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Devant le tribunal d’Amiens, l’ultraviolence des militants néonazis

Dix-huit prévenus comparaissent depuis lundi pour association de malfaiteurs, violences, séquestrations et tentative de meurtre

Par  (Amiens, envoyée spéciale)

Publié le 28 mars 2017 à 03h18, modifié le 29 mars 2017 à 07h16

Temps de Lecture 3 min.

Dix-huit prévenus, membres ou sympathisants du groupuscule néo-nazi WWK, comparaissent depuis lundi devant le tribunal correctionnel d’Amiens.

« On n’avait rien d’autre à faire, alors on allait se battre. » Au premier jour du procès des dix-huit membres du groupuscule d’extrême droite White Wolves Klan (WWK), lundi 27 mars, s’est dessiné le portrait d’un groupe d’individus désœuvrés, dont l’idéologie nationaliste servait bien souvent de prétexte à des pulsions violentes. Le tribunal correctionnel d’Amiens a quatre jours pour juger trente-cinq infractions, commises entre 2012 et 2014, dans les environs de Ham (Somme). Les chefs d’accusation sont nombreux : association de malfaiteurs, vols aggravés, violences, séquestrations, tentative de meurtre...

Assis sur le banc des prévenus, en retrait des autres, Serge Ayoub, alias « Batskin », assure qu’il « ne comprend pas » ce qu’il fait là. Vêtu d’une chemise blanche et d’un costume bleu, la figure tutélaire de l’ultradroite, 52 ans, comparaît pour complicité de violences aggravées. L’ancien chef de Troisième Voie une organisation dissoute un mois après la mort du militant d’extrême gauche Clément Méric en juin 2013, à Paris – dont le look impeccable tranche avec les tatouages, polos et crânes rasés des autres prévenus, est suspecté d’avoir commandité le tabassage d’un groupe rival qui l’avait qualifié de « sale juif ».

Culte du IIIe Reich

Les représailles se jouent le 8 décembre 2012, à Estrées-Mons, dans le huis clos du garage de Jérémy Mourain, à l’époque représentant des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) de Picardie – qui créera plus tard le WWK lors de la dissolution de son groupe en juin 2013. A la barre, les sept prévenus présents ce soir-là reconnaissent l’agression d’une des victimes à coups de pied, de chaînes de moto et de couteau.

Concernant le décorum du garage, tapissé de drapeaux néonazis et de portraits d’Adolf Hitler, les prévenus sont peu loquaces, semblant considérer que cela participe du folklore. « Nous, on est racistes, donc c’est pour ça qu’on a mis des drapeaux comme ça », justifie Kévin Pate, qui explique l’être devenu à cause de « complications au collège ». De l’idéologie néonazie, il en sera peu question le reste de cette journée d’audience, où les comptes rendus d’infractions se multiplient à la barre – « des bêtises » commises dans « l’euphorie » de soirées sous l’emprise de cocaïne ou d’alcool, détailleront certains prévenus.

Des scellés lors du procès des membres du WWK à Amiens, le 27 mars.

Si la deuxième affaire abordée par la présidente repose sur l’attaque d’un bar à chicha, Jérémy Mourain, le seul à comparaître détenu, assure que cet acte de vandalisme, survenu en janvier 2013, était « spontané ». Une version contredite par Jérémie Crauser, un prévenu en quête de repentance. « Mourain a eu l’idée d’organiser une activité punitive contre des personnes issues de l’immigration », lâche timidement le grand roux à la carrure massive.

Violence intergroupe

C’est encore lui qui reconnaît le passage à tabac « gratuit » d’un homme qui venait de discuter avec un forain, en mai 2013. Leur haine des gens du voyage est alors le prétexte d’un déchaînement de violences « bête et méchant ». « Il n’y avait personne à qui chercher des noises. Alors on a acheté des bonbons et on a bu. Après, on a mis les capuches », décrit M. Crauser, avant de détailler l’agression qui a valu deux jours d’incapacité totale de travail (ITT) à la victime. Christopher Letrou, lui, reconnaît avoir « agi en qualité d’animal ».

Pendant les multiples exposés d’expéditions punitives, la violence semble se déchaîner avec le plus de force lorsqu’elle s’abat sur les membres de leur mouvance. L’épisode le plus dramatique se déroule en janvier 2014, à Valenciennes, dans le Nord. Cédric F. est considéré comme trop proche d’un ancien membre du WWK mais n’a pas rendu son bomber. Mourain intime alors à ses membres de le « défoncer ».

Conduit par une dizaine de membres du WWK dans un chemin de terre, il est déshabillé, puis frappé sur toutes les parties du corps, notamment à coups de batte de base-ball dans les testicules. Selon les prévenus, Mourain se serait déchaîné sur la victime avec un air démoniaque, lui enfonçant ses pouces dans les yeux, le mordant et lui léchant le sang. A la suite de ce récit accablant, la grande majorité des prévenus se montre fébrile. « Ce soir-là, ce n’était pas l’euphorie qui nous animait, mais la peur de subir le même sort », tente l’un pour justifier ce déchaînement de violence.

La deuxième journée du procès doit être consacrée au fonctionnement de groupe, très hiérarchisé, reposant sur des rites d’initiation et des procédés d’intimidation.

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