Peut-on encore, alors que la justice espagnole enquête sur plus d’une trentaine d’affaires impliquant des dizaines de cadres du Parti populaire (PP, droite au pouvoir), parler comme le font les responsables du parti de « quelques fruits pourris » ou de « cas isolés » ? La question secoue l’Espagne, alors qu’un nouveau scandale majeur vient d’éclater, l’affaire Lezo, soit le détournement présumé de plusieurs millions d’euros de fonds publics par le truchement de l’entreprise publique régionale de gestion de l’eau Canal de Isabel II.
Le 20 avril, le président de la région de Madrid entre 2012 et 2015, Ignacio Gonzalez, à la tête de Canal de Isabel II entre 2003 et 2012, a été arrêté et placé en détention préventive pour le détournement présumé de 23,5 millions d’euros vers des paradis fiscaux. Sous son mandat, Canal de Isabel II a acheté plusieurs compagnies en Amérique latine à des prix gonflés. En 2013, l’entreprise publique a ainsi payé 21,5 millions d’euros la compagnie brésilienne Emissao, dont la valeur était estimée seulement un an plus tard à 5,1 millions d’euros. Selon l’enquête judiciaire, ces investissements auraient pu servir à détourner des fonds à des fins d’enrichissement d’Ignacio Gonzalez et de ses proches et à financer illégalement le PP.
Trahison
Sous pression de son parti et de l’opposition, le 24 avril, Esperanza Aguirre, sa marraine politique, porte-parole du PP à la mairie de Madrid et ex-présidente de la région (2003-2012), a démissionné. « Ignacio Gonzalez a eu ma confiance totale. Je me sens trompée et trahie. Je n’ai pas surveillé comme je le devais [ses agissements] », a expliqué devant la presse Mme Aguirre, figure politique de premier plan en Espagne.
Son mea culpa n’a cependant pas suffi à convaincre l’Espagne. « Contrairement à ce que soutient Aguirre, cette prolifération d’affaires de corruption n’obéit pas aux conduites moralement répréhensibles de quelques personnes qui cherchaient exclusivement leur enrichissement personnel, mais à l’existence d’un tissu de corruption dans lequel se mêlaient de manière inextricable le financement des campagnes électorales du PP, la corruption de ses principaux cadres et les luttes de pouvoir entre des factions rivales du parti, écrit le quotidien El Pais dans un éditorial sévère, intitulé “Pacte du silence”. Nous exigeons que le PP reconnaisse une fois pour toutes l’existence de réseaux de corruption et de financement illégal dans son parti et en finisse avec les pactes du silence qui ont permis qu’ils perdurent, en passant d’accusé à dénonciateur des délits poursuivis. Il le doit aux citoyens et à la démocratie. »
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