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La « phobie administrative » de Thomas Thévenoud devant la justice

L’éphémère secrétaire d’Etat et son épouse comparaissent mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris pour ne pas avoir déclaré leurs revenus en 2012

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Publié le 19 avril 2017 à 06h41, modifié le 19 avril 2017 à 09h23

Temps de Lecture 3 min.

Thomas Thévenoud, le 8 février à Paris.

« Pour moi, c’est fait. Pour tous les autres, vous avez encore jusqu’à minuit. #netardezpas #phobieadministrative », écrivait Thomas Thévenoud en juin 2016 sur son compte Twitter à l’intention de ceux qui devaient remplir leur déclaration d’impôts. L’humour, comme bouée et comme rempart, pour celui qui avait dû démissionner du gouvernement en septembre 2014, neuf jours seulement après y avoir été nommé, en raison de ses démêlés fiscaux.

L’éphémère secrétaire d’Etat au commerce extérieur et son épouse, Sandra, comparaissent, mercredi 19 avril, devant le tribunal correctionnel de Paris pour ne pas avoir déclaré leurs revenus à l’administration fiscale en 2012 et pour avoir systématiquement rempli hors des délais légaux leurs déclarations en 2009, 2010, 2011 et 2013.

L’indignation et la colère qui s’étaient abattues sur le couple avaient été d’autant plus violentes que cette affaire survenait un an après les révélations concernant Jérôme Cahuzac. Même s’il y avait loin entre le scandale d’Etat que représentait la dissimulation d’avoirs à l’étranger par le ministre chargé de la lutte contre la fraude, et l’incurie fiscale reprochée aux époux Thévenoud, c’était l’affaire de trop pour un gouvernement qui se prévalait du comportement exemplaire de ses membres.

Opprobre et moquerie

Cruelle ironie de l’histoire, Thomas Thévenoud avait été l’un des premiers à condamner publiquement Jérôme Cahuzac, se laissant filmer par une caméra de télévision en train de remplir sa déclaration de patrimoine dans son bureau de l’Assemblée. « Parce que nous sommes élus, nous avons des obligations particulières », assurait-il alors, puis affirmant, à la tribune de l’Hémicycle, que « la recherche de l’exemplarité est la seule solution pour renouer le lien de confiance avec nos concitoyens ».

Au lendemain de sa démission, le premier texto qui s’était affiché sur le portable de Thomas Thévenoud était signé… Jérôme Cahuzac : « Alors que la concurrence était vive, tu fus l’un des plus durs avec moi. Permets-moi de te dire ma tristesse pour toi. Je te souhaite courage et force. »

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Sandra Thévenoud avait été priée de son côté d’abandonner sur-le-champ ses fonctions de chef de cabinet du président (PS) du Sénat, Jean-Pierre Bel. Quelques jours plus tard, on apprenait que ce couple de jeunes socialistes ambitieux avait également accumulé les impayés de loyers ou les retards de paiement de cantines scolaires, de contraventions, de factures d’eau et même de frais de kinésithérapie pour leurs filles, contraignant le praticien à leur adresser par huissier une facture de 183 euros. La « phobie administrative » évoquée pour sa défense par Thomas Thévenoud avait ajouté la moquerie à l’opprobre.

Des pénalités de 20 000 euros

Quel contraste entre la tourmente politique d’hier et le procès d’aujourd’hui ! Thomas Thévenoud, qui a retrouvé son fauteuil de député de Saône-et-Loire après son départ du gouvernement – exclu du PS, il siège parmi les non-inscrits – a annoncé qu’il renonçait finalement à briguer un second mandat.

« J’arrête la politique, j’ai envie de tourner la page », a-t-il expliqué, le 11 mars, au Journal de Saône-et-Loire. Il a écrit un livre Une phobie française (Grasset, 2016) dans lequel il règle quelques comptes avec ses amis politiques et tente d’expliquer comment ses « rapports compliqués avec l’argent » le conduisaient à ne jamais ouvrir les courriers administratifs. Il assure qu’il est désormais « guéri. » Il a repris des études de droit à la Sorbonne et il envisage de devenir avocat. Après une période de chômage, son épouse a de son côté créé sa propre société de conseil.

Face aux juges, Thomas et Sandra Thévenoud espèrent être plus audibles que devant l’opinion. Leur défense, assurée par Me Martin Reynaud, va plaider que le couple ne s’est pas soustrait « volontairement » au paiement de l’impôt puisque l’intégralité de leurs revenus était connue de l’administration fiscale et figurait comme telle sur les déclarations préremplies qu’elle leur adressait. Elle compte aussi faire valoir qu’il ne leur est reproché aucun enrichissement personnel et qu’ils se sont systématiquement acquittés de leurs pénalités de retard – soit 20 000 euros sur une période de cinq ans.

Exemplarité

Quant à l’affaire Cahuzac à laquelle Thomas Thévenoud a été associé pour le pire, elle pourrait se révéler opportune pour sa défense. A l’occasion du procès de l’ancien ministre du budget, le Conseil constitutionnel avait en effet dû se prononcer sur la conformité à la Constitution du cumul des pénalités fiscales et des poursuites fiscales qui heurtait le principe selon lequel on ne peut pas être condamné deux fois pour les mêmes faits. Le Conseil a estimé que ce cumul ne devait s’appliquer « qu’aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt ».

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Au regard du mètre étalon que constitue l’affaire Cahuzac, les déclarations fiscales hors délais principalement reprochées au couple Thévenoud sont susceptibles d’apparaître bien modestes. Reste au justiciable Thomas Thévenoud à franchir, face au tribunal, l’obstacle du devoir « d’exemplarité » que le député du même nom vantait avec tant de conviction à la tribune de l’Assemblée.

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