Alors que des milliers de personnes étaient réunies pacifiquement à Bakirköy, près de l’aéroport Atatürk, sur la rive européenne d’Istanbul, pour le rassemblement autorisé du 1er-Mai, le centre-ville était le théâtre de heurts entre les forces de l’ordre et des manifestants qui tentaient de braver l’interdiction de manifester sur la place Taksim.
Haut lieu de la contestation contre le président turc, Recep Tayyip Erdogan, en 2013, celle-ci est depuis interdite aux rassemblements. Les rues alentour étaient interdites à la circulation et la plupart des commerces de l’avenue Istiklal, la principale artère piétonne d’Istanbul, étaient fermés. Le dispositif de maintien de l’ordre était impressionnant, plus de 30 000 policiers ayant été mobilisés un peu partout en ville pour empêcher les manifestants de rallier la place emblématique.
A grand renfort de gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc, la police est parvenue à disperser un groupe de 200 militants de gauche qui s’érigeaient « contre le dictateur ». D’autres manifestants qui tentaient de rejoindre l’endroit en ont été empêchés. En tout, 165 personnes ont été arrêtées.
Deux semaines après le référendum sur le renforcement des pouvoirs du président Erdogan, la tension est vive en Turquie. Remporté à 51,4 % par le camp du oui, le référendum est contesté par l’opposition. Dénonçant des fraudes, le Parti républicain du peuple (social-démocrate, laïque), principale formation d’opposition, entend saisir la Cour européenne des droits de l’homme car ses recours ont d’ores et déjà été rejetés par le Haut Conseil électoral et le Conseil d’Etat.
La victoire en demi-teinte du camp islamo-conservateur a abouti à un nouveau tour de vis. Samedi 29 avril, le gouvernement a interdit les émissions télévisées de rencontres amoureuses donc le public turc est si friand. Critiquées par certains pour leur vulgarité, ces programmes de télé-réalité étaient depuis longtemps dans le viseur des autorités, promptes à s’ériger en protectrices des valeurs familiales.
L’accès à Wikipédia bloqué
Ce même jour, près de 4 000 fonctionnaires ont été congédiés sur décret, dont près d’un millier de militaires, des juges et des universitaires. Enfin, un tribunal d’Ankara a décidé de bloquer l’accès à l’encyclopédie en ligne Wikipédia, accusée d’établir un lien dans ses articles entre les autorités turques et des groupes terroristes.
L’état d’urgence imposé depuis le putsch raté du 15 juillet 2016 permet au gouvernement d’agir par décret, sans décision de justice et sans l’aval du Parlement. Les purges ne connaissent pas de fin. Le 26 avril, plus de 9 000 policiers ont été suspendus tandis que 7 000 mandats d’arrêt ont été émis contre des policiers accusés d’être adeptes du prédicateur réfugié aux Etats-Unis Fethullah Gülen, décrit par Ankara comme le « cerveau » de la tentative de putsch.
Depuis le 15 juillet, 47 000 personnes ont été arrêtées et plus de 130 000 salariés ont été révoqués. Non content de perdre leurs emplois, les personnes concernées sont mises au ban de la société. Elles perdent leurs droits sociaux, sont empêchées de sortir du pays et n’ont plus aucune chance de trouver un travail vu qu’aucun employeur ne se risquera à les embaucher.
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