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Violentes primaires au Kenya

Des irrégularités et des incidents ont émaillé les consultations par les partis de leurs adhérents afin de désigner des candidats pour les élections générales d’août.

Par  (contributeur Le Monde Afrique, Nairobi)

Publié le 01 mai 2017 à 19h37, modifié le 03 mai 2017 à 11h50

Temps de Lecture 3 min.

Un supporteur du président Uhuru Kenyatta, le 27 avril à Nairobi.

Le Kenya a mis fin, dimanche 30 avril, à plus de deux semaines de campagne pour les primaires des partis politiques, en vue des élections générales qui se tiendront le 8 août. A cent jours du scrutin et dix ans après les violences post-électorales de 2007, qui avaient fait 1 100 morts et plus d’un demi-million de déplacés, cette étape avait valeur de test. Le processus a viré au chaos généralisé, et plusieurs fois au drame.

L’objectif semblait louable pour les partis participant au processus : ceux-ci allaient consulter leurs adhérents afin de désigner les candidats aux postes de députés, sénateurs, gouverneurs et représentants des assemblées locales du pays. Un exercice déjà pratiqué en 2013, lors des dernières élections… et déjà entaché de fraudes.

L’expérience n’a pas servi de leçon. A Nairobi, les médias n’en finissent pas de lister les irrégularités ayant émaillé les primaires de chaque parti. Au choix : des bulletins trop peu nombreux, des noms de candidats oubliés, des registres manquants, du matériel électoral arrivé le jour du vote avec des heures de retard… Sans parler des innombrables cas de corruption et d’intimidation, pratiquées jusque devant les bureaux de vote. Tout cela a entraîné retards et annulations, ainsi que la colère de milliers d’électeurs.

« Favoritisme, hooliganisme et sabotage »

Chaque grande ville kényane a connu son lot de batailles fratricides et de chaos entre supporteurs du même parti, déçus du résultat ou révoltés contre les conditions de déroulement du scrutin. Dans la capitale, une bagarre s’est achevée par la mort d’un homme, poignardé avant d’être renversé par un véhicule alors qu’il tentait de s’enfuir. Les journaux ont également fait état de kidnappings, d’échanges de coups de feu et de mises à sac de bureaux de vote. La police a dû intervenir à plusieurs occasions, usant de gaz lacrymogènes et tirant en l’air afin de disperser les groupes de manifestants.

« Avons-nous oublié l’inoubliable chemin que notre pays a pris en 2007 ? s’est interrogé Scheaffer Okore, responsable de Siasa Place, une ONG incitant les jeunes Kényans à s’engager en politique, dans le quotidien Daily Nation. Il est clair que les principaux partis politiques impliqués dans les primaires n’ont pas la volonté politique de mettre en pratique la démocratie (…) Le favoritisme, le hooliganisme et le sabotage entachent leurs méthodes»

Les primaires représentaient depuis longtemps la partie la plus risquée de tout le processus électoral. Dans un Kenya toujours divisé entre ses 43 tribus officielles (et d’innombrables sous-tribus), politique et ethnie se confondent. C’est le cas chez les deux principaux partis : le Jubilee, du président sortant, Uhuru Kenyatta, et l’Orange Democratic Movement, mené par l’éternel opposant Raila Odinga. Les Kikuyu se rangent en masse derrière le premier, en particulier dans le centre du Kenya, quand les Luo de l’ouest votent à une très large majorité pour le second.

Emergence de figures nouvelles

La Constitution kényane adoptée en 2010 a donné un rôle majeur aux gouverneurs et aux représentants locaux des 47 comtés du pays. Autant de positions prestigieuses, mais aussi lucratives. Ainsi, un membre siégeant dans une assemblée de comté perçoit un salaire de 2 200 euros en moyenne (jusqu’à 5 000 euros avec les indemnités), dans un pays où le salaire minimum ne dépasse pas les 110 euros.

Résultat : un nombre très élevé de Kényans se sont portés candidats. Selon le Daily Nation (la commission électorale indépendante ne donnant aucun chiffre officiel), ils auraient été près de 13 000 à tenter leur chance aux primaires pour les postes de membres des assemblées de comté, alors que le pays n’en élit que 1 450.

Faut-il voir dans cette séquence peu reluisante une répétition générale pour des violences à venir en août ? « Pour dire vrai, deux ou trois morts, c’est peu pour le Kenya. Cela aurait pu vraiment dégénérer, on craignait bien pire », commente un diplomate en poste à Nairobi. Les primaires ont également permis de renouveler une partie du personnel politique. Des figures nouvelles ont pu émerger, dont plusieurs femmes et représentants de la minorité indienne, en bonne position pour devenir gouverneurs ou députés.

Nombre de cadres des partis au pouvoir n’ont pas reçu l’investiture des électeurs. C’est le cas d’au moins six gouverneurs sortants et d’une petite dizaine de députés. A Kiambu (centre), la nièce du président Kenyatta s’est vu refuser sa nomination par les militants du Jubilee au poste de membre de l’assemblée de comté. Un véritable camouflet pour le chef de l’Etat.

Des candidats défaits contestent encore le résultat du scrutin. Les partis ont jusqu’au 10 mai pour remettre les noms de leurs candidats à la commission électorale. Deux sont d’ores et déjà connus : Uhuru Kenyatta et son challenger Raila Odinga, prétendants à la fonction suprême. Aucun d’eux n’a jugé nécessaire de passer par la case primaire.

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