Pepe The Frog, batracien de bande dessinée au regard subtilement méprisant, devenu signe de ralliement numérique de trolls nationalistes et de l’extrême droite américaine, est mort.
En tout cas, aux yeux de Matt Furie, le dessinateur qui l’a inventé il y a plus d’une décennie. Il a mis un terme à son existence avec un simple dessin diffusé le week-end des 6 et 7 mai : Pepe apparaît allongé dans un cercueil placé dans une salle vide
Elle est passée de dessin pour enfants apparue sur MySpace à mascotte à connotation raciste tombée dans le forum d’images anonyme 4Chan et intégrée à la liste des symboles haineux par l’Anti-Defamation League. Pepe a été arraché au mainstream par des réseaux numériques d’extrême droite extrêmement actifs. On lui a accolé des croix gammées, des uniformes et des chiffres associés aux nazis sur fond de drapeau américain. On lui a ajouté la mèche de Donald Trump ou la coupe de cheveux de Marine Le Pen.
Matt Furie avait bien tenté de sauver sa grenouille. Il avait, par exemple, lancé une campagne en ligne – « Sauvez Pepe » – pour contrer la diffusion de mèmes d’extrême droite avec des représentations « paisibles et gentilles » de Pepe. Il voulait ainsi, plus par la quantité que par la qualité, faire en sorte que son personnage soit moins associé au suprémacisme blanc et à l’antisémitisme. Ce fut un échec.
A quelques semaines du scrutin, Furie reconnaissait dans le Time qu’avoir perdu le contrôle d’une de ses créations, dont il possède légalement les droits, était « un cauchemar ».
« Avant que Pepe The Frog ne devienne un mème haineux, il a commencé sa vie dans ma BD comme une grenouille heureuse et défoncée. »
En la tuant, Furie ne mettra pas un terme à l’appropriation de Pepe The Frog par les extrémistes. Mais il aura au moins essayé, symboliquement, de le récupérer
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