TRIBUNE. Le principe de précaution (PP), qui est inscrit dans les principaux traités européens et dans notre constitution, est souvent décrié pour être l’un des prétendus freins à l’innovation et à la compétitivité de notre pays. Il ne nous apparaît pas être la véritable cause de cette situation, laquelle devrait plutôt être recherchée dans le déficit de compréhension de ce qu’est le PP et de sa mauvaise application.
La première cause vient de l’invocation à tort du principe de précaution.
La deuxième cause vient de la confusion entre prévention et précaution. La prévention concerne les risques avérés, c’est-à-dire ceux pour lesquels les dangers sont connus. Il s’agit d’un devoir pour tous, dans les conditions définies par la loi (article 3 de la Charte de l’environnement).
La prévention consiste à mettre en place des mesures de réduction des risques (sur la base d’une évaluation), afin de les rendre acceptables.
La précaution concerne, quant à elle, les risques non avérés, mais dont les dangers sont plausibles en l’état actuel des connaissances scientifiques. Il s’agit d’un principe à destination des autorités publiques, lorsque les dommages suspectés sont potentiellement graves et irréversibles (article 5 de la Charte de l’environnement).
Responsabilité des pouvoirs publics
La première mission du principe de précaution consiste à identifier et évaluer les éventuels dangers pour : soit réfuter la suspicion de danger et lever l’application du PP, soit confirmer l’existence d’un danger et basculer du PP au devoir de prévention.
Le temps de lever les incertitudes scientifiques, le PP préconise de mettre en place des mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation des dommages suspectés. Ainsi, la grande majorité des risques pour lesquels le PP est invoqué à tort sont, en fait, exclusivement du domaine de la prévention.
Les pouvoirs publics ont la responsabilité de la mise en œuvre du PP, et eux seuls. Nous demandons donc la mise en œuvre des textes législatifs existants et la mise en place des comités et commissions prévus et annoncés, en particulier la CNDA (Commission nationale de la déontologie et des alertes) et le comité national d’orientation sur les hydrocarbures, avec participation et présence de la société civile et du monde de l’entreprise selon une procédure de décision à préciser.
Nous demandons une meilleure organisation du débat public, dans lequel la place et le rôle de chacun doivent être mieux identifiés ; une communication de la part de l’Etat et des pouvoirs publics pour officialiser et justifier leurs décisions en toute transparence ; un suivi effectif de toutes ces décisions ; et la poursuite de la réflexion sur tous les critères qui fondent la crédibilité et le caractère « incontestable » de l’expertise publique en la matière (Charte de l’expertise de l’Académie des technologies du 4 juillet 2012).
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