Le romancier, éditeur et critique littéraire Patrick Grainville a été élu, jeudi 8 mars, par l’Académie française, au fauteuil d’Alain Decaux, vacant depuis 2016. Treize voix lui ont été favorables, et deux au chanoine et maître en théologie Dominique-Marie Dauzet. Trois académiciens ont voté blanc, sept autres marquant leur bulletin d’une croix.
Né dans le Calvados le 1er juin 1947, agrégé de lettres, Patrick Grainville a surgi en littérature comme un retour de flamme baroque dans une époque dominée par le goût des aventures textuelles. Déjà fort remarqué en 1973 avec son deuxième roman, La Lisière (Gallimard), que Jacqueline Piatier qualifia dans « Le Monde des livres » de « flamboyant blason de la vie humaine et du monde », il devient trois ans plus tard, à 29 ans, l’un des plus jeunes lauréats de l’histoire du prix Goncourt avec les somptueux Flamboyants (Le Seuil), précisément. Sans craindre la démesure, Les Flamboyants racontent l’épopée folle et parfois grotesque du roi Tokor, sorte de Caligula imaginaire égaré en Afrique noire, emportant le lecteur dans un tourbillon mêlant lyrisme et dérision.
Conservant son métier d’enseignant malgré un succès populaire qui ne se démentira pas durant les deux décennies suivantes, Grainville affirme volontiers son goût pour une littérature de la démesure, capable de prendre des risques, celui de la chair sublimée par l’érotisme, comme dans Le Paradis des orages ou Le Baiser de la pieuvre (tous deux au Seuil). Alors que l’image et la métaphore y sont prédominantes, souvent puissantes, une partie importante de son œuvre est tournée vers la peinture. Sa grande proximité avec de nombreux artistes a d’ailleurs donné lieu à plusieurs publications et collaborations au long des années, que ce soit avec Georges Mathieu ou avec Hervé Di Rosa.
Une soixantaine d’ouvrages, dont vingt-six romans
Certains de ses romans témoignent tout particulièrement de cet attrait pour les arts plastiques, dont L’Atelier du peintre (Le Seuil) ou Bison (Le Seuil), qui retraçait le voyage en France de George Catlin venu présenter ses toiles et ses objets indiens au roi Louis-Philippe en 1845. C’est encore la peinture qui est le cœur battant de son ouvrage le plus récent, Falaise des fous, qui lui vaut en ce début d’année de renouer avec le grand succès, tant critique que populaire. Présenté par l’éditeur comme l’aboutissement de toute une vie, Falaise des fous déploie sur plus de six cents pages une écriture sans doute assagie, ou apaisée, mais toujours foisonnante, et retrace cinquante ans d’histoire au rythme trépidant de la libération de la peinture, du surgissement de « l’ogre Courbet » à la disparition de Monet au pays des nymphéas.
En près de cinquante ans désormais, Grainville a publié une soixantaine d’ouvrages, dont vingt-six romans, ce qui ne l’a pas empêché de soutenir de nombreux écrivains : collaborateur atypique du « Figaro littéraire », où il défend depuis les années 1980 une littérature exigeante en se gardant de toute forme de dogmatisme, il est également membre du jury du prix Médicis et surtout éditeur au Seuil, dont il est l’un des piliers historiques du comité de lecture.
A la suite de cette élection, l’Académie française comptera désormais trente-quatre membres, dont seulement quatre femmes, cinq sièges restant à pourvoir. On sera curieux, en tout cas, d’entendre Patrick Grainville proférer comme il se doit l’éloge de son prédécesseur, Alain Decaux.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu