Tout est flou sauf une chose, depuis l’intervention, dimanche 26 mars au soir, de policiers au domicile d’un ménage chinois dans le 19e arrondissement de Paris : un homme de 56 ans est mort et son décès a entraîné un embrasement inédit de la diaspora chinoise.
Deux versions s’opposent. Le policier qui a tiré dit avoir agi « en légitime défense » après que Liu Shaoyao lui aurait sauté dessus avec des ciseaux. Deux des enfants du père de famille qui ont été témoins directs des faits, selon leur avocat, Me Calvin Job, assurent, eux, qu’il sortait de la cuisine où il écaillait le poisson. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie et la famille a été entendue, mardi 28 mars.
Cette divergence de versions a continué d’attiser les tensions mardi soir : un nouveau rassemblement a eu lieu devant le commissariat du 19e arrondissement. A la différence d’un premier rassemblement au même endroit, la veille, une partie des manifestants n’étaient pas issus des rangs de la diaspora cette fois. Beaucoup étaient des jeunes gens mobilisés contre les « violences policières ».
Dans les couloirs de la Cité Curial, où habitait la famille, les interrogations étaient toutefois fortes sur l’emballement en marche, mardi 29 mars après-midi, deux jours après les faits. « Terrible », « triste », les mots ne manquaient pas au sein du voisinage, pour décrire la stupéfaction survenue au 6e étage de l’immeuble, dimanche soir, après l’annonce de la mort de Liu Shaoyao. L’homme était bien connu dans les coursives, mais parce qu’il était « fou », « malade », à en croire quatre voisins différents interrogés par Le Monde.
Liu Shaoyao errait en effet souvent dans l’immeuble, frappait à diverses portes, parfois alcoolisé, parfois violent, ont-ils tous décrit en demandant l’anonymat. Il y a quelques mois, un voisin avait déposé une main courante après qu’il avait tenté de défoncer son palier. Il lui était aussi arrivé de jeter un téléviseur par la fenêtre, selon une source proche de l’enquête. On était alors en 2012, et Liu Shaoyao avait été interné durant quatre mois. Selon une mère de famille, les enfants s’étaient aussi plaints de « maltraitance ». Finalement, ce dimanche, c’est encore un voisin qui a donné l’alerte. M. Liu avait alors un « couteau » entre les mains.
Mais mardi après-midi, Cité Curial, un autre témoignage semblait s’être propagé plus vite que d’autres sur les réseaux sociaux sinophones : celui d’une jeune femme réclamant aussi l’anonymat et se présentant comme voisine directe de Liu Shaoyao. Elle n’avait pas vu la scène autrement qu’à travers son judas. Mais l’intervention policière lui a semblé très « rapide », synonyme d’un dérapage policier à ses yeux.
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