour le prix d’un catalogue, mais nous essayons de gagner en notoriété dans l’industrie du luxe, ce qui permet de gagner des parts de marché. Notre objectif est de rentabiliser nos dépenses par client le plus efficacement possible. Les catalogues répondent aux besoins d’une partie de notre clientèle, poursuit-il. Nous n’allons pas faire des spots publicitaires à la télévision parce que nous visons un public limité sur le territoire américain et une clientèle internationale qui s’intéresse à la mode et au luxe. Les catalogues nous permettent de mieux cibler nos clients. »

Cependant, toutes les enseignes ne sont pas aussi enthousiastes quant à l’efficacité des catalogues sur les ventes. En effet, certaines ont vu le tirage de leurs catalogues chuter radicalement. « Le volume que nous imprimons a été considérablement réduit. En 2002, nous fabriquions 30 millions de catalogues. Aujourd’hui nous en envoyons moins d’un million, » reconnaît Dan Rubel, le directeur stratégique du groupe Shop Direct, un site marchand britannique qui inclut les marques Littlewoods et VeryExclusive.co.uk, et dont les ventes annuelles se montent à 1,7 milliards de livres sterling (environ 2,3 milliards d’euros).

Les catalogues représentent près de 10% du chiffre d’affaires et ont généré l’an dernier environ 170 millions de livres (230 millions d’euros). Mais malgré la stratégie de Shop Direct de « transformer ce qui était à la base une entreprise spécialisée dans la vente par correspondance en un site marchand d’envergure internationale », la société, selon Dan Rubel, « a continué à fabriquer des catalogues parce qu’il y a encore suffisamment de gens qui en veulent. Les catalogues représentent donc aujourd’hui une petite partie de notre stratégie globale en termes de marketing et de notre gestion de la relation clients. »

Des outils efficaces pour la vente en ligne

Dans le cas de Neiman Marcus, les catalogues ont participé au développement et à la réussite de son e-commerce et aujourd’hui encore ils contribuent aux ventes en ligne. « Les catalogues permettent d’obtenir des informations et des données intéressantes. En 1999, lorsque Neiman Marcus s’est lancé dans le commerce en ligne, qui représente aujourd’hui 24% de nos activités, ce qui nous donnait une longueur d’avance sur nos concurrents c’était la relation privilégiée qui existait avec nos vendeurs partenaires. Nous avions déjà l’infrastructure générale, nous avions déjà des centres d’assistance et de service après vente. C’est ce qui nous a permis de devenir aujourd’hui la plus grosse entreprise d’e-commerce de luxe dans le monde, déclare John Koryl. Je crois que le plus grand changement serait qu’il y ait une volonté plus grande de se focaliser uniquement sur le web. »

En effet, la combinaison des catalogues et de l’e-commerce peut avoir beaucoup plus d’impact qu’un seul de ces canaux. « Si l’on regarde le taux de conversion (qui désigne le nombre de visiteurs réalisant des actions données, sur le nombre de visiteurs total) entre les clients qui reçoivent le catalogue papier et ceux qui ne le reçoivent pas, on constate que les clients les plus familiers à l’univers du luxe, ont un taux de conversion plus élevé, même s’ils migrent vers la vente en ligne », explique John Koryl.

La marque anglaise de mode Boden réfléchit également à la manière d’associer son catalogue papier à ses activités sur Internet. « Nous innovons grâce à la segmentation, la personnalisation, la taille et la fréquence de nos catalogues afin de mieux nous adapter aux nouveaux rythmes de notre clientèle. Pour nous l’essentiel est d’avoir une vision d’ensemble du client et nous avons développé une base de données très sophistiquée qui recroise les données d’achat avec nos données de surveillance comportementale et cela nous aide à comprendre les habitudes de nos consommateurs. Et c’est ce qui nous permet de rendre nos catalogues papier et nos activités en ligne encore plus performants, » assure Matthew Hiscock, directeur du marketing global chez Boden.

Les catalogues peuvent aussi être des outils efficaces pour mieux communiquer sur les marques. « Le catalogue est une très bonne façon de montrer à nos clients l’univers lié à nos produits, ce qui est dur à reproduire en ligne ou par email. Nous pouvons apporter un contenu éditorial sur nos différentes gammes de produits, et c’est quelque chose qui devient de plus en plus important. Notre défi, c’est de trouver le bon équilibre afin que les supports papier attirent nos clients tout en étant complémentaires de l’expérience en ligne, explique Matthew Hiscock. Nous sommes conscients que les catalogues procurent une véritable expérience tactile à notre clientèle. Nous savons que c’est un outil important et qui est très apprécié par nos meilleurs clients qui l’utilisent encore beaucoup. »

The Magazine, catalogue en ligne du magasin de luxe new-yorkais Bergdorf Goodman.

En 2013, l’enseigne américaine J.Crew a publié The Style Guide, un « magalogue » qui présentait une sélection de ses produits les plus populaires, sélectionnés en partie par Jenna Lyons, sa directrice artistique. J.Crew est connu depuis longtemps pour ses catalogues et en a diffusé en 2013 plus de 20 millions d’exemplaires. Avec des valeurs de production en hausse, un contenu de plus en plus éditorial et des rédacteurs réputés, J.Crew a transformé son catalogue en un véritable outil publicitaire qui dynamise les ventes. Toutefois son impact précis reste inconnu, J.Crew ne souhaitant pas communiquer sur ce sujet.

De son côté, l’enseigne anglaise Jack Willis, qui possède 80 points de vente et a réalisé un chiffre d’affaires de 120 millions de livres (162 millions d’euros) en 2013, utilise son catalogue baptisé « Handbook » comme un outil de positionnement et pour booster ses ventes en ligne. Un million de catalogues sont envoyés chaque année et les adolescents fans de la marque les collectionnent. « Les catalogues, comme The Book pour Neiman Marcus et The Magazine pour Bergdorf Goodman ont un rôle très important : ils donnent vie à la marque de façon très tactile. Il existe un petit segment de marché où les catalogues jouent encore un rôle important. Ils continuent d’intéresser les clients, toute catégorie d’âge confondue », affirme John Koryl. Celui-ci n’a pas souhaiter révéler le montant des bénéfices générés par les catalogues au sein du groupe Neiman Marcus mais conclut : « Même d’un point de vue purement économique, je ne vois pas les catalogues disparaître de mon vivant. C’est toujours une partie importante de notre entreprise. »

Par Robin Mellery-Pratt

Lire la version originale sur  www.businessoffashion.com

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