Traducteur et romancier, Alain Defossé est mort le dimanche 14 mai à Paris. Il avait 60 ans. Originaire de Nantes, où il est né le 11 février 1957, Alain Defossé s’est tôt intéressé à la musique, le jazz en particulier, et au cinéma, au point de prendre des cours de théâtre au Cours Florent, à Paris, après l’obtention de son baccalauréat. La lecture de L’Affamée, de Violette Leduc (Gallimard, 1948), le bouleverse et forge sa vocation d’écrivain. Il publie son premier roman en 1991, aux éditions Salvy : Les fourmis d’Anvers. La même année, chez le même éditeur, il traduit un roman-phénomène, promis à la célébrité mondiale : American Psycho, de Bret Easton Ellis.
Il consacrera plus de trois décennies à la traduction (70 livres en tout), sans pour autant s’estimer soumis à une quelconque influence anglo-saxonne, jugeant son écriture « strictement française ». Sa passion le porte vers les auteurs de la fin du XIXe siècle – dont Jean Lorrain –, et ses pas, dans le Paris populaire d’Eugène Dabit et de Francis Carco. Alain Defossé est habité, comme il le raconte, par le sentiment d’appartenir à une autre époque, en homme travaillé par la nostalgie et le poids des souvenirs. Sans que cela soit, d’une quelconque façon, contradictoire avec la modernité de ses récits doublés d’autoportraits relevant de ce genre littéraire qu’on nomme « autofiction » depuis les années 1970.
« Beaucoup de fantômes »
Dans On ne tue pas les gens (Flammarion, 2012) et L’Homme en habit (Edition du Rocher, 2007), l’écrivain évoque, notamment, son homosexualité. « Mes livres sont, d’une manière générale, constitués d’éléments disparates que j’ai gardés, consciemment ou non, dans un tiroir secret et qui, à un certain moment, réapparaissent et s’agrègent jusqu’à former une histoire et un livre, rapporte-t-il en 2015 au site Roads magazine. Dans mes romans, il y a aussi beaucoup de fantômes, qui sont certes mes fantômes, mais qui sont aussi des fantômes qui n’appartiennent qu’à eux-mêmes. »
Des fantômes et des femmes. Par exemple, Anne Rivière dans son dernier livre, Effraction (Fayard, 2015), cette septuagénaire dont le petit deux pièces du 19e arrondissement de Paris est cambriolé. Plus de peur que de mal. Pas de dégâts, un maigre butin (un ordinateur portable inutilisé, un chéquier, des bijoux sans valeur). Le responsable est vite retrouvé. A la suite de cet incident, sans conséquence grave, la vieille femme replonge dans le monceau de courrier qu’elle a reçu un demi-siècle plus tôt, jusqu’à en perdre la raison. Une troublante histoire de folie, de souffrance liée à la redécouverte fantasmée du passé.
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