Un bourg jusqu’à peu paisible du sud de la péninsule coréenne. Sa colline verdoyante, sa route menant au parcours de golf qui est aussi un chemin de pèlerinage du bouddhisme won, sa population de retraités qui, il n’y a pas longtemps encore, votaient tous à droite.
Rien ne semblait pouvoir rompre le calme de Soseong avant l’annonce du 21 août 2016, lorsque les villageois apprirent, par voie de presse, que l’armée américaine déploierait bientôt un système d’interception de missiles balistiques. « Certains habitants sont restés muets, d’autres ont été pris de panique », se souvient le maire, Lee Seok-ju, 63 ans, qui, comme des milliers de citoyens ici, a rendu sa carte du parti conservateur.
Le village se trouve désormais au centre des tensions en Asie. Mercredi 26 avril, avant la levée du jour, l’armée américaine a livré, en un convoi de six camions, les principaux éléments du Thaad, acronyme de Terminal High Altitude Area Defense : les lanceurs mobiles et le puissant radar AN/TPY-2.
Le long des routes du canton, les banderoles anti-Trump ont fleuri. Chaque soir, dans la ville voisine de Seongju, une veillée à la bougie est organisée. « Si tu es notre alliée, Amérique, reprends ton Thaad ! », scandent les manifestants. Le bouclier est d’autant plus controversé que le président américain entend envoyer la facture à son allié. « J’ai informé la Corée du Sud qu’il serait approprié qu’ils payent. C’est un système à un milliard de dollars, a déclaré M. Trump à l’agence Reuters jeudi 27 avril. C’est phénoménal, ça détruit des missiles direct dans le ciel. » Séoul ne l’entend pas de cette oreille et a répondu qu’il n’y a « pas de changement » à l’accord initial, à savoir que le Sud fournit le terrain et les infrastructures, tandis que Washington doit payer pour le déploiement et le fonctionnement du Thaad.
« C’est ici que le Nord attaquera »
Les habitants de Soseong craignent que le champ magnétique du radar n’affecte la production de melons, pilier de l’économie locale. Surtout, ils sont convaincus que le système de Lockheed Martin, et donc les villages alentour, seraient une cible prioritaire pour le Nord en cas de conflit. « Le Thaad ne nous protégera pas, au contraire ! C’est ici que le Nord attaquera », lance Kang Tae-in, 82 ans.
Les Etats-Unis soutiennent que le Thaad est devenu nécessaire du fait des progrès du programme nucléaire et balistique nord-coréen. En juillet 2016, la présidente sud-coréenne d’alors, Park Geun-hye, s’était abstenue, à la demande de Washington, de déployer son système après un nouvel essai nucléaire nord-coréen et de multiples tirs de missiles.
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